LA SAGA CARTE DE SÉJOUR: Épisode 1 de Rillieux à Polac
Octobre 1981, envoyé spécial de BEST à Lyon, GBD flashe sur un groupe local qui ne ressemble à aucun autre. Dans leur local sous les toits, emporté par un chanteur incroyable qui bouge de manière hallucinante tel un Elvis Presley oriental, ce groupe mêle habilement le rock, le blues, le reggae ainsi que leurs racines arabes offrant un cocktail absolument inédit. Deux mois plus tard, ils triomphent à la 3ème édition des Transmusicales de Rennes… a star is born ! Carte de Séjour, même si trop l’oublient, jusqu’au crépuscule des 80’s, était un acteur majeur de la scène rock hexagonale, aux cotés des Téléphone, Starshooter, Taxi Girl, Indochine, Trust ou Marquis de Sade. Après la disparition de Rachid Taha et du guitariste Mohammed Amini, seuls survivent son frère, le bassiste Mokhtar Amini et le guitariste Jerome Savy ; ils ont accepté de partager avec nous leur saga Carte de Séjour. Épisode 1 : de Rillieux-la-Pape à « Droit de réponse » de Polac en passant par « Zoubida ».
L’an passé, après toutes ces années, je retrouve Mokhtar Amini le bassiste de Carte de séjour aux Arts et Métiers à Paris, à l’occasion d’une expo consacrée à la culture de l’immigration dans laquelle son groupe occupe une place centrale. Bien entendu on parle de CDS. Rachid est décédé le 12 septembre 2018 (Voir sur Gonzomusic SO LONG RACHID TAHA MON FRÈRE ) et Mohamed Amini, son frère l’a hélas suivi le 25 novembre 2019. Immense tristesse. Et cette année j’échange à nouveau sur facebook avec Jerome Savy, le guitariste du groupe. Et c’est à ce moment-là que je me rembobine le film. Le choc de la découverte dans mon premier reportage à Lyon pour BEST (Voir sur Gonzomusic ROCK À LYON ANNÉES 80), le premier concert de CDS auquel j’assiste aux Transmusicales de Rennes ( Voir sur Gonzomusic TRANSMUSICALES DE 1981 ). Ensuite toute première tournée à laquelle j’assiste dans la foulée du maxi 45 tours à travers des bleds improbables. Premier LP « Rhoromanie » avec son reggae-twist si cool « Bleu de Marseille », concerts bluffants, puis second LP « 2 et ½ » propulsé par sa tubesque reprise du « Douce France » de Charles Trenet. Et enfin consécration par ce Prix du Rock Français, ce Bus d’Acier décroché par Carte devant, excusez du peu, les Rita Mitsouko. Mais l’épopée rock de CDS s’achève en queue de poisson. Rachid publie un projet solo « Barbès » en 1991, même si officiellement le groupe existe toujours. Les albums de Rachid Taha se succèdent, il y en aura dix en tout jusqu’au posthume « je suis Africain » (Voir sur Gonzomusic RACHID TAHA « Je suis Africain » ) et je ne perdrai jamais contact avec lui, assistant à ses concerts ou publiant encore cet article tout juste un mois avant sa disparition consacré à un sujet qu’il maitrisait parfaitement : le rock tout autour de la Méditerranée ( Voir sur Gonzomusic RACHID TAHA présente MA DISCOTHÈQUE DE MÉTÈQUES ). Cinq ans après la mort de Rachid, il est grand temps de vous conter cette saga Carte de Séjour. Épisode 1 : de Rillieux-la-Pape à « Droit de réponse » de Polac en passant par « Zoubida ».
« Donc on va commencer par Mokhtar parce que ma première question est simple : quand est-ce que tu as formé et dans quelles conditions un groupe qui ne s’appelait pas encore Carte de Séjour ?
Mokhtar Amini : C’était avec mon frère, chez mes parents car on l’a fabriqué un peu dans notre chambre.
Elle était où cette chambre ?
M : Dans l’appartement familial.
Tu te souviens encore de l’adresse ?
M : Oui, bien sûr, 16 avenue de l’Europe à Rillieux-la-Pape. Et puis, petit à petit, on a monté le groupe. Bon j’avoue, les parents ne savaient, pas trop ce qu’on faisait, mon frère et moi.
Quand tu dis : mon frère et moi, il faut donner son nom : Mohammed. Vous avez combien d’années de différence ?
M : Trois ans. Je suis le cadet de la fratrie Et donc Mohamed a acheté sa première gratte, je jouais un peu dessus sur les basses, et puis après, j’ai acheté une vraie basse.
Et donc vous êtes chez les parents, à Rillieux. Mohammed fait diling diling avec sa guitare, toi tu fais blong blong avec ta basse… et les parents en disent quoi ?
M : Ils ne sont pas très contents, on va dire. Moi je cache même la basse dans le dressing, entre deux vestes sur cintres.
Enfin, ils ne sont pas sourds. Ils entendaient quand même.
M : Oui mon frère avait son petit ampli, mais on ne jouait pas fort, le plus souvent en fait on attendait qu’ils ne soient pas là.
Vous jouiez quoi à l’époque ?
M : Hé bien d’abord, on faisait surtout des reprises, on jouait beaucoup les chansons des Stones comme des reprises de Chuck Berry. « Carol » ou « Johnny B Good ».
Mais donc du pur rock and roll ?
M : Oui, on essayait d’être rock and roll et puis surtout à un moment donné, on a commencé aussi à faire nos propres compositions au milieu des reprises.
C’était dans le style Rock and Roll ou autre chose ?
M : Ah oui, c’était bien rock.
Vous chantiez en anglais ou en français ?
M : C’était bien là tout le problème : on n’avait pas de chanteur. Moi je ne chantais pas et Mohammed non plus. C’est après, quand on a eu un local qu’on a commencé avec un premier chanteur qui s‘appelait Jamel Handaouis.
Comment trouvez-vous un local pour trouver un chanteur ?
M : En fait, ça s’est fait en deux temps, on en a d’abord trouvé un, mais ça ne pouvait pas le faire car c’était une sorte de magasin tout vitré en réz de chaussée. Heureusement peu de temps après on a trouvé au 7ème étage dans un grenier…
Ah mais ça j’ai connu puisque c’est là que je vous ai rencontré en 80 ! C’était la première fois que j’allais voir un groupe de rock dans une chambre de bonne, en général on les mettait toujours à la cave. Et là on montait un escalier qui n’en finissait pas et ce n’était pas « Stairway to Heaven » ! Mais avant Rachid vous aviez un autre chanteur ?
M : Oui, Jamel Handaoui. Ça l’intéressait de chanter comme ça, mais en fait il n’était pas très assidu. Il ratait fréquemment les répétitions. Mais par contre on a trouvé un batteur qui s’appelait Michel Clerc qui lui venait tous les soirs aux répètes 16h à 21h. On faisait tourner des morceaux.
Comment avez-vous trouvé votre véritable chanteur ?
M : C’était un 1er mai 1979 à Lyon, il n’y a pas de bus. Donc on part de Rillieux. Mon frère part en stop. Moi, je me fais prêter une mobylette. Et puis, dans la descente vers le centre-ville, je vois mon frère avec une autre personne que j’avais pu apercevoir mais que je ne connaissais pas trop ; et je me suis arrêté à leur hauteur avec la mob. Là Mohammed me présente et me dit : tiens, voilà Rachid Taha qui veut passer au local pour essayer de chanter. Voilà. On se retrouve au local, j’étais un peu en avance, puis ils m’ont rejoint. Rachid a chanté de 14/15 h à 20/21h.
Il chantait quoi ? Des standards du rock ?
M : Non, il chantait en yaourt. Il a essayé en français, il a essayé en anglais et c’est seulement à la fin où il s‘est lâché et qu’il s’est mis à chanter en arabe. C’est là où je l’ai senti le plus à l’aise. Il était moins essoufflé ; il avait moins besoin de tirer sur sa voix.
Tu as dû ressentir une vraie émotion à ce moment-là ?
M : C’est certain. Avec Mohamed on s’est dit : si Rachid veut rester, ça va le faire. Déjà avoir un chanteur c’est plus important que d’avoir un batteur. Donc on était tous les quatre, le batteur, Mohammed, Rachid et moi et c’est à ce moment-là que nous avons commencé nos petites compositions qui allaient constituer la base du premier maxi 45 tours.
Tu avais déjà en tête de faire vos propres compositions, puisque c’est ce que tu faisais avec ton frère et Djamel votre premier chanteur ?
M: Bien entendu. Après, le batteur est parti et Jess ( Djamel Diff) est arrivé pour le remplacer durablement… ensuite est arrivé Eric Vacquet.
Le premier guitariste que j’ai connu, notamment aux Transmusicales de Rennes, avant l’arrivée de Jerome ?
M : C’est ça.
Et comment avez-vous été piqués, si je puis dire, par le label Mosquito qui publie le premier maxi et le premier 33 tours ?
M : Rachid sortait déjà pas mal le soir, il travaillait dans des boites comme DJ, c’est ainsi qu’il a rencontré Serge, le type de Boul’ Dingue et aussi Bernard Meyet qui allaient monter leur label ensemble. Donc, on a signé sur ce label-là.
Le groupe ne s’appelle pas encore Carte de Séjour ?
M : Le nom en fait, on l’avait trouvé un peu avant car mon frère m’en avait parlé. Il m’avait dit : faut trouver un nom. Il avait pensé à Carte de Séjour pour faire un peu comme les UB 40 qui avaient trouvé leur nom de groupe en détournant celui du formulaire de l’assurance chômage Britannique.
Mohamed avait raison, c’était une super idée.
M : Ensuite, sans doute signe du destin, on était au troquet avec Rachid et mon frangin fait accidentellement tomber sa Carte de Séjour et là il nous lance : on va s’appeler Carte de Séjour et il arrivera ce qu’il arrivera.
Donc, c’est bien Carte de Séjour que Rachid essaye de vendre à Mosquito ?
M : Voilà. On a joué notre premier vrai concert au Palais d’Hiver, ce qui n’est pas rien. C’était pour un festival militant qui s’appelait Rock Against Peyrefitte – contre une réforme contestée par la jeunesse d’Alain Peyrefitte ministre de la Justice sous Giscard d’Estaing- c’était le 31 octobre 1981. Mais Bernard nous avait déjà vu dans une toute petite salle de MJC à Rillieux un peu avant. Pour Rock Against ça s’est fait tellement vite qu’on n’était même pas sur l’affiche du festival, il nous a programmé vraiment au dernier moment.
Comment s’est passé le concert, les applaus ou les cannettes ?
M : Non, pas les cannettes (rire) , On a même été le seul groupe à avoir un article compte rendu du concert le lendemain dans la presse locale, alors qu’il y avait quand même des gens bien plus connus à l’affiche comme Sapho et Oberkampf ! L’article saluait l’originalité de CDS qui chantait en arabe.
C’était déjà les morceaux qu’on connait sur le maxi, comme « Zoubida » et « La moda » ?
M : Oui, dès qu’on est sorti du local, pour faire des concerts, on chantait déjà en arabe. On a fait les quatre titres du maxi mais aussi d’autres chansons qui n’ont jamais vues le jour sur disque. En tout, on a dû jouer sept titres au cours de ce tout premier concert. On commençait tout juste.
Et qui a eu l’idée de publier ce premier maxi, c’est Bernard Meyet, c’est vous ?
M : On avait fait une semaine de studio et il fallait qu’on arrive à faire un morceau par jour mixage compris. C’était à Rennes là où on a fait « Rhorhomanie » ensuite…
Ah oui… au fameux studio DB de Rennes, bien sûr !
M : Exact, et c’était Michel Zacha qui produisait le disque.
Et avec le recul, le tube du Maxi c’était « Zoubida » ?
M : Oui c’était le titre-phare.
Qui avait eu l’idée de l’arrangement reggae ?
M : En fait, on se cherchait encore. Je suis parti sur une basse reggae et le batteur a suivi.
Tu écoutais du reggae à l’époque ?
M :Essentiellement du reggae britannique Inner Circle, Black Uhuru, UB 40 pas mal aussi.
C’était super futé de mélanger le rock, le reggae et l’arabe ! On n’avait jamais rien entendu de tel dans l’Hexagone.
M : Oui mais il n’y avait pas encore les instruments orientaux dans ce cocktail musical, c’est venu après. Il n’y avait que la voix qui était en arabe.
Donc, vous enregistrez ce maxi, il sort… et que se passe t’il ensuite ? Vous êtes accueillis comme les Rolling Stones… ou pas tout à fait ?
M : (rire) Non, mais très rapidement le boss du label, Bernard Meyet a commencé à vouloir monter une tournée… et Jérôme en a fait partie.
Moi aussi, j’y étais ! je me souviens parfaitement de l’histoire, notamment ces disquaires qui ne voulaient pas mettre votre disque en rayon car dixit « on ne va tout de même pas vendre de la musique d’arabes » (sic !). Il y a eu des réactions absolument horribles à l’époque.
M : Surtout que Mosquito était un tout petit label qui ne pouvait pas faire pression comme plus tard CBS avec « Rhorhomanie » qui pouvait menacer les disquaires de les priver de Goldman, Springsteen, Dylan ou the Clash s’ils ne jouaient pas le jeu avec Carte de Séjour. Et donc on ne trouvait le maxi que à la FNAC pu dans les rares supermarchés qui avaient un rayon disques.
Mais donc durant cette première tournée, il y a des disquaires dans des petites villes où vous jouiez qui refusaient de mettre le disque en rayon ? Et donc personne ne pouvant acheter le disque, il n’y avait pas beaucoup de public dans ces villes ?
M : Exactement. Pour eux c’était « un disque arabe », pas du rock ! ils ne voulaient surtout pas attirer une clientèle « arabe » qui viendrait « nous voler ».
C’est juste monstrueux. Et toi Jérome quand as-tu rejoins CDS ?
Jérôme Savy : En fait, au départ, j’étais dans un autre groupe, appelé Arsenic ; j’avais 17 ans quand on a enregistré notre album à Cybermis. Moi j’ai découvert CDS grâce aux deux premiers articles dans la presse, celui d’Actuel et le tien dans BEST et je les ai rejoints en 82 quand j’ai quitté mon groupe. Un jeudi soir à la répète, je leur annonce que je jette l’éponge car ils ne s’investissaient pas à fond comme moi dans la musique, plus préoccupés par leurs études et les gonzesses que par le rock. Or moi je ne voulais faire que ça. Et par hasard, le samedi, je croise Mohamed et je lui annonce que je viens de quitter Arsenic. Et là il me dit : écoute ça tombe bien car on cherche un guitariste. « Passe nous voir au local, 32 rue des tables Claudiennes », m’avait -il alors lancé. En fait c’était à coté d’un bar qui s’appelait « Chez Nénesse » qui était le QG des malfrats du coin. En fait, le local de la rue des tables Claudiennes n’était pas le local du groupe, c’est un lieu que Mohammed avait trouvé chez des babas pour que l’on puisse se
rendre compte, si cela fonctionnait avec mon son et ma manière de jouer.( pour la petite histoire, ce local doit être
magique, non seulement, nous y sommes restés mais j’ai intégré le groupe et toutes les
parties et titres que j’ai joués d’un premier jet durant les trois jours d’essai sont les mêmes parties enregistrées sur l’album
« Rhorhomanie »!
Mais oui Rachid m’en avait parlé. Vous vous étiez fait piquer tout votre matos dans le local de répète et il a envoyé ses gros bras le récupérer.
J : Exact… il y avait des mecs du fameux gang des Lyonnais, nous on était tranquille avec notre matos. Un jour, on se retrouve même nez à nez avec des mecs en costars qui tenaient des mitraillettes. Le matos a été volé là où répétait le groupe
Le groupe avait quitté le local en étage où tu étais venu et louait désormais une salle de répétition dans le 5 ème place Gerson. C’est
dans ce lieu que le Matos a été volé.Le plus incroyable c’est que les voleurs ont caché le matériel du groupe que j’allais intégrer, dans le local du groupe
que j’allais quitter quelques mois plus tard.. C’est vraiment « un hasard » dans le sens oriental du mot arabe Hasard. Bref, on a répété ensemble le mardi et le mercredi, puis le jeudi ils me disent : c’est bon , on va te présenter au label. Et c’est comme ça que je suis devenu le guitariste de Carte de Sejour. Car moi j’en avais un peu marre de faire du rock pur et dur. Et là le fait de faire partie d’un groupe qui chantait en arabe, m’ouvrait de nouveaux horizons. Et de surcroit cela me donnait un véritable objectif de sentir que j’avais une cause à défendre. Et musicalement, le son épuré du premier maxi m’avait montré que je pouvais aisément me glisser dans cette musique-là, de trouver ma place. Je sentais que je pouvais aussi apporter un élément inspiré du flamenco qui lui collerait parfaitement . Comme « « Chems Ou Nejma » qui étai aussit un peu reggae. Moi je n’avais pas d’affect avec cette musique orientale car ce n’était pas celle de mes parents comme eux.
Ca te donnait aussi un autre regard sur cette musique-là. Comme le disait Mokhtar : avec son frère ils voulaient faire du rock, être les Rolling Stones et toi tu faisais le chemin inverse en quittant le rock pour embrasser cette culture.
J : Exactement et aussi accessoirement pour faire chier mon oncle raciste qui avait fait la guerre d’Algérie.
Mokhtar, il n’y avait pas que l’amour du rock et de la musique arabe dans CDS, il y avait aussi un coté militant très marqué.
M : On nous a un peu collé cette étiquette par rapport au nom que nous avions choisi, car si on s’était appelés les Paic Citron cela n’aurait pas du tout été le même trip.
C’était à la fois une force et une galère à porter !
J : Moi j’ai compris qu’ils cherchaient un guitariste à l’allure plus « gaulois », même si je suis d’origine polonaise et espagnole, pour métisser avec un mec qui était là depuis plus d’une génération. Ma famille était ashkénaze et venait de Pologne, convertie. Et de l’autre côté c’étaient des espagnols.D’ailleurs mon oncle qui ressemble pourtant à un chibani du bled est revenu de la guerre
d’Algérie raciste. Avec Rachid on en parlait souvent se disant : mais ça va s’arrêter quand ? Quand ils seront tous morts?
Mokhtar, comment ta famille est-elle arrivée en France ?
M : Moi je suis arrivé avec mes parents, j’avais 13 mois, je ne marchais pas. Et Mohamed avait 4 ans. Quand à Rachid, il est arrivé plus tard vers ses 13 ans,
Vous veniez d’où ?
M : De Casablanca
J : Des faubourgs de Casablanca…
M : Oui des quartiers pauvres. C’est mon frère qui me l’a raconté, on vivait dans une bicoque en taule, dans un bidonville, quoi.
J : Ce sont un peu des souffrances qui se sont croisées. Je me souviens qu’on avait fait la première partie de Téléphone et je regardais Mokhtar qui n’avait pas de pognon et à qui il manquait deux dents. Je sentais une souffrance et moi j’avais aussi vécu une jeunesse dure, une jeunesse difficile.
C’était aussi ce qui vous rapprochait entre vous. Vous étiez une sorte de fratrie.
J : Exactement.
Avant de lancer le second épisode, un petit mot sur Rachid : comment était-il dans la vie ? Et sur scène ?
M : je ne souviens que dès notre première rencontre avec Rachid, on se pissait littéralement de rire tant il savait être drole. Le lendemain j’avais sérieusement la peau qui me faisait mal, tellement on avait ri. Il sortait sans cesse de grosses conneries ; par provoc il osait jouer de harmonica n’importe où.
Est-ce qu’il faisait déjà la fête toutes les nuits ?
M : Oui il sortait déjà beaucoup, il était serveur au Miles et après il passait des disques toute la nuit. Ensuite, il allait dans d’autres boites. Mais mon frère et moi, on ne le suivait pas trop dans ses virées.
J : Moi c’est comme ça que j’ai rencontré Rachid. J’avais quitté mes parents depuis l’âge de 17 ans et je dormais dans ma voiture devant le Carrefour où je bossais. Je croisais souvent Rachid au pub de la rue mercière qui était un endroit qui fermait très tard. On se connaissait de vue avant de jouer ensemble. Mais je ne savais même pas qu’il faisait de la musique. On parlait de tas d’autres choses.
M : C’est à ce moment que les premiers articles ont commencé à tomber : d’abord Actuel et puis le tien dans BEST, Gérard. On est aussi passé chez Michel Polac dans son « Droit de réponse »…..
À SUIVRE…..
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Épisode 2 : De « Rhorhomanie » à « Douce France » en passant par Alain Levy, Philippe Constantin, Steve Hillage, Nick Patrick, le Bus d’Acier et Charles Trenet LA SAGA CARTE DE SÉJOUR Épisode 2
Épisode 3 : Du troisième album fantôme à la tragique disparition de Rachid Taha en passant par la désintégration de Carte de Séjour.
Passionnante histoire d’un groupe Rock Français engagé….ils sont rares !
Magnifique reportage. Quelle époque, carte de séjour incroyable, impressionnant, improbable dans une époque révolutionnaire qui va changer beaucoup les comportements.. Rachid et CDS sont les anges sans dieu du défonsage de portes cadenassé par les racistes….