SOLO STUDIOS HEROES Épisode 2

EgonautesVoici 41 ans dans BEST, GBD cartographiait une nouvelle galaxie générée par la magie des synthés, celle des égonautes, ces explorateurs du rock qui enregistraient tout seul chez eux toute leur musique. Portés par leur imagination sans bornes et la révolution technologique émergeaient d’hallucinants solo studio heroes, à qui je tendais alors mon micro.  Certains déjà très célèbres à l’instar de Todd Rundgren ou l’ex Aphrodite’s Child  Vangelis O. Papathanassiou . D’autres ne l’étaient pas encore comme Jean Philippe Rykiel… Flashback…

Todd Rundgren

Todd Rundgren

Aujourd’hui, j’ai bien du mal à imaginer un seul magazine capable de réunir en interviews pour UN SEUL papier Stevie Wonder, Paul McCartney, Stevie Winwood, Todd Rundgren, Vangelis O. Papathanassiou et Jean Philippe Rykiel.  Sans oublier ma fameuse rencontre avec Prince au Privilège du Palace.  Mais à l’aube des 80’s chez BEST sky was really the limit ! Patrice « Rock and Roll » Boutin et Christian Lebrun étaient aux commandes d’un mag rock lu par un peu moins d’un million de Français- chaque exemplaire des 170.000 vendus étaient lus par 4,5 personnes- ce qui nous conférait un vrai pouvoir de conviction. Et par rapport aux labels, ceux-ci se montraient  le plus souvent très coopératifs face à nos demandes. Mais là j’avais fait fort en réunissant tous ces musiciens incroyables dans un seul et même  article sur ce thème des égonautes inventé de toutes pièces pour l’occasion. Car si leurs musiques étaient assez différentes les unes des autres, dans la philosophe du travail d’enregistrement, de la production, néanmoins ces musiciens partageaient alors bien des idées et sans doute pas mal de techniques. C’est justement ce que Sherlock GBD s’était promis de découvrir.

Épisode 2 : Todd Rundgren, Vangelis O. Papathanassiou Jean Philippe Rykiel et pour qq égonautes de plus…  Mike Oldfield, Giorgio  Moroder , Rick Wakeman, Jon Anderson, Klaus Schulze, Tim Blake, Rupert Hine, Nash the Slash, Richard Pinhas, JM Jarre et Charles de Goal !

Publié dans le numéro 160 de BEST sous le titre :

ONE MAN SHOWS

Todd Rundgren

Todd Rundgren

Au  club  des  égonautes,  Todd  Rundgren s’est  affirmé  comme  l’un  des  plus  complets. Même après la formation d’Utopia, le premier groupe de rock à voyager dans le temps, Todd s’est toujours laissé le loisir de se  consacrer  à  des albums solos. Et avec Rundgren, solo signifie toujours seul au  sens  strict  du  mot:  en  dehors  d’un assistant qui fait démarrer ses magnétos, il  n’y  a  jamais  personne  d’autre  que  lui dans la cage insonorisée du studio. De­puis « Runt »(1970), Todd a su prouver que solitaire ne voulait surtout pas dire mono­lithique : si son style est quasi automatiquement  identifiable,  il  n’en  reste  pas moins complètement riche et surtout va­rié. Todd et ses ballades sentimentales et torturées de « Something/Anything », Todd, le magicien de «A Wizard, A True Star», Todd, le clone parfait de « Faithfull », au­tant de personnages dont il se joue pour mieux nous entraîner dans ses différents univers. C’est un peu comme ces poupées russes  qui  s’emboîtent  parfaitement  les unes dans les autres sans jamais avoir la même  expression  peinte  sur  le  visage. Rundgren  est  un  artiste  complet,  mais  il est  aussi  un  véritable  pilier  de  studio: dans  une  existence  antérieure,  peut-être dans une autre dimension, il a dû naître sous les traits d’un 24 pistes. Son utilisa­tion du studio ressemble fort à la palette d’un peintre. Les effets se mélangent comme des couleurs subtiles, mais le résultat final est toujours parfaitement identifiable, peut-être parce qu’il sait investir complè­tement dans tout ce qu’il touche. Comme le Midas de l’antiquité et la transmutation. Pourtant,  malgré  tous  les  cultes  dont  il peut être l’objet, Todd n’a jamais fracassé les chiffres de vente d’albums, je crois bien qu’il est trop sincère pour faire un « meil­leur vendeur » . Mais si Todd artiste solo a tout  le  loisir  de  pouvoir  s’exprimer,  c’est grâce aux dollars que ramasse Todd producteur. Lorsque je l’ai rencontré à New- York,  il  m’a  d’ailleurs  avoué  avec  beau­ coup de franchise : « Je n’arrête pas de payer les factures du studio, plus de 40 000 dol­lars par mois. Alors de temps à autres, je produis  un  disque  ou  deux  pour  pouvoir payer l’addition.

Todd Rundgren

Todd Rundgren

Tu enregistres toujours au même endroit ?

Oui, j’ai installé un studio dans un hangar au fond du jardin, dans ma maison de  Bearsville,  dans  l’Etat  de  New-York. C’est  vraiment  la  seule  solution  qui  me permette de travailler comme je l’entends. Si j’ai une idée au milieu de la nuit, je fonce de suite au studio pour la mettre en prati­que : si on ne fait pas les choses dans l’instant, elles finissent par se dénaturer et perdre leur sens profond. Si tu dois jouer quelque  chose  qui  te  trotte  dans  la  tête depuis trop longtemps, c’est comme lorsque tu manges une pizza surgelée…

Donc,  tu  ne  débarques  jamais  en studio avec un LP prêt à enregistrer?

Jamais… disons pratiquement ja­mais. J’invente mes sons et mes thèmes directement en studio, c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour conserver une certai­ne spontanéité. »

La toute dernière fois que j’ai aperçu Todd, c’était au Palace, à Paris, pour le concert d’un autre solitaire phonographique : Prin­ce. Todd avait  profité  de  son  séjour  de producteur à Londres avec les Moondogs pour faire un  saut à Paris. On raconte que, lorsqu’il  est  monté  au  sommet  de  notre bonne vieille Tour Eiffel, Todd a eu la peur de sa vie, comme quoi le statut de star et le vertige  ne  sont  pas  vraiment  incompati­bles!  Dans le backstage du Palladium à NY, Todd m’avait aussi  confié  le  dégoût  profond  que  lui inspirait Beaubourg et le rêve secret qu’il caressait : la destruction pure et simple de l’objet.

Vangelis

Vangelis

Todd  parlait  bien  sûr  du  Centre Pompidou et non de son évocation stéréophonico-urbaine  by  Vangelis  O  Papathanassiou, alias Vangelis (celui qui porte la  bonne  nouvelle en grec dans le texte),  appelons-le  simple­ment Mister V… Après Todd, encore un forcené du recording en solitaire : Mister V a déjà enregis­tré 10 LP solo et il ne semble pas près de s’arrêter  en  si  bonne  autoroute.  Depuis « 666 » et sa Deux-Chevaux qui percute un mur de brique (symbolisant la destruction du joujou Aphrodite’s Child par son cer­veau), Vangelis a sauté le pas des stades successifs. La période Rossif et ses longues  plaintes  musicales,  la  période  «Albedo » et le côté spatial, la période » Beaubourg » et sa récupération comme chair à jingle, etc. Vangelis seul, ou en duo avec Irène « Infini » Papas ou Jon Anderson, s’est toujours tiré juste à temps des créa­tions trop rangées. S’il n’a pas, au niveau créatif,  autant  de  diversité  que  Todd,  V pratique,  par  contre,  comme  lui,  l’alter­nance  LP  solo/LP  groupe  ou  groupe  de création.  Enfin,  dernier  parallèle  avec Todd, V avoue aussi qu’il ne peut pas se passer  d’un  assistant  lorsqu’il  enregistre. La  solitude  des  égonautes  ne  serait-elle qu’une simple légende?  Pour  en  savoir juste un peu plus, je suis allé gratter à la porte du pied à terre parisien de Vangélis…

« Tu  n’es  jamais  réellement  seul  dans  ton studio ; en fait, il y a toujours un assistant avec toi ?

J’ai  toujours  un  assistant  parce  qu’il  faut bien  que  quelqu’un  m’aide:  l’homme  ne peut pas tout faire seul. Il ne peut pas non plus se dédoubler. Au moment où moi je suis en train de jouer, il faut que quelqu’un pousse le bouton du magnéto et fasse un peu attention aux VU-mètres.

Et la télécommande?

Ça c’est possible de le faire, mais ça ne me gêne pas d’avoir un assistant. Dans le fond, c’est même plus facile. Surtout pour opérer  avec  les  magnétos  parce  que  tu perds beaucoup de temps.

Vangelis

Vangelis

(Parenthèse technique : depuis l’interview de  Vangelis,  j’ai  visité  le  studio  Family Sound à Paris, là où Higelin a enregistré (entre autres) « La bande du Rex ». À Fami­ly, on a résolu le problème de manipulation des machines posé par Vangelis. Un cer­veau électronique relié à la console et au magnéto  programme  et  analyse  chaque piste enregistrée. Cela supprime complè­tement  toute  la  manipulation  des  aller-retours pour repérer exactement le mor­ceau  de  bande  à  ré-enregistrer.  Avec  le computer, il suffit d’appuyer sur un bouton et  youpee,  la  machine  s’arrête  aussi  sec qu’un beauf en R Poire face à un représen­tant des forces de l’ordre. Voilà  qui rajoute une agréa­ble  pincée  de  suspense  dans  notre  trip chez  les  égonautes  et  la  solitude  va  re­ bondir à nouveau sur le tapis vert.)

Ta musique a souvent servi de toile de fond sonore à des films, comment travailles-tu ? ( V n’avait pas encore enregistré l’incroyable BO de « Bladerunner » qui sort un an après cet entretien, sinon nous en aurions parlé: NDR)Vangelis

Avant  tout,  je  vais  voir  le  film  et  je rencontre le metteur en scène pour discu­ter avec lui. Après, c’est au feeling : c’est le plus important. Le reste, ça n’est que de la spéculation. La technique, c’est important, mais utilisée pour servir le feeling. Il faut sentir la chose sans romantiser (sic), sans la  transformer  en  quelque  chose  de  trop cérébral pour finir par l’avoir en soi.

Est-ce   que   la   solitude   permet   de   mieux faire exploser ce feeling ? Avec un groupe n’es-tu pas, de toute façon, tributaire de la personnalité des autres?

Je crois qu’en effet la meilleure façon de créer, c’est dans la  solitude. Mais il y a dans certaines créations un travail collec­tif,  j’en  ai  fait  aussi  l’expérience.  En  fait, chacun de nous, chaque individu peut être un créateur.

Everybody’s a star ?

Qu’est-ce que ça  veut dire star, ça n’est qu’une valeur sociale. Star est le phéno­mène qui démontre l’existence d’une insé­curité collective et elle passe par l’admira­ tion de quelqu’un à qui on colle un sticker « star» pour justifier certaines choses. Ça devient une valeur commerciale : on y trou­ve à vendre et à acheter.

On devrait donc écrire $-t-a-r !

Exactement.

Et  si  on  parlait  un  peu  de  Nemo  (le  home studio de Vangelis). Comment va-t-il?

Ah  (rires)  il  va  bien.  Nemo,  il  se  bat contre le commerce. Bien sûr, il en a besoin pour vivre, mais il est conscient que là n’est pas sa seule raison d’exister. Il utilise le business  pour  survivre.  Nemo  est  extrêmement fidèle, mais moi je lui suis fidèle aussi.

Et ton  petit séjour  à Davout  pour le  disque Vangelisavec Jon (Anderson) ?

Ça c’est autre chose, c’est un travail avec quelqu’un d’autre. On s’est retrouvé à Paris  avec  Jon  et  comme  nous  avions chacun du temps libre, ça nous a donné envie de faire quelque chose ensemble. En tout,  nous  avons  passé  quatre  jours  au studio Davout, mais c’est vraiment excep­tionnel. Et puis, c’est juste la première fois !

Donc Nemo ne va pas trop t’en vouloir?

Non, non… au contraire puisqu’on a fini le disque là-bas.

À quoi ressemble-t-il physiquement?

Physiquement… il est pas mal: c’est un bel animal à 24 pistes, avec beaucoup de claviers et des percussions dans tous les coins.  Nemo  est  assez grand,  il n’a  rien d’un studio conventionnel.

Qu’est-ce que Nemo a de  plus qu’un studio traditionnel?

Ce qu’il a de plus ? Il est tranquille, il a l’âme,  tu  vois.  Et  surtout,  il  n’a  pas  ce réflexe : faire de l’argent.

Tu   veux   dire   qu’il   ne   regarde   jamais   sa montre ?

Non, parce qu’il n’a pas de montre. Mais c’est très à l’aise, on peut se mettre comme dans  un  appartement.  En  plus,  c’est  en plein  centre  de  Londres,  à  Marble  Arch, juste en face du Park.

Tu   le   connais   depuis   longtemps?

Ouais, depuis 1975 exactement, lors­que je l’ai conçu pour être enfin indépen­dant. Mon premier album à Nemo, c’était « Heaven and Hell  »  et, depuis cette date, on est comme des amis intimes. J’ai d’ail­leurs enregistré des bandes là-bas avec Jean-Philippe  Rykiel.  J’aime  vraiment  ce qu’il fait il a l’art de cultiver une certaine beauté.  Je  n’ai  pas  encore  écouté  son disque. Mais même s’il le rate, ça n’est pas grave, on ne peut pas juger quelqu’un sur un  premier  disque.  De  toute  façon,  il  a vraiment du génie et une sensibilité fantas­tique. »

Jean Philippe Rykiel

Jean Philippe Rykiel

Et  bientôt  je  vois  Mister  V  s’estomper  de mon  champ  de  vision.  Back  to  the  Egg comme  dirait  Paulo.  je  suis  de  retour  sur Terre  ou,  plus  exactement  sur  l’une  des infimes  pièces  qui  constituent  le  puzzle terrestre.  Et  cette  pièce  n’est  autre  que l’Ephémère studio de Jean-Philippe  Rykiel .

« Qu’est-ce  qu’on  ressert  lorsqu’on  est  seul au fond du studio ?

Tu  sais  bien  que, pour  moi,  c’est  une  situation  tout  à  fait normale. Depuis que j’ai 13 ans, je m’amu­se à faire du  re-re  et  c’est un truc avec lequel je vis complètement. Si je fais un disque tout seul c’est que pour jouer de la musique électronique je n’ai  besoin  de personne.

Tu as tout de même un ingénieur du son avec toi ?

Bien  sur et  c’est  très  important. C’est aussi très difficile  parce qu’un bon ingénieur du son se doit  d’être totalement au service du mec qu’il enregistre Dans le cas d’un disque solo c’est encore plus sensi­ble,  l’ingénieur  doit  parvenir à mettre  son propre  ego de coté, tout en faisant  profiter le  musicien de son  experience technique.

Donc  la  solitude  des  égonautes,  c’est  du bidon ?

En théorie je crois que ce serait techniquement possible, mais en fait je voudrais bien savoir  s’il y a au monde une seule personne qui a fait son LP d’un bout à l’autre toute seule, qui s’est occupée du tas de paperasses parce que ça fait aussi partie  d’un  disque, qui s’est  occupée  de l’enregistrement, de la mise en  état  du matériel  et  de  tout  le  côté  technique  y compris le réglage ces magnétos… Il y a toujours sur la pochette le nom d’un assis­tant. Il y a aussi  les  credits, les remerciements qui prouvent que le mec n’est jamais  complètement seul.  Tu n’es pas tout seul dans la vie, comment voudrais-tu être seul pour faire un disque. Seul en fait, ça veut dire seul face a ta propre censure.

Tu es très jeune  et tu  es aussi  non-voyant, ça   fait   partie   de   ton   capital   expériences. Tu ne crains pas certaines réactions ?

Les gens ont toujours cette espèce  de  tradition de pitié,  mais  heureu­sement que Stevie Wonder et Ray Charles sont passés par la pour remettre tout ça en place.

Tu   as  utilisé   un   genre  d’engin  bizarre  sur ton LP?

Le  sequencer  polyphonique  ?  Il permet d’enregistrer un nombre de notes très important et en plus, un nombre de notes sur plusieurs canaux, donc il enre­gistre  en fait  des  accords au lieu de se contenter d’enregistrer une seule note  pour la rejouer ensuite Celui-là, il est fa­ briqué  en  France  par  une  petite  boîte, MDB.  Il  y  a  aussi  le  Fairlite  utilisé  par Rupert Hine… »

Le LP de Jean-Philippe n’a pas encore de titre  et,  à  l’heure  où  j’écris  ces  bafouilles, lui  doit  être  en  Angleterre,  au  Ridge  Farm studio,  pour  le  mixage.  Je  crois  bien  qu’il est  en  train  de  vivre  une  super  aventure  : enregistrer  son  premier  disque  tout  seul chez soi, c’est mieux que se projeter dans la tête « 2001 Qdyssée de l’Espace ». L’es­pace  justement  est  peuplé  de  planètes d’égonautes que je n’ai pas eu le temps d’aller visiter. Voici donc « Et pour quel­ques égonautes de plus » ou « Vous allez voir, je suis sûr que je vais en oublier». Comme  chez  Madame  Tussaud,  ils  vont défiler face à vous…

Mike  Oldfield,  l’homme  qui  restera  pour

Giorgio Moroder

Giorgio Moroder

toujours  celui  des  cloches  tubulaires  de l’« Exorcist ». Premier artiste à figurer sur le catalogue Virgin en l’an de grâce 1973. Mike a beau être un lonesome musicos, ilest aussi fidèle puisqu’à ce jour, soit huit ans et huit LP après, il figure toujours sur le même label.  Pour  de  plus  amples  renseigne­ments, je vous engage à vous référer à sa compilation  «  Episodes  »  qui  vient  juste d’être  éditée  phonographiquement.

Giorgio   «Musicland»   Moroder   ne   s’est pas  contenté  de  produire  les  Sparks  et Donna Summer, puisque l’ espace de deux ou trois LP, il s’est lui même glissé dans la peau de l’égonaute. Le plus marrant du lot. c’est « From Here to Eternity»,   même si   Giorgio   est   loin   d’être aussi sexy que la Donna… Dans  le  rayon  des  vieux  égonautes,  on peut citer Jon Anderson, Rick Wakeman et ses délires à remonter le temps… ou à le démonter au  point  de le rendre  fort  en­nuyeux. Ce personnage réussit le tour de force  de  concilier  sa  position  solitaire  et une pompe digne de la galerie des glaces un soir de boum.

Pour Klaus Schulze, votre grand frère sera plus à même de vous en parler que moi because  je  n’ai  jamais  tenu  une  grande face entière. Tim Blake, par contre, je ne détestais pas, mais je crois que c’est sur­tout à cause du personnage qui avait tout le temps l’air de s’être échappé d’une BD de  Druillet.  Sa  musique  très  séquencée pouvait souvent mener à d’agréables sur­prises.  Aux dernières news,  Tim  semble  aujourd’hui  avoir  re­joint les rangs d’Hawkwind.

Tangerine Dream et ses nombreux échap­pés comme Edgar Froese ou Peter Baumann   sont   déjà   entrés   dans   l’histoire, donc pas la peine de les réveiller. Matthew   Fisher,   l’ex-claviers   de   Procol Harum,   est   un   demi-égonaute  puisqu’il joue presque d e tout sur ses albums solos à l’exception de la basse et de la batterie. Son petit dernier est un peu poussiéreux : «Strange Days» a tout le charme discret du rétro britannique.

Heureusement  qu’il  arrive  toujours  des membres nouveaux dans ce club de soli­taires. Il y a Rupert Hine ( Voir sur Gonzomusic HOMMAGE À RUPERT HINE L’OVNI SONIQUE, bien sûr, dont on vous a parlé il n’y a pas si longtemps, Nash the Slash, ce violoniste fou qui se cache der­rière des bandelettes style » L’Homme Invi­sible ». Nash fait quelques folles reprises et signe d’un L qui veut dire loufoque. Il se produit aussi tout seul sur scène et il paraît que c’est vraiment un spectacle de le voir s’agiter derrière une barricade de claviers armé de son violon électrifié. On  peut  aussi  citer  l’ex-guitariste  de  Be Bop  Deluxe,  Bill  Nelson,  dont  le  «Quit Dreaming and Get On the Bean » solitaire tourne sur ma platine. Drôle de bonhomme et drôle de musique. La planète Nelson est un  endroit  bien  torturé  où  les  synthés fleurissent exclusivement dans un humus de réverb et d’écho.

Richard Pinhas

Richard Pinhas

Dans  l’Hexagone  survivent  des  spéci­mens d’égonautes comme Richard Pinhas ou Vidéo Liszt. Si vous faites vos courses au  Prisunic,  vous  connaissez  donc  Jarre Jean-Michel et ses célèbres piles de dis­ques près des caissières entre les Bounty et  les  conserves  d’aliments  pour  chats. One man show emballé sous vide, la musi­que de Jarre n’est pas désagréable à con­sommer, elle est seulement sans saveur. Plus  intéressante,  par  contre,  et  surtout bien plus novatrice, est l’œuvre de Charles De Goal. « Algorythmes » nous permet degoûter aux fruits d’une new-wave synthé­tique  et  torturée  qui  dérange  et  qui  se bouge bien. Je retire le casque stéréo qui ne m’a pas quitté tout au long de cette course sans fin à  la  recherche  des  égonautes.  Rêve  ou réalité ?  Légende  ou  utopie,  le  trip  de l’homme seul en voyage dans sa musique se projette sur une poussière d’étoiles. Ils vivent  une  aventure  cérébrale  qui,  bien souvent, n’est qu’un des nombreux stades de leur vie mouvementée de créateur. Les égonautes ont appris à dessiner seuls les fresques sonores qui nous enchantent ou qui nous rasent. C’est une sorte d’expres­sion totale, et pour la plupart de ceux que je voulais rencontrer, une expression plei­ne de sensibilité aux antipodes de la soli­tude  glacée.  Comme  Ulysse  après  son Odyssée, l’égonaute finit toujours par ren­trer à bon port, quel que soit le port, pour trouver quelqu’un qui parvienne un peu à lui  faire  oublier  son  ego.  Mais  d’autres viendront et perpétueront la légende.

Publié dans le numéro 160 de BEST daté de novembre 1981

Voir Sur Gonzomusic Épisode 1 : Stevie Wonder, Paul McCartney, Stevie Winwood et Jean Philippe Rykiel SOLO STUDIOS HEROES Épisode 1

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