HAPPY BD DOMINIC SONIC Épisode 2
Le 11 novembre dernier il aurait eu exactement 60 ans, si le destin ne nous l’avait volé voici un peu plus de quatre ans, ce qui ne nous empêche pas, bien au contraire de le lui souhaiter comme il le mérite : happy birthday Dominic Sonic, rock poète guitar hero crucial de la bouillante scène rennaise, aux côtés des Marquis de Sade, Nus, Octobre, Niagara ou encore Daho. Pour cet anniversaire si particulier, Cathy Charlier, sa compagne durant vingt ans, nous offre un rare et intimiste portrait de ce dandy du rock hexagonal à nul autre pareil, illustré par de superbes photos de Jo Pinto Maïa. Miss U little bro ! Épisode 2
J’ai déjà du l’écrire vingt fois sur Gonzomusic et ailleurs, quand j’ai rencontré Dominic Sonic ( Voir sur Gonzomusic SO LONG MY SONIC BOY, DOMINIC SONIC « Cold Tears », DOMINIC SONIC « Qu’avons-nous fait » et aussi DOMINIC SONIC À L’UBU ) à Rennes à l’aube des années 80 dans la saine tornade rock des premières Transmusicales ( Voir sur Gonzomusic TRANSMUSICALES 1980 et aussi TRANSMUSICALES DE 1981 ), pour moi qui avait alors dans les 30 ans, c’était un gamin avec ses vingt piges. Pourtant, il avait su sacrément me bluffer par son énergie incroyable et sa spontanéité sur la scène de la Salle de la Cité avec ses furibards Kalashnikov. Et dans la vie, Sonic pétillait comme le Perrier. Vif et drôle, loquace et hyper sensible, mais surtout fantasque et irrésistiblement rock, à l’instar d’un Tom Verlaine ou d’un David Johansen frenchie. Plus tard, dans les colonnes de BEST, je chroniquerai son fulgurant « Cold Tears », son premier LP millésimé 1989. On se perd de vue quelques années, et on se recapte en voisins grâce à Rachid Taha ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Rachid+Taha ), les deux larrons habitant aux Lilas et moi à la Porte des Lilas. On se retrouve chez Rachid pour des BBQ ou au bar à coté pour boire des canons. Et puis le destin, l’enfoiré nous rattrape grave et emporte notre Rachid ce triste 12 septembre 2018. Rachid à six jours près allait avoir 60 ans. Deux ans plus tard, c’est Sonic qu’on nous arrache, sombre 23 juillet 2020 à seulement 55 ans. Et aujourd’hui, jour d’armistice, Dominic Sonic aurait dû fêter avec nous ses six décennies. En son absence, c’est Cathy Charlier, sa compagne durant vingt ans à ses côtés, qui sera la voix de Sonic pour un entretien forcément super et sonic, mais aussi émotionnel que rock and roll…
« Sonic avait un studio à la maison ?
C’est pour cette raison-là que nous avons déménagé aux Lilas, car à Montmartre où nous vivions c’était trop petit. C’était sympa avec madame Delgado la voisine du dessous qui était sourde, ça aidait pour la musique. Mais pas la place de mettre un studio. Aux Lilas, il y avait de quoi installer un petit studio d’enregistrement et il y a enregistré en acoustique, surtout le dernier album, le black album qui a été fait totalement à la maison.
Avec la technologie d’aujourd’hui cela le libérait des contraintes d’un studio aussi bien financières que techniques ? Et surtout cela lui convenait beaucoup mieux car il pouvait travailler à son rythme.
Bien sûr et aussi toujours, avec ce côté artisanal, fait maison. On y revient, on remet l’ouvrage sur le métier. Il a adoré quand il était chez Crammed enregistrer à Bruxelles, mais il était plus jeune à l’époque.
Il bossait à heures fixes notre Sonic ? ( rire)
Pas du tout. Discipline et lui, cela ne peut être du tout utilisé pour le définir.
C’était empirique. Il bossait quand il en avait envie.
Oui. Quand cela venait, quand il le sentait. Il vivait Dominic et le rock faisait partie de sa vie là où il vivait. La musique n’était pas un métier, ni même une activité, cela passait par la musique, mais c’était sa vie avant tout. Il avait une idée et il l’enregistrait sur son dictaphone. Il y a à peu près 200 pistes de dictaphone. Avec des numéros. Ce sont de tout petits bouts de trucs et quand il décidait de faire un album, il assemblait tous ces petits bouts de trucs…
Il remontait le puzzle ?
Voilà. Et les textes, en parallèle il écrivait des bouts de phrases,
Donc on va dire que Sonic n’était pas très discipliné dans le travail…
Ah mais ce n’était pas du travail… et ce n’était pas de la discipline. C’est comme pour Tonio de Kalash, ces garçons-là le rock c’était leur vie. Ça écrivait à coté, ça peignait à coté, ça vivait mais toujours sous le signe du rock. Par exemple, Dominic ne jouait jamais de guitare.
Tu veux dire chez vous à la maison ?
Non. Il composait, mais il ne jouait pas. D’abord il ne se définissait pas comme guitariste, même si je trouve qu’il jouait bien. Mais ce n’était pas un musicien c’était un rocker. Rien à voir.
Il écoutait des disques ?
Il en avait beaucoup beaucoup écouté. Finalement, il n’y avait pas tant de musique que ça à la maison puisqu’il en avait plein dans la tête.
Les Stooges, Lou Reed, Bowie, Patti Smith, Lenny…
…. Les Saints… Suicide, New York Dolls, tout ça il les avait tellement écoutés qu’ils faisaient partie de lui. Et Dominic aimait bien aussi écouter des jeunes groupes, ce n’était pas que de la nostalgie ou que retourner dans une époque passée.
C’est son côté Dorian Gray, c’est-à-dire que c’était aussi sa manière à lui d’échapper à l’emprise du temps, de conserver son éternelle jeunesse.
Oui mais c’était aussi une vraie curiosité. Il a été longtemps membre du jury du tremplin Jeunes Charrues, et c’était assez épique, parce qu’il s’en prenait à tous les autres membres du jury, puisqu’il était un des seuls musiciens, les autres étant majoritairement de tourneurs ou des producteurs. Mais il adorait découvrir de jeunes groupes. Il avait d’ailleurs produit un album pour Red Goes Black, un petit groupe de Douarnenez, où il y a toujours eu une scène musicale de fou pour une raison obscure, le soleil de Douarnenez ou l’air de la mer, peut-être ? Et il avait produit leur album avec un enthousiasme, une envie gourmande de découvrir des jeunes. D’ailleurs, le guitariste du groupe Pete, Dominid disait de lui qu’il était l’un des meilleurs guitaristes qu’il ait entendus jouer. Et il en a vu passer pas mal.
Il y a un aspect important du personnage dont il faut parler : c’est le côté dandy. Il faisait beaucoup attention à la manière dont il était habillé, les couleurs, le style…
Il n’y avait pas deux facettes de Dominic. C’est-à-dire qu’il était comme cela tout le temps. En vingt ans de vie commune, il n’a jamais été mal habillé ou pas habillé, il était habillé. Il n’enlevait pas ses boots à la plage ! Il se lissait les cheveux et il portait des chemises de soie. Jusqu’à ses tous derniers instants il a été beau. Donc dandy c’est comme la musique c’est juste un mode de vie, c’est juste une façon de vivre.
Ce n’était ni calculé ni réfléchi …
Ah non… il avait cette élégance de prendre n’importe quelle fringue, et sur Dominic c’était toujours élégant. L’élégance naturelle, mais tout de même le gout pour les choses bien coupées. Il avait un petit snobisme aussi parfois, Armani par exemple.
Oui il me parlait de vos virées chez Armani à Milan où vous aviez accès à l’usine. Même si on ne s’est pas beaucoup vus, on gardait toujours le contact avec Sonic. J’avais eu un cancer aussi et je savais que le moral était primordial.
Oui et Dominic aura tout vécu jusqu’au bout. Quand il est tombé malade, on ne lui donnait que trois mois, il a vécu quatre ans. Déjà il était tellement surpris d’avoir eu trente ans, puis quarante ans, puis cinquante ans… tu sais c’était un vrai rocker, c’était un vrai punk Dominic. Donc avoir vécu le surprenait beaucoup, et chaque jour qui passait en ayant cette épée de Damoclès était un jour gagné, c’était un jour de rab’, c’était un jour arraché. Il ne s’est pas passé un jour où il n’a pas mangé, où il ne s’est pas marré. Même dans le pire des tourments médical il a tout vécu de sa vie, jusqu’au bout.
Si tu devais définir le rock de Sonic comment tu le définirais toi avec tes mots…
C’est à la fois quelque chose de très instinctif son rock, il y a cette pulsion animale primitive qui vient du blues, qui est de l’ordre de l’instinct et avec une sorte de pudeur élégante. Le rock de Dominic c’est ça, c’est à la fois animal avec cette petite pudeur élégante qui fait qu’on dit sans trop dire, qu’on montre sans trop montrer. Je crois que son dernier album c’est ça aussi c’est l’album d’un homme qui part, c’est l’album d’un homme qui ne veut pas partir.
C’est l’album d’un homme de goût avant tout !
Et c’est l’album d’un homme debout, d’un homme vivant.
Oui car il n’est pas larmoyant…
Pas du tout.
Moi je m’attendais à quelque chose d’un peu sombre, de triste et j’étais superbement surpris par cet album. Comment as-tu vécu cette déchirante sortie posthume ?
J’étais très heureuse comme la vie jusqu’au bout de Dominic cet album. Il l’a tenu à bout de bras cet album. Il ne voulait pas partir sans, il voulait dire tout ça et l’histoire de cet album est une drôle d’histoire puisqu’ila été enregistré de façon posthume. Dominic avait posé sa voix et une guitare mais il avait donné quand même beaucoup d’indications et les gens qu’il voulait, l’ossature avec les cordes et l’ossature au clavier. Il y avait déjà beaucoup de choses dans ce qu’il avait laissé comme consignes, donc on savait très exactement où on allait. Mais l’histoire de la réalisation de cet album est particulière, car les musiciens sont venus après coup et Dominic n’était plus là. Ils étaient confrontés à un texte qu’ils ne connaissaient pas.
Tu parlais de la manière d’écrire de Dominic de manière puzzle, en fait l’album aura été fait sur ce mode-là justement !
Comme un puzzle.
Même s’il n’était plus là pour mettre les dernières pièces.
Oui, mais elles étaient mises, en fait, les pièces. Il les avait en tête depuis longtemps, elles avaient été décidées et les gens ne sont pas là par hasard. Ce sont ceux qu’il avait souhaité avoir à ce moment-là sur cet album.
Il y aura d’autres des chansons inédites ?
Il y a beaucoup de choses, il y a beaucoup de textes. Après des chansons c’est compliqué car Dominic était aussi un peu perfectionniste. C’est vrai qu’il a fait peu d’albums, mais il était un peu comme un artisan de bout en bout. Il ne m’a pas laissé de consigne pour sortir des morceaux donc je pense que je ne le ferai pas parce que ce n’est pas son souhait. Par conte il a laissé beaucoup de textes.
Il n’y a pas de lives ?
Si effectivement il y a des lives. Il y a forcément plein de choses. Il y a un documentaire qui a été fait sur la réalisation de l’album où Dominic n’est pas là mais où il y a tous les musiciens. Il y aura une suite, mais d’abord des textes parce que pour lui les textes c’était superbement important. A la maison on a une bibliothèque immense car Dominic était un très grand lecteur.
Est-ce qu’il y a quelque chose que tu aurais oublié de lui dire et que tu veux lui dire maintenant ?
On a eu la chance de pouvoir tout se dire parce qu’il a mis longtemps à partir. On s’est bien quittés. Je crois surtout que c’est une chance unique de rencontrer quelqu’un comme Dominic, de vivre vingt ans avec Dominic et de le voir partir en ayant tout dit. Et on a tout dit. »
All pix by Jo Pinto Maïa
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