TODD RUNDGREN « Space Force »
C’est son 25ème solo, mais son 39ème album en additionnant les périodes Nazz et Utopia, Todd « A Wizard A True Star » Rundgren nous revient enfin avec ce nouveau CD attendu depuis 5 ans. Cependant, pour ce « Space Force » notre ours de Bearsville s’est entouré de fameux vocalistes avec une liste en forme de Who’s Who : ses vieux complices les Sparks, mais aussi the Roots, Rivers « Weezer » Cuomo, Thomas Dolby , Rick « Cheap Trick » Nielsen, Thomas Dolby ou encore Steve Vai et quelques jeunes cadets constituent cette « force spatiale » dont Rundgren se révèle le brillant chef d’escadrille.
C’est drôle, je parlais encore de lui hier dans ma chronique du concert de The Essence, évoquant son album « Deface the Music » où il s’amusait à si bien singer les Beatles. C’est vrai que Todd Rundgren ( Voir sur Gonzomusic ALL MY NEW YORK 1981 HEROES ) n’est jamais à court d’imagination, depuis son tout premier double LP « Todd » de 71 et ses cinglantes productions des NY Dolls, d’Hall and Oates, des Sparks, de Meat Loaf ( Voir sur Gonzomusic MEAT LOAF ENTRETIEN AVEC LE VIANDARD ), de Cheap Trick ou encore de XTC ( Voir sur Gonzomusic LA TOTALE XTC PAR OLDCLAUDE). Grand maitre de la console et des synthés, le résident de Bearsville est un héros du rock qui a su traverser toutes les modes et toutes les époques. Cependant, à 74 ans et une carrière au firmament des étoiles les plus lumineuses Todd Harry Rundgren – j’avais oublié ce deuxième prénom – a recruté une solide bande de potes, certains de longue date comme Ron et Russell Mael ( Voir sur Gonzomusic ), Thomas Dolby ou Rick Nielsen, d’autres plus récents comme the Roots, le rapper canadien Narcy ou encore le jeune poppeur british Alfie Templeman, preuve qu’on peut toujours compter sur lui pour jouer les révélateurs photographiques de futures stars en devenir, un flair légendaire qui ne l’a jamais trahi… sauf cette unique fois où je l’ai vu quitter le show de Prince au Palace en 81 au bout de seulement 10 mn, n’ayant manifestement rien compris au génie du Kid. Certes, Todd s’est très largement rattrapé depuis, mais c’est l’unique fois sans doute où son légendaire flair de producer émérite aura été pris en défaut. Anyway… 41 ans plus tard Todd is still standing et le prouve de manière la plus cinglante avec cette collection de 13 titres qui débordent e feeling et d’imagination. Et c’est avec la voix aérienne de l’ex-King Crimsom Adrian Belew que s’ouvre cet album patchwork. La chanson « Puzzle » qu’il vocalise et qui surfe sur une lumineuse nape de synthés porte absolument totalement l’ADN sonic de Tod Rundgren car il y a du « Hello It’s Me », du « Couldn’t I Just Tell You » ou du « A dream Goes On Forever » dans ce titre. Suit le très surprenant et sarcastique « Down With The Ship » qu’aurait pu joyeusement entonner Liz Truss avant de claquer la porte du 10 Downing St… et de couler sa carrière politique. Mais vocalisé par le brillant chanteur de Weezer, Rivers Cuomo en forme de ska entre les Specials et le « Night Boat to Cairo » de Madness constitue sans doute la plus surprenante contribution à cet album.
De même, comment résister au timbre si suave de Tim Finn l’ex-Crowded House qui entonne en forçant sa voix délicate « Artist In Residence » , presque une comptine enfantine, sur les séquences givrées de l’ami Todd. Très surprenant groove funky à la Marvin Gaye avec la complicité des swingants the Roots sur « Godiva Girl »… surprenant mais il faut néanmoins se souvenir que déjà en 1973 sur son brillant « A Wizard a True Star » Todd reprenait déjà Curtis Mayfield et Stevie Wonder, preuve que son amour de la musique black ne date pas d’hier. Et ce « Godiva Girl » se révèle juste irrésistible. Bien givrée, mais est-ce surprenant, la collaboration délirante avec les Sparks avec le baroque « Your Fandango » ; mais faut-il vous rappeler que Todd fut le premier à parier sur les frères Mael en signant la prode de leur LP inaugural « Halfnelson » de 71 (désormais répertorié comme « Sparks ») ? L’avantage avec une carrière de plus d’un demi-siècle comme celle de Rundgren, c’est qu’on y retrouve de vieilles connaissances comme notre héros des 80’s Thomas Dolby et cet « I’m Not Your Dog » dont la modernité synthétique sonne exactement comme un hit du prochain Depeche Mode. Vieux amis et nouveaux talents se côtoient ici comme avec le rapper canadien Narcy d’origine iraquienne qui sonne entre Drake (forcément) et The Week End avec un « Espionage » au flow impétueux juste bluffant d’énergie. Vous avez dit vieux pote ? Voici Rick Nielsen, dont Rundgren avait réalisé l’album « Next Position Please » de son Cheap Trick en 83. Rock nerveux « Stfu » aux guitares incendiaires est sans doute le titre le plus énergique du projet. On notera au passage que Rick se fiche pas mal de passer à la radio car il vocalise les mots « fuck you » près de TRENTE fois durant les 3’ 20’’ du titre… un record absolu ! On succombe également au jeune British Alfie Templeman et son « Head in the Ocean » au cool groove léger et insouciant. Et c’est avec le vétéran Steve Vai que s’achève le bal intergalactique de ce « Space Force » sur l’angélique « Eco Warrior Goddess ». Sans jamais se renier et pourtant sans une once de nostalgie, Todd Rundgren et son all stars casting nous offrent un bien bel album pour s’échapper dans l’espace… ou pas ?