HAPPY BD DOMINIC SONIC Episode 1
En ce jour d’armistice, il aurait eu exactement 60 printemps aujourd’hui, si le destin ne nous l’avait volé voici un peu plus de quatre ans, ce qui ne nous empêche pas, bien au contraire de le lui souhaiter comme il le mérite : happy birthday Dominic Sonic, rock poète guitar hero crucial de la bouillante scène rennaise, aux cotés des Marquis de Sade, Nus, Octobre, Niagara ou encore Daho. Pour cet anniversaire si particulier, Cathy Charlier, sa compagne durant vingt ans, nous offre un rare et intimiste portrait de ce dandy du rock hexagonal à nul autre son pareil. Miss U little bro !
J’ai déjà du l’écrire vingt fois sur Gonzomusic et ailleurs, quand j’ai rencontré Dominic Sonic ( Voir sur Gonzomusic SO LONG MY SONIC BOY, DOMINIC SONIC « Cold Tears », DOMINIC SONIC « Qu’avons-nous fait » et aussi DOMINIC SONIC À L’UBU ) à Rennes à l’aube des années 80 dans la saine tornade rock des premières Transmusicales ( Voir sur Gonzomusic TRANSMUSICALES 1980 et aussi TRANSMUSICALES DE 1981 ), pour moi qui avait alors dans les 30 ans, c’était un gamin avec ses vingt piges. Pourtant, il avait su sacrément me bluffer par son énergie incroyable et sa spontanéité sur la scène de la Salle de la Cité avec ses furibards Kalashnikov. Et dans la vie, Sonic pétillait comme le Perrier. Vif et drôle, loquace et hyper sensible, mais surtout fantasque et irrésistiblement rock, à l’instar d’un Tom Verlaine ou d’un David Johansen frenchie. Plus tard, dans les colonnes de BEST, je chroniquerai son fulgurant « Cold Tears », son premier LP millésimé 1989. On se perd de vue quelques années, et on se recapte en voisins grâce à Rachid Taha ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Rachid+Taha ), les deux larrons habitant aux Lilas et moi à la Porte des Lilas. On se retrouve chez Rachid pour des BBQ ou au bar à coté pour boire des canons. Et puis le destin, l’enfoiré nous rattrape grave et emporte notre Rachid ce triste 12 septembre 2018. Rachid à six jours près allait avoir 60 ans. Deux ans plus tard, c’est Sonic qu’on nous arrache, sombre 23 juillet 2020 à seulement 55 ans. Et aujourd’hui, jour d’armistice, Dominic Sonic aurait dû fêter avec nous ses six décennies. En son absence, c’est Cathy Charlier, sa compagne durant vingt ans à ses côtés, qui sera la voix de Sonic pour un entretien forcément super et sonic, mais aussi émotionnel que rock and roll…
En me rejoignant dans ce café rennais, au lendemain de l’hommage rendu à Frank Darcel à la Salle Ubu ( Voir sur Gonzomusic L’ADIEU À FRANK DARCEL À L’UBU , DENIS BORTEK EN SOUVENIR DE FRANK DARCEL et aussi RETOUR SUR LE TRIBUTE À FRANK DARCEL ), Cathy Charlier pose un objet sur la table. C’est un carnet, avec petit cœur rouge customisé par Sonic. A l’intérieur, une belle écriture courre sur les pages. Ce petit journal de bord résume à lui seul tout que pouvait être Dominic Sonic et à quel point aussi il pouvait être méticuleux et élégant. C’est ce Sonic-là dont elle se souvient et qu’elle accepte de partager avec nous. Un Sonic qui devrait bientôt publier son journal de rencontres de personnalités du rock, de David Bowie à Bo Diddley en passant par Gainsbourg, Eicher, Chris Bailey, Daniel Darc, Philippe Constantin, Ray Charles, Bashung, Daho ou encore Daniel et Muriel de Niagara.
« Je voudrais publier un recueil des textes de Dominic, qui devrait sortir au printemps prochain et qui documente toutes les rencontres qu’il a pu faire. Il les raconte à chaque fois en une page. Il avait entrepris ça les dernières années, quand il a su qu’il allait partir. Il devait en écrire une par jour ; mais avec Dominic on était loin d’atteindre ce rythme. Cependant, au final il y en a une trentaine ; on y retrouve Bowie et toutes les personnalités qu’il a croisées.
Il doit y en avoir pas mal qu’il a croisé dans le contexte des Trans, non ? Des artistes transportés lorsqu’il était runner ?
Oui il a été backliner, il a été runner… il a même été colleur d’affiches avec Christian Dargelos……. ( Voir sur Gonzomusic LES NUS et aussi LES NUS « Enfer et Paradis » )
Pour des concerts, pas des manifs ?
Oui… essentiellement pour les Trans, bien sûr. Avec Fred Renaud aussi, je crois il a collé des affiches.
J‘adorais Frédéric humainement, autant qu’artistiquement.
Nous aussi. Tu sais qu’il avait offert sa 12 cordes à Dominic ? Ils avaient fait ensemble une très belle reprise de Bashung lors de sa disparition, ils n’étaient rien que tous les deux. C’était « Madame rêve » et c’était sublime. Je pense que ce livre de rencontres sera intéressant, parce que finalement c’est un peu une histoire du rock vécue par Dominic.
Vécue de l’intérieur, même.
Et vécue à la Dominic, c’est-à-dire que ce n’est pas du tout un trip égotique, bien au contraire, la preuve c’est lorsque Bowie l’a invité à diner, comme il devait ramener la copine du batteur à Rennes, il a carrément décliné. C’est un peu lose, un peu à l’arrache mais tellement lui. Tous les textes sont rédigés à la main, de sa très belle écriture et il a pris le soin de les dater à chaque fois. Il y en a une trentaine en tout et on va publier ça chez un éditeur de Rennes, les Editions Goater.
Il n’écrivait jamais avec un ordi… il a toujours écrit à la main ?
Jamais, il a toujours écrit à la plume tous ses textes.
Tu veux dire au stylo-plume, pas à la plume d’oie….
(rire) non tout de même pas à la plume d’oie. Il n’est pas né au moyen-âge. Il avait de très beaux stylos. Il avait même un encrier et son buvard. Comme dans ce petit carnet.
Pour éponger au cas où…
Exactement. Et il faisait des ratures, mais propres.
C’est marrant, je découvre un Dominic que je connaissais peu. Moi, je le voyais plutôt brouillon, fantasque, rêveur… plutôt qu’aussi discipliné.
Alors, discipliné là c’est un peu excessif. Je te disais un par jour normalement, mais finalement pas du tout et on a passé des années, puis il en a écrit plein d’un coup. C’est un peu comme les albums. Il aurait aimé plein de choses dans sa vie, comme sortir un album par an. Et finalement cela lui a pris jusqu’à 17 ans pour le faire. Par contre, rapport aux objets, à l’écriture, comme ce rapport artisanal qu’il pouvait avoir avec la guitare…
Alors question basique … quelle est la première fois où tu as entendu le nom de Dominic Sonic ?
J’ai vécu à Rennes, j’y ai fait mes études et je suis arrivée à 19 ans ; je logeais tout à côté de la Salle de la Cité, rue d’Echange. Très tôt, au bout d’un mois, je travaillais déjà sur les concerts à la Cité. C’était en 93. On avait dix ans de différence d’âge. Pour te répondre, j’ai entendu le nom Dominic Sonic … en Terminale lorsqu’un copain, Guillaume m’avait filé une cassette de Sonic… que j’avais écrasée pour mettre à la place un truc de rock alternatif…
… mais non….
… et le pire c’est que le Guillaume en question, dès la première fois que je lui ai présenté Dominic, n’a rien trouvé de mieux que de lui raconter cette anecdote.
Et il ne t’en a jamais voulu ?
Il m’en a voulu juste à cause du groupe que j’avais mis dessus, pas de l’avoir effacé.
C’était quoi ?
Cela devait être OTH ou quelque chose comme ça.
Ce n’est pas honteux, tu n’as pas mis Bruel tout de même !
Non, mais pour Dominic ce n’était pas très élégant. Ma première rencontre avec Sonic c’est donc quand j’ai écrasé son album. Et puis très longtemps après à Rennes, on s’est croisé. Je me suis évertuée assez longtemps à ne pas aller à ses concerts, ce qui n’était pas évident car il jouait beaucoup.
On parle du Sonic solo ce n’était pas Kalash’…
Non je n’ai jamais connu Kalashnikov… avec les deux frangins Tonio et Martin. Je connaissais les garçons, mais pas la musique. Je l’ai découverte après.
Il n’y a eu qu’un seul album.
Oui qui est d’ailleurs vachement bien.
Super énergique. Un peu Clash… bien révolté…
Tout n’est pas en place, mais cela développe une énergie folle. Et moi j’entends plein de choses de Dominic dans les Kalash… déjà. Même certains petits trucs mélodiques qu’il a aussi utilisés après sur ses albums.
C’était bien plus brut de coffrage que par la suite, avec cette musique inspirée par le blues, par le rock classique, par la musique noire, par le punk …
Oui et avec une vraie écriture, lorsqu’avec les Kalash il chantait en yaourt ! il me racontait que les premiers temps il n’écrivait pas, que cela ne servait à rien parce qu’ils changeaient tout le temps de registres musicaux. Au bout de trois concerts, ils faisaient déjà autre chose. Donc quitter les Kalash c’était aussi pouvoir écrire pour lui. En fait, si j’ai rencontré Dominic c’est grâce à Théo Hakola (Voir sur Gonzomusic TRANSMUSICALES 1980 et aussi ORCHESTRE ROUGE « Yellow Laughter » ) chez qui je vivais à Paris et qui me parlait sans cesse de Dominic Sonic, insistant pour que je le rencontre. Je faisais des aller-retours à Rennes et finalement je me suis dit : ce garçon je vais arrêter de l’éviter partout.
En plus, il avait une bonne tête, tout de même.
Oui et j’ai appris que cela faisait plusieurs mois qu’il voulait me contacter parce qu’il m’avait croisé plusieurs fois. Après il m’a fait une cour intensive pendant un an. Il a été très élégant, voilà. On s’est vu en tout bien tout honneur. La ville entière pensait que nous étions ensemble… et pas du tout. Un vrai gentleman.
On croirait lire un roman du 19ème siècle… un an !
Mais oui, on a vécu vingt ans ensemble et il a passé un an à attendre. C’était cela aussi Dominic, une certaine persévérance et une idée de la destinée. Il savait où il allait.
Il avait sorti ses albums.
Il avait déjà sorti ses albums. On se rencontre beaucoup plus tard, dans les années 2000. On a passé dix ans à se croiser, à se re croiser. Lorsque nous étions ensemble il a sorti ses deux albums « Phalanstère » et « Vanités ». Il en avait plein en gestation.
Vous vous installez à Paris.
On emménage dans un appartement à Montmartre qui était le seul quartier qu’on connaissait tous les deux. Son label était en bas de la rue c’était Village vert, c’était aussi parce que des copains comme Fred Renaud étaient là-bas. Et comme moi je travaillais à la Fac à Paris, on a sauté le pas. On a vécu à Montmartre pendant quinze ans…
…avant de déménager aux Lilas. Mais au fait… Sonic c’était Docteur Dominic Mister Sonic ?
Non, pas du tout, c’était un seul et même garçon. Certes, il avait une personnalité complexe, mais c’était bien le même, il n’était pas différent sur scène de ce qu’il était dans la vie. C’était exactement le même.
Super cash et avec un redoutable sens de l’humour.
Il était capable de tant d’auto-dérision. Il est loin d’être le sombre garçon que parfois on nous décrit. C’était quelqu’un de lumineux, de gai, de drôle.
Moi je ne l’ai jamais connu dans la noirceur, au contraire il était toujours positif.
Parfois ses fans se font une représentation totalement erronée de ce qu’il était. Dominic était effectivement très drôle. La dernière lettre qu’il m’a écrite, je l’ai retrouvée quelques mois après son décès. Mais comme il adorait Oscar Wilde, il l’avait posée sur la bibliothèque, pile en face, au milieu du salon et je l’ai trouvée des mois après. Elle n’était tellement pas cachée qu’elle n’était pas visible. C’est une magnifique lettre d’amour et de départ sublime. A un moment il me dit : on a tellement ri ensemble… on a tellement ri… c’était un garçon très joyeux.
Dominic avait énormément de bienveillance pour les gens, il s’intéressait aux autres, à leur vécu, à leurs histoires. Ce n’était pas l‘artiste égoïste qui ne pense qu’à sa gueule.
C’est pareil dans ses textes.
Il avait un studio à la maison ?
C’est pour cette raison que nous avons déménagé aux Lilas, car à Montmartre c’était trop petit. C’était sympa là-bas, car madame Delgado, la voisine du dessous était sourde, ça aidait pour la musique. Mais pas la place de mettre un studio. Aux Lilas, il y avait de quoi installer un petit studio d’enregistrement et il a enregistré en acoustique et surtout le dernier album, le black album qui a été fait totalement à la maison.«
À SUIVRE…
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