ORCHESTRE ROUGE « Yellow Laughter »

Orchestre RougeVoici 41 ans dans BEST, GBD s’engageait à fond en faveur d’Orchestre Rouge, incroyable formation americano-frenchie, découverte six mois auparavant dans un club de Londres, aux cotés de leurs imaginatifs camarades de label Kas Product. Avec cet album inaugural, produit par l’immense Martin Hannett, mené par son vocaliste Théo Hakola, né à Spokane dans l’état de Washington, Orchestre Rouge semblait devoir s’imposer dans l’Hexagone par son puissant rock indé quelque part entre Sonic Youth, Certain General et les Talking Heads. Hélas, après deux LP, l’Orchestre expose en vol et son chanteur s’embarque pour une carrière solo. Flashback…

Orchestre RougeDécouvert à mes premières Transmusicales de 1980… après avoir rencontré Théo Hakola dans la même file que moi à l’ANPE Spectacles (Pole Emploi) (Voir sur Gonzomusic TRANSMUSICALES 1980 ), puis retrouvé pour son premier concert à Londres en double affiche avec Kas Product  (Voir sur Gonzomusic HOMMAGE A SPATSZ DE KAS PRODUCT ), sous leur pochette insurgée de l’Armée Rouge, Orchestre Rouge nous révélait son tout premier LP forcément révolutionnaire ce « Yellow Laughter » littéralement « rire jaune » se révèle intensément envoutant. La galette était remarquablement produiter par Martin Hannett, le réalisateur des albums de Joy Division, Magazine, Psychedelic Furs, New Order et de tant d’autre.  Hélas, après un second album, Orchestre Rouge s’auto-détruit, pour laisser place à la nouvelle formation de Théo Hakola, dont le patronyme Passion Fodder s’inspire du titre su second 33 tours de l‘Orchestre « More Passion Fodder »… mais c’est encore une autre histoire du rock !

 

Publié dans le numéro 166 de BEST

 

Et si Théo Hakola était un CIA spook, une barbouze de choc manipulée par l’agence de Langley ? Imaginons que les yankees se soient mis en tête de noyauter le rock français en nous balançant ce provocateur de Théo. Simple hypothèse sans aucun fondement. Orchestre Rouge dénonce au contraire la corruption politique, la mainmise du blé sur notre société ou l’intolérable coercition par l’emprisonnement en camps tout cela parait assez éloigné de la moral-majority. Théo et ses quatre rouges. Pascal le batteur, Dennis le guitariste, Pascal le bassiste, et Pierre l’autre guitariste, laissent flotter la tension dans une alchimie où se mêlent l’anglais, le français, le choc d’une cassure, le cri libérateur oi, l’écho d’un slogan.

Orchestre RougeDébrider ses instincts. Débrider ses sentiments et ses pensées pour laisser apparaître une réelle nudité sans dissimuler ses faiblesses : OR pratique un rock vérité dans le même esprit que le cinéma de la fin des sixties. « Yellow Laughter », le premier LP d’Orchestre Rouge sort sur la lancée de « Kazettlers Zeks », un simple déjà produit par Martin Hannett. Premier choc : le trente me fait penser à un château médiéval dont je ne parviens pas à trouver l’entrée. Au bout d’un moment, les dissonances des textes de Théo prennent une dimension carrément envoûtante. Théo projette avec force ses flashes de la cité sur une trame surréaliste tt C’est la police qui glisse/une main de recherches entre les cuisses/pendant que je rêve, crève. (…) » (« Soft Kiss »). Dommage que ses obsessions soient aussi axées sur la défonce. On la retrouve sous diverses formes dans toutes les chansons. Le rouge du drapeau se mêle à l’hem-globine ou à l’urine sanglante de froggies lorsque Théo déclare : « Mon seul contact physique est avec la police ». OR va au bout de ses passions dans un climat digne de Clash ou de Stranglers : « Tu ne reconnaîtrais pas la passion/même si elle t’embrassait/Tu ne reconnaîtrais pas l’amour/Même si tu le buvais/Tu ne reconnaîtrais pas la vérité/Même si tu te la shootais (..) » (« Slugs »). C’est vrai, OR excelle là où tant d’autres se sont plantés : leur son tient la distance par rapport aux anglo-saxons. Pourtant, quel dommage que ce « rire jaune » soit aussi sinistre. « Yellow Laughter » me rappelle un peu le premier Marquis de Sade, avec une réelle conscience politique qui vient se greffer sur ces images en noir et blanc. Si la CIA produit vraiment Orchestre Rouge, elle pourrait au moins l’expédier au soleil pour enregistrer le prochain album.

 

Publié dans le numéro 166 de BEST daté de mai 1982BEST

 

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