LA SAGA RACHID TAHA Épisode 6 : Gaëtan Roussel seconde partie

Gaetan Roussel by Yann Orhan

Gaetan Roussel by Yann Orhan

Six ans déjà que Rachid Taha nous a quittés et qu’il nous manque toujours autant. Pourtant, son chaâbi-electro-punk-groove-rock-fusion résonne toujours aussi puissant à nos oreilles, comme son propos aussi cool qu’humaniste, sa tolérance et son amour des gens. Aussi, pour tenter de combler ce vide abyssal et lui rendre l’hommage qu’il mérite, j’ai souhaité interroger ceux qui l’ont non seulement accompagné, fidèles entre les fidèles, mais également contribué à édifier sa légende. C’est ainsi que j’ai successivement tendu mon micro à Jérôme Marroc-Latour, son chef de projet chez Barclay, à Alain Lahana, qui produisait ses concerts planétaires, à Yves Aouizerate, son manager après le départ de Francis Kerterkian, à ses cotés sur scène et en studio pendant 25 ans, à Hakim Hamadouche, qui l’a accompagné de son mandoluth magique sur scène, comme sur de nombreuses chansons et enfin à Gaëtan Roussel, qui a magistralement produit et co-signé la chanson-titre de son « Bonjour ».

Épisode 6 : Gaëtan Roussel qui a réalisé en 2009, avec l’Américain Mark Plati ( the Cure, Bowie mais aussi Louise Attaque ou les Rita Mitsouko) le lumineux « Bonjour », 8ème album de Rachid….Seconde partie !

Gaetan Roussel Rachid Taha  L’an passé, j’avais voulu vous raconter la magnifique épopée rock de Carte de Séjour en vous retraçant en trois épisodes la saga de la formation de Rachid Taha, Jérome Savy, Mohamed Amini, Mokhtar Amini et de Djamel Dif ( Voir sur Gonzomusic LA SAGA CARTE DE SÉJOUR: Épisode 1 de Rillieux à Polac ,   LA SAGA CARTE DE SÉJOUR Épisode 2  et aussi  LA SAGA CARTE DE SÉJOUR : Épisode 3  ). Depuis notre rencontre à Lyon, juste avant la sortie de son premier maxi 45 tours, Rachid était mon ami et il le sera resté jusqu’à la fin. Que cela soit à BEST ou à la télé, j’ai bien souvent documenté la carrière du natif de Saint-Denis-du-Sig, en Algérie ( Voir sur Gonzomusic ROCK À LYON ANNÉES 80  , TRANSMUSICALES DE 1981RACHID TAHA présente MA DISCOTHÈQUE DE MÉTÈQUESSO LONG RACHID TAHA MON FRÈREHommage de son armée mexicaine à Rachid Taha   et aussi RACHID TAHA « Je suis Africain » ). Avec la publication du premier coffret intégral, qui regroupe non seulement les deux premiers LP de CDS, comme les 10 albums solos de Rachid mais aussi un live autour de deux concerts, l’un à Bercy en 1998 durant l’enregistrement du fameux « 1,2,3 Soleils » et l’autre à Bruxelles trois ans plus tard et enfin un album de remixs intitulé « RMX ».». Avec les coulisses de ce « Bonjour » en compagnie de Gaëtan Roussel, voici la première partie de l’épisode 6 de la Saga Taha !

« Justement, dans l’album « Bonjour » que tu as produit, on retrouve Bruno maman qui a déjà été le partenaire de Rachid sur « Indie » bien des années avant, comment vous l’avez remis dans le jeu ?

 

C’est Rachid qui avait cette envie-là. C’est vraiment une amitié entre eux et Rachid avait ce souhait-là. C’est important quand tu aides quelqu’un à raconter l’histoire qu’il veut raconter, cette personne en face commence par savoir ce qu’elle ne veut pas et sur les deux trois points sur lesquelles elle veut insister. Cela faisait partie des choses dont il avait envie de vivre et de retrouver. C’était vraiment une amitié qui leur appartenait, qui n’était pas du tout cachotière mais qui était à eux. C’est cela qui est beau dans une amitié. Il y a des histoires que les deux protagonistes connaissent et que les autres ne connaitront jamais.

Rachid Taha Bruno Maman

 Rachid Taha Bruno Maman

 

Techniquement, vous avez enregistré où ?

 

De manière certaine, dans un premier temps on a assuré beaucoup de travail chez lui. Il avait un studio dans sa maison aux Lilas, je ne sais pas si tu as eu l’occasion d’y aller…

 

Oui, au sous-sol.

 

Aux Lilas, on a pas mal dégrossi, travaillé, cherché, emprunté des voies que finalement on abandonnait, mais cela fonctionnait comme un atelier. Ensuite je suis parti avec tout ça travailler avec Mark Plati. Ma mémoire flanche un peu, mais pour moi j’ai bossé avec Mark Plati, en allant chez lui avec tout ce qu’on avait pour structurer les chansons. Puis je suis revenu à Paris, où l’on a travaillé dans un studio, qui était rue Jean Aicard dans le 11ème arrondissement. On a fait pas mal de prises et de voix, avant de repartir à New York. Et là Rachid est venu avec moi, alors que la première fois il ne m’avait pas accompagné ; j’étais parti seul, avec les embryons de chansons pour les restructurer. Là il est venu et on a terminé. On a eu quelques petits moments très sympas, parce que on était allé dans un studio à NY et on avait fait les chœurs là-bas. On avait beaucoup travaillé dans le studio de Mark Plati. Il était situé dans son ancien appartement de jeunesse, où j’ai  aussi beaucoup travaillé, puisque j’ai fait plein de trucs pour Bashung là-bas, et aussi pour moi… et donc il était venu écouter les morceaux.  Donc cela s’est promené entre Paris, New York et les Lilas.  

 

Cela aura pris trois mois environ ?

 

Quelques jours par ci, quelques jours par-là, donc entre l’écriture, les moments divers, les papotages, oui à peu près ça je dirais.

 

Ce qui intéressant dans cet album, c’est évidemment le son qui n’est pas du tout le son Steve Hillage électro, mais qui n’est pas non plus le son traditionnel des violons égyptiens de « Ya rayah ». En fait, c’est un album très particulier puisqu’aucun autre album de Rachid ne sonne comme celui-ci. C’est véritablement un album singulier.Rachid Taha

 

Tant mieux, car c’était vraiment notre mission avec Mark Plati. Déjà, la première chose qu’il ne faut pas faire, quand tu as la chance de travailler avec quelqu’un comme Rachid qui collabore avec Steve Hillage, qui connait bien Brian Eno, il ne faut surtout pas aller sur ces terrains-là. Cela ne sert à rien pour au moins deux raisons : tu feras moins bien et ça existe déjà. Donc, aucun intérêt. J’avais un peu présenté à Mark le travail de Rachid et j’avais insisté sur le fait qu’il fallait il à tout prix que l’acoustique existe, donc il faut faire des petites guitares ici ou là, de manière plus folk ou, comme tu le dis un peu dans ta chronique à l’époque, un peu à la Manu Chao. Il y a toujours des petites guitares qui trainent et qui te rappellent que la chanson peut être jouée comme ça au bistro, ou au coin du feu avec une simple guitare. Et puis il fallait aussi du mélange, en laissant beaucoup de place à Hakim et beaucoup de place pour certains arrangements, mais avec notre regard à nous. Et notre regard il fait que Plati et moi dans la production, notre culture, notre expérience elle est à un endroit et pas à un autre. Et donc tu ne peux pas te prendre pour qui tu n‘es pas, puisque c’est quelque chose que tu n’as pas avec toi. C’était ce qu’on essayait d’amener sachant que Rachid quel que soit le lieu où tu l’emmènes ce sera lui de toute façon. On parlait d’Alain Bashung c’est pareil, pourquoi Bashung a une telle singularité : parce que quelle que soit la sonorité à la fin, c’est toujours lui qui endosse le costume et qui le fait sien. Et Rachid avait aussi ce super-pouvoir-là. C’est précieux quand tu travailles avec un tel artiste, car tu peux toujours pousser le jeu plus loin, sachant qu’il te le ramènera toujours à lui. Avec tous ces ingrédients là…

 

Toujours sa personnalité qui lui permettait de s’adapter. Il avait un coté caméléon ?

 

Caméléon et en même temps, il avait une démarche aussi très spontanée. Il s’avère que naturellement il était caméléon, mais tu sais c’était aussi un fonceur notre Rachid. Donc l’instinct l’amenait là tout le temps. Il avait une grosse personnalité de base, de fond…

Rachid Taha

Comment expliques-tu que nul n’ait repris le flambeau, ne serait-ce que de près ou de loin un cocktail musical qui ressemble à celui de Rachid ? Personne, ni en France ni à l’étranger.

 

Je n’ai pas réfléchi à cette question, qui est assez juste. Je cherche pour voir si quand même il y a ici ou là, pour reprendre ton terme, un flambeau qui se promène. Certes ce n’est pas son registre vocal, mais quand même on doit à Damon Albarn cette transversalité permanente, qui n’est tout de même pas intéressante. Et ce n’est pas pour rien que Rachid participait régulièrement à son Africa Express, un concert qui était donné chaque année en Angleterre. C’est vrai qu’aujourd’hui, je dirai que ce que Rachid portait c’était beaucoup plus de transversalité dans les musiques, que peut être à l’époque où il y avait un peu plus des couloirs de nage. Rappelle-toi du temps à la FNAC où il y avait même les étiquettes où je vais chercher tel artiste. Aujourd’hui ce serait très délicat. Finalement, peut être qu’on a effacé une personne mais peut-être qu’il y en a un peu partout quand même de cette démarche-là, dans les musiques qui sont beaucoup plus malaxées. Donc je te rejoins, car je n’arriverai pas à te citer quelqu’un en particulier, mais je me dis que quand même son esprit subsiste et qu’il est un peu partout.

 

Et dans ta musique à toi, est-ce qu’il y a du Rachid Taha ?

 

Gaetan RousselIl y a forcément un petit peu dans ce que je te décrivais au départ qui était quelque chose que j’avais commencé à apprendre, sans même savoir que j’étais en train de l’apprendre, aux côtés d’Alain Bashung. C’est à dire comment construire tes disques, quand tu n’es plus à l’intérieur d’une architecture de groupe, mais que tu es dans une architecture de ce qu’on appelle une carrière solo. Et ça, ce qui va rester c’est que quand Rachid a toqué à ma porte en me disant : « Ça ne te dirais pas de m’aider à raconter l’histoire que j’ai envie de raconter ? ». Que moi je me suis dit : avec Mark Plati on va le faire. Et que j’ai vécu ça, moi je vais toquer à la porte de Maxime Le Guil, un fameux producteur beaucoup tourné vers l’international ou alors je vais voir Renaud Robillot, un co-compositeur qui travaille autant avec Vitaa Gims que bien d’autres gens. C’est là où il subsiste quelque chose, c’est qu’au moins on arrive à raconter l’histoire qu’on a envie de raconter, et de s’apercevoir que ce qu’il faut, c’est de laisser circuler de l’air, et des notes et des mots. Et en même temps, que tout cela s’entrechoque, que tu puisses avoir ce que toi tu veux en respectant en même temps ce que chacun et chacune te donne, prendre ce qu’il te faut pour que cela soit ton histoire. Cette démarche-là, elle était chez Rachid et elle était chez Bashung et c’est un truc que j’essaye de faire à ma manière. Ce n’est donc pas dans la musique, mais dans comment construire son histoire.

 

Dans la démarche, dans l’esprit…

 

Oui. Comme dans un groupe, ce qui est beau c’est que, et je le connais très bien avec Louise, c’est que on était quatre, on est trois. C’est à nous de raconter l’histoire. Si je ne joue pas très bien de la guitare, on ne va pas demander à quelqu’un d’autre de la jouer un peu mieux à ma place, parce que c’est le groupe qui doit raconter ça. Quand tu es en solo, par contre, si telle guitare ou telle batterie, telle personne va mieux raconter l’histoire, tu peux te le permettre. Et donc, tout cela fait que tout d’un coup cela respire autrement. C’est une manière de construire ses disques que j’ai appris au fur et à mesure avec le temps et la démarche avec Rachid en fait partie.

 

C’est une sorte de liberté.

 

C’est une sorte de liberté, mais il ne faut pas l’opposer à la liberté que le groupe t’amènes.

 

Rachid TahaC’est une autre liberté ?

 

Voilà et c’est cela qui est très agréable à vivre. Pour finir, quand moi on me demande comment arriver à faire le distinguo entre bosser avec mes camarades de Louise et tout seul, en fait le distinguo se fait tout seul. Il y a un certain égoïsme dans le groupe, car il faut être un peu recroquevillé, parce que c’est comme ça que ça marche. Le mode solo, c’est l’inverse. Pour répondre à ta question : ce que j’ai avec moi, ce sont ces journées que j’ai pu vivre et les clefs qu’il nous avait confié.

 

Rachid était un lecteur effréné, il était curieux de tout, il s’intéressait à tout…

 

… il était très cultivé politiquement… C’était un personnage hors du commun. Il aimait cette joute verbale.

 

Le dialogue… merci encore d’avoir accepté de parler de notre Rachid.

 

Cependant, pour m’avoir replongé dans mes pensées de Rachid, c’est moi qui doit te remercier. »

Voir sur Gonzomusic  Épisode 1 : Jérôme Marroc-Latour, son chef de projet chez Barclay

LA SAGA RACHID TAHA Épisode 1 : Jérôme Marroc-Latour

Voir sur Gonzomusic Épisode 2 :  Alain Lahana, qui a produit ses concerts aux quatre coins de la planète durant deux décennies.

 LA SAGA RACHID TAHA Épisode 2 : Alain Lahana

Voir sur Gonzomusic Épisode 3: Yves Aouizerate son manager après le départ de Francis Kerterkian, à ses cotés sur scène et en studio pendant 25 ans LA SAGA RACHID TAHA Épisode 3 : Yves Aouizerate

Voir sur Gonzomusic Épisode 4 : son producteur historique, le légendaire et ex-Gong Steve Hillage, qui a produit durant plus de quinze ans la musique de Rachid, inventant avec lui une fusion inédite electro-blues-chaabi-rock…. LA SAGA RACHID TAHA Épisode 4 : Steve Hillage

Voir sur Gonzomusic Épisode 5 : Hakim Hamadouche, sans doute son compagnon musicien le plus proche qui l’a accompagné depuis l’album « bleu »…LA SAGA RACHID TAHA Épisode 5 : Hakim Hamadouche

Voir sur Gonzomusic Épisode 6 première partie : Gaëtan Roussel qui a réalisé en 2009, avec l’Américain Mark Plati ( the Cure, Bowie mais aussi Louise Attaque ou les Rita Mitsouko) le lumineux « Bonjour », 8ème album de Rachid…. 

LA SAGA RACHID TAHA Épisode 6 : Gaëtan Roussel première partie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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