DE PSYCHIC TV À WEEK-END
china crisis
Voici 42 ans dans BEST GBD assumait pleinement dans ce numéro 175 du mensuel de la rue d’Antin, la mythique rubrique Croque Vinyle, ici rebaptisée « 33 tours/minute » et traditionnellement assurée par le fameux Hervé Picart et qu’on pourrait surnommer « Pour quelques albums de plus… » soit une sorte de fourre-tout discographique des dernières nouveautés. Cependant, cette fois quelques précieuses perles se sont glissées dans la récolte, comme les japonais Sandii and the Sunsetz, les Écossais et futurs Hipsway puis Texas avec Orange Juice, Lionel Richie, China Crisis ou Weekend. Flashback…
Après mon Pop Musik ( Voir sur Gonzomusic POP MUSIK 1983 Première Partie et aussi POP MUSIK 1983 Seconde Partie ), je récidivais en explorant à nouveau les courants neufs de la pop-music étendant ma quête musicale jusqu’au Japon et même la Californie à l’aube des années 80. Quatre décennies plus tard, que reste t’il de nos amours sonic d’alors ?
Publié dans le numéro 175 de BEST sous le titre :
33 TOURS/MINUTE
L’Oracle de Delphes peut aller sniffer son encens ailleurs, Nostradamus peut aller se faire trans-sexuer en église métropolitaine, le marc de café peut aller se décaféiner à BEST grâce à Michel Embareck, l’avenir n’a plus aucun secret. BEST 174, p. 31, rubrique Courrier « Bar-David n’est pas le croque-vinyle mais il aimerait bien ». Un mois plus tard, la prophétie se réalise : je retrouve sur mon bureau une pile entière de vinyle au lait ou à croquer. Slurp. L’espace d’un numéro, je me sens croque-vinyle à la place du croque-vinyle et, pourtant, je n’ai pas une âme d’Iznogoud.
PSYCHIC T.V.
« Force the Hand of Chance »
Figure de cauchemar, rêve ou réalité ? Ces ex-Throbbing Gristle ont toujours cultivé un sens de l’ésotérisme musical assez développé. D’un abord un peu abrupt, « Force the Hand of Chance » se révèle bien plus excitant à l’usage sur des climats qui oscillent de la mélopée barbare au Velvet Underground en passant par Jonathan Richman et ses amants modernes. On notera au passage la présence de Marc « Soft Cell » Almond sur deux titres du LP. Le trio Psychic T.V. a construit un concept qui dépasse le cadre du groupe adhérez au Temple du Psychic Youth, direction de conscience discrète mais efficace.
VIRGIN PRUNES
« If I Die, I Die »
Noire, Messe noire. Messe noire et confusion. Messe noire, confusion et excès. Messe noire, confusion, excès et marivaudage cérébral. Messe noire confusion, excès, marivaudage cérébral et aspirisucre. Messe confusion, excès, marivaudage, aspirisucre et encens. Roger ? L’insupportable première face est heureusement contrebalancée par une seconde plus vertébrée, mais dans le style sardonique-rock, il paraît difficile et même peu probable de battre les Cramps sur un terrain qu’ils maitrisent parfaitement.
IPPU-DO
« Lunatic Menu »
J’ai toujours eu un faible pour le sushi-rock, ces synthés heroes de l’Empire du Soleil Levant dans la foulée du Yellow Magie Orchestra. Ippu-Do offre deux avantages : d’abord ils chantent en japonais, ce qui est agréable et même dépaysant, ensuite ils ne tombent pas dans la perversité habituelle du machinisme à outrance. Le revers de la médaille du Samouraï, c’est son côté passe-partout, « Lunatic Menu » est une gentille carte postale, sayonara et à la prochaine.
SANDII AND THE SUNSETZ
« Immigrants »
Sushi rock nouvelle cuisine, Sandii and the Sunsetz ont dix fois plus de classe et de caractère qu’Ippu-Do. La voix de Sandii est complètement enjôleuse : la drôlesse a le sex apeal d’une Debbie Harry, ses cordes vocales décochent des flèches de Cupidon à. répétition. Enregistré au Japon, l’album est mixé à Londres et le parallèle géographique correspond assez à l’esprit du groupe. Le choc des cultures est complet, on trouve même un couplet en français dans « Perfect Strangers ». L’atout de Sandii justement, c’est son parfait accent anglais, ce qui la rend plus performante que son homologue Sheena ou même Susan. « Immigrants » ne renie pourtant pas la culture nipponne. Si l’album est chanté en anglais, l’atmosphère embaume le parfum des fleurs d’oranger. II compte un invité vedette en la personne de David Sylvian du feu Japan. En tout cas, de tous les disques japonais sortis sur le marché européen, « Immigrants » est de très loin le plus intéressant. Le rock avide de jolies sensations n’a jamais eu de star aux yeux bridés, alors pourquoi pas Sandii ?
ANTENA
« Camino Del Sol »
Exotisme à l’européenne, Antena composé de Français exilés à Bruxelles joue à la samba sur les nuages. La chaleur et l’air frais tourbillonnent entre les sillons, « Camino Del Sol » est un tableau un peu naïf qui n’oublie pas la tendresse. Antena mêle l’électronique à son esprit romanesque, le Brésil et la jungle computerisée, une version cubiste et francophone de Kid Créole. Si les rumeurs de distribution de Crépuscule par Island se confirment, un groupe comme Antena pourrait enfin jouir d’une audience moins confidentielle.
BLUE RONDO A LA TURK
« Chewing the Fat »
Une demi-douzaine de producteurs, dont Mike Chapman et Godley and Creme, dix membres virulents drapés dans leurs zoot suite, des cuivres et du « Cuba libre » à flots Blue Rondo à la Turk ou les Anglais se déguisent en muchachos. Le groupe ne manque pas d’entrain, on y funke, on y rumbate avec entrain. Mais Chris Sullivan n’est pas August Darnell ; en Angleterre, seuls les palmiers en plastique tiennent vraiment le coup.
ORANGE JUICE
« Rip It Up »
Encore un clone Kid Créolien. Le title-track est particulièrement frappeur et vaguement inspiré d’« I’m a Wonderful Thing Babe », y compris pour les « ooooouu ooooouu oooouu », Orange Juice enchaîne le new funk aux rythmes africains ; on trouve même un clin d’œil à « Black is Black ». Le style est assez proche du funky blanc de Haircut 100, la sun pop continue à ravager l’Angleterre, vive le Cadbury sound.
ALLEZ ALLEZ
« Promises »
Du nouveau du coté du contingent belge, mais cette fois, pris dans les griffes de l’abominable Docteur Ware et de sa British Electric Foundation cessessionnaire de Human League. Dommage pour Allez Allez, car si « Promises » se rapproche plus des standards anglais, « African Queen », le premier LP, avait bien plus de chien. Allez Allez procure un certain plaisir funky, dommage que le single « Flesh and Blood » partage les mêmes accords de cuivres que le « You Should Be Dancing » des Bee tees écrit six ans auparavant. Quant au titre baptisé « Swedish Girl » et sous-titré « Papa Was », c’est carrément « Papa Was a Rolling Stone » des Temptations. Comme tous les titres sont signés Allez Allez, Mrs Whitfield, Strong, Gibb, Gibb et Gibb intenteront-ils une action conjuguée en dommages et intérêts ? A suivre…
BLANCMANGE
« Happy Families »
Premier LP du duo synthético-funk Neil Arthur et Stephen Luscombe, « Happy Familias » remporte quelques suffrages outre-Manche. Le cocktail de Blancmange ( Voir sur Gonzomusic BLANCMANGE VS EYELESS IN GAZA ) est assez détonant, il évoque en vrac les Talking Heads, Simple Minds et Bowie. Drum machine et chœurs synthétisés sont-ils capables de vous faire bouger ? Cherchez la réponse dans « Feel Me », « Living on the Ceiling » et son orientalisme ou un « God’s Kitchen » très discipliné.
CHINA CRISIS
« Difficult Shapes and Passive Rythme, Some People Think It’ s Fun to Entertain »
Peut-être le titre d’album le plus long de l’histoire, en tout cas, la Crise Chinoise ne paraît pas très agitée. Son funk progressif a la transparence de New Music. Leur côté sucette est parfois un peu trop simpliste, ce qui est surprenant par rapport au souci d’esthétisme du groupe. Cependant China Crisis ( Voir sur Gonzomusic CHINA CRISIS : « Flaunt The Imperfection» , CHINA CRISIS: DEUXIEME DAN? et aussi WITH CHINA CRISIS IN CHINA TOWN ) doit laisser mûrir sa révolte, lorsque la crise éclatera, elle pourra être fulgurante.
LIONEL RICHIE
« Lionel Richie »
Pour un funk de plus, en tout cas, le seul Made in U.S.A de ces chroniques. Je sais bien que cet album solo du chanteur des Commodores est un jacuzzi de miel et de Kalua, c’est de l’usiné chromé comme une Lincoln, je fais des efforts désespérés mais je ne parviens pas à m’en dégoûter. J’ai bien mauvaise conscience, ciel, je gratte sur un disque Numéro Un chez les Ricains. Okay, éteignez le projo monsieur le flic, je signe les aveux et je persiste : j’aime bien Lionel Richie ( Voir sur Gonzomusic LIONEL RICHIE « Dancing On The Ceiling » et aussi LIONEL RICHIE LE COMMODORES SOLITAIRE ) et son côté « happy end ». A travers les radios FM américaines black, j’ai vécu des heures de matraquage des Commodores, il en reste manifestement des traces.
UTOPIA
« Utopia »
En joue… feu ! Même un vieux mordu du Todd ( Voir sur Gonzomusic SOLO STUDIOS HEROES Épisode 2 , WILL VIDEO KILL THE ROCK STARS : Épisode 1 Todd Rundgren , TODD RUNDGREN “Healing” , TODD RUNDGREN « Space Force » et aussi UNBURYING THE GEMS : TODD RUNDGREN ) comme moi ne peut cautionner la gargantuesque entreprise de suicide collectif menée par Rundgren et son groupe. L’album le plus tarte du Wizard… hope he’s still a true star.
WEEKEND
La Variété
Autant finir sur une note optimiste, et Weekend a su la dénicher. Son exotisme sud-américain n’a pas les godillots de rancheros de Blue Rondo, au contraire. Weekend évolue avec aisance dans un univers simple et très harmonieux, un peu à la manière de volutes de fumée qui s’envolent lentement et qu’on essaie toujours de saisir en vain. Alison Station, la chanteuse-bassiste (ex-Young Marble Giants), a un timbre de voix à la Nico qui peut vous alpaguer comme un papier tue-mouche et elle l’utilise la bougresse ; elle sait faire vibrer comme la plus fragile des coupes de cristal. CeWeekend là ne se limite pas à l’Amérique tropicale, ii vous mène droit en Afrique et n’importe où hors du monde : le rêve et l’évasion nécessitent parfois le plus simple des supports, une portée de musique vaut parfois tous les passeports. Laissez-vous emmener en Weekend et vous finirez par vous convertir à la « Variété ».
