POP MUSIK 1983 Première Partie

Pop MusikVoici 42 ans dans BEST GBD explorait joyeusement les champs neufs de bulles de savon multicolores de la nouvelle pop musik made in England où M soit Robin Scott, Funkapolitan, Haircut 100, Depeche Mode, Yazoo, Blue Rondo A La Turc, Bananarama, ABC, Culture Club, Haysi Fantayzee, Scritti Politi, Soft Cell, I Level, Blancmange, Ça Va Ça Va, China Crisis, Hey Elastica, sans oublier Malcolm McLaren révolutionnaient les charts, d’abord Outre-manche, avant d’envahir notre Hexagone. Bien entendu, si certains à qui il avait tendu son micro ont disparu corps et biens dans le no man’s land des one hit wonders, d’autres bien au contraire ont su défier les décennies pour continuer à triompher jusqu’à nos jours, saurez-vous les identifier ? Flashback…

Depeche Mode By Claude Gassian

Depeche Mode By Claude Gassian

C’était donc là ma toute première rencontre avec Depeche Mode, soit Martin Gore et Andy Fletcher, mais hélas cet hier 82-83, au vieux Columbia Hotel de Londres où la BBC logeait tous petits groupes programmés dans Top Of the Pops, sa fameuse émission du week-end, elle ne fut pas vraiment concluante. Vince Clarke qui composait tous les titres avait claqué la porte du groupe de Basildon qu’il avait fondé avec Dave Gahan et Martin pour se lancer dans l’aventure Yazoo. Et Martin et Andy étaient comme deux petits garçons timides, pas vraiment de la trempe des pop stars conquérantes. Bref, au vu de la durée de vie moyenne des groupes de op-music British, c’est vrai je ne donnais pas cher de leur peau écrivant en conclusion que « DM est un peu désormais comme un corps sans tête ». L’avenir heureusement a balayé mes prévisions initiales et, au fil des articles et des interviews, j’ai fait largement mon mea culpa sur le dossier Depeche Mode. Composé comme une émission de radio du DJ Geebeedee, voici la Première Partie de cette play-list Pop Musik 1983 avec M soit Robin Scott, Funkapolitan, Haircut 100, Depeche Mode et Yazoo.

 

Top Of the PopsPublié dans le numéro 174 de BEST sous le titre:

 

POP MUSIK

« Funky ou teeny, intellos ou candides, avec synthés, tam-tams ou, tout bêtement, guitares, les nouvelles portées de lionceaux britanniques s’amusent nombreuses au jeu des hits, des chants, de la musique instantanée. Quarante-cinq petits tours et puis s’en vont. Ou restent. Tout un programme… »

 Christian LEBRUN

 

L’écran télé de la vidéo intérieure jouait en 819 lignes avec mon image. Le casque stéréo me mangeait les oreilles et le technicien écrasait nerveusement sa Marlboro light. Les cristaux liquides de l’horloge murale indiquaient 21 h lorsque le visage de Paul Utzer s’est substitué au mien sur l’écran pour lancer les dernières news. « Bonsoir… Radio BEST Infos : voici les principaux titres de la journée… » Moi, j’avais tout le temps de chercher un Coca au distributeur avant le début de l’émission. Boire et ensuite uriner ne sont-ils pas des besoins fondamentaux des D.J. radio ? Temps zéro… Attention ! « …arrachez-vous donc, l’espace d’une heure de Pop Musik, en compagnie de Geebeedee »…

M

M « Pop Muzik »

 

Intro et synthés : le disque calé démarre au quart de tour. « Intoxiqués du micro chip et autres givrés de la nouvelle pop, bonsoir chez vous… » M en indicatif, l’idéal pour balancer une heure de cette pop musique mutante échappée des sixties. Cataclop, la pop a grimpé l’échelle de l’évolution synthétique pour débouler aux frontières des années quatre fois vingt. J’aurais pu choisir les Buggles ou Kraftwerk, pionniers de ce revival en forme de vitrine de glacier américain. La musique fait danser les transistors, le power pop glane un peu tous les styles : adaptation et récupération en marge du boom technique déclenché par le micro-processeur. En 81. Spandau Ballet et ses petits copains Duran et Duran n’ont pas hésité, ils ont pillé les restes de la disco décadente pour créer leur nouveau romantisme castré.  » … Talk about Pop Musik Pop Pop Pop Musik… all around you.., New York Paris, London, Munich… everybody talks about Pop Muzik. » Plus discrets mais aussi efficaces, Orchestral Manœuvres In the Dark ( Voir sur Gonzomusic  https://gonzomusic.fr/?s=Orchestral+Man%C5%93uvres+In+the+Dark ), alias Paul Humphreys et Andy Mc Cluskey ont su réinventer une pop plus sophistiquée en cultivant un certain esthétisme. « Architecture and Morality » comme les deux albums précédents, contenait quelques titres crampons réalisant l’équilibre parfait entre une mélodie évanescente et des textes mémorisables comme les tables de multiplication. Aujourd’hui, c’est, avec Human League ( Voir sur Gonzomusic HUMAN LEAGUE AND HEAVEN 17 SHEFFIELD GOLD Part 1 et aussi  HUMAN LEAGUE : « Crash » ), et et Heaven 17 ( Voir sur Gonzomusic THE HUMAN LEAGUE AND HEAVEN 17 : SHEFFIELD GOLD Part 2 )  que la fraction armée de la pop anglaise enfonce le clou rouillé du fabuleux marché des ondes AM n’ FM. Mais « Don’t You Want Me », ça n’est qu’un début. Déjà Junior, un petit Anglais funky de 19 ans, talonne les grosses stars ébènes du vinyle funk, l’Angleterre se laisse prendre au jeu de l’Amérique et renvoie la balle sur son terrain : match !

 

FunkapolitanFUNKAPOLITAN « As the Time Goes By »

 

Dès sa première apparition aux Bains Douches, j’ai craqué sur Funkapolitan, des funky rapers londoniens, panachés en noir et blanc… »

Contrairement à Duran-Spandau, ce groupe, en débutant dans les burger-joints et les roller-discos, va pêcher ses influences du côté de Funkadelik/Parliament/ Clinton et du Kid Creole. August Darnell, justement, a produit le premier album de Funkapolitan, un groupe qui a planté son funk dans metropolitan pour canaliser une belle énergie urbaine. Quelques mois plus tard, ces Furikapolitains débarquent à Paris pour un concert au Palace et, juste avant le gig, les backstage sont encore livrés au calme. Hum… ça ne va pas durer, un type grand et maigre déboule dans le couloir « Salut je suis Tom Dixon, le bassiste. On va parler en français, man, pour m’exercer. » Tom est tunisien d’origine, il tchatche comme bougent ses mains : « Le funk, c’est pour tout le monde, n’importe quel pays. On veut unifier le monde avec notre musique (il se marre). Non non, retire ça. En fait, ce qui nous distingue de la plupart des groupes de funk anglais, c’est qu’on sait assurer en scène. Normal, nous avons commencé par là. Les autres ne jouent jamais, comment veux-tu qu’ils comprennent l’esprit du funk ?  À Soho, on avait monté une boîte de rap, le Language Lab, dans un ancien bouge de strip-tease loué pour l’occasion. On importait des disques de New York et des mecs d’Edgware Road venaient rapper par-dessus. On a dû fermer la boîte pour une histoire de braqueurs ! mais on recommencera ailleurs. » Greg, le percu speedé, débarque en costume rouge sang avec Nick, le chanteur « Je décris les rues crades et la violence, parce qu’elles font partie intégrante de notre paysage, ça ne signifie pas que je doive en parler sur un mode sinistre. « Baby… Baby » ce n’est plus possible ; on est en 82, pas vrai ! » Et le Funkapolitan Express déboule sur scène, propulsé par une palette de rythmes, du funk à la salsa, en passant par le rap et le calypso.

 

HAIRCUT 100 Nobody’s Fool »Haircut 100

 

« Les mauvaises langues disent Cleancut 100 ; c’est vrai ils sont mignons et proprets sur eux… » Produit par Bobby « The Beat » Sargent, Haircut ressemble à ces loukoums saupoudrés de sucre glacé qui collent un peu aux dents. « Nobody’s Fool » est d’ailleurs légèrement parfumée à l’eau de rose. Parfois, c’est loin d’être désagréable. Mélange subtil du son sixties à la John Barry et des cuivres échappés d’un ghetto de Rio, « Nobody’s Food », le dernier simple, a l’insouciance dorée qui aveugle les images de crise. « I try and I try and I can’t understand/ l feel and I feel and it’s making me cry/ I wander around breaking hearts everyday/ I feel and I feel and I just want to be/ Nobody’s fool » Jazz et rythmes brésiliens complètent le funk d’Haircut avec des réminiscences des Fab Four.

 

FashionFASHION « Love Shadow »

 

« Si vous savez démêler le line up de Fashion VOUS avez de la chance car, moi, j’ai bien du mal à y voir clair. En deux ans, le groupe a changé plus de quatre fois de formule » Dee, le chanteur/guitariste, a craqué deux jours avant le départ de la dernière tournée européenne. En un éclair ou deux, le groupe a recruté un remplaçant pour assurer les dates. C’est magique, un vrai tour de passe-passe, comme ce « Love Shadow » new pop à souhait sur ses percus exécutées à la Linn drum machine.

 

DEPECHE MODE « Just Can’t Get Enough »Depeche Mode

 

Un titre de 81 ? Tiens donc : normal, puisque le groupe s’est scindé en Dépêche Mode et Yazoo. Vincent Clarke, qui signait ce hit, ainsi que tous les autres, a monté un duo synthétique. Dépêche Mode se retrouve un peu désormais comme une coquille vide ; je suis donc allé voir comment elle sonnait dans un hôtel de Lancaster Gate, à Londres.

 

Martin Gore « Depuis le départ de Vincent, c’est moi qui compose. Mais nous avons des problèmes avec la presse rock, elle ne nous aime pas, elle nous trouve trop gentils, trop mignons. On n’est pas assez agressif à son goût et c’est vrai ; Dépêche Mode n’est pas un groupe de teigneux. Je parie que, si on balançait un verre de bière à la tête de nos intervieweurs, ils écriraient deux fois plus sur nous ». La musique de DM leur ressemble, avec un petit côté Walt Disney synthétique, sur de jolies harmonies. Martin, rejoint par son copain Andy, est bien mignon mais il n’a pas grand-chose à raconter. Peut-être ne sais-je pas lui poser les questions qu’il faut ? En tout cas, le malaise est bien présent D.M. est un peu désormais comme un corps sans tête.

 

YazooYAZOO « Don’t Go »

 

« Yazoo, avec Vincent Clarke aux synthés et une voix typhon, celle de Geneviève Alison Moyet »

Geneviève ? Eh oui, la voix de Yazoo est 50 % française. Elle m’avait raconté son histoire face à une tasse de thé, au bar du Dominion Theater. Le concert de la veille était assez saisissant : ce duo un peu statique évoluait sur un mur d’images en mouvement, des projections très subtiles pour un funk électronique qui l’est tout autant. À 21 ans, Geneviève peut carrément faire exploser le cristal, comme dans la pub Memorex. « Mon père a quitté la France if y a vingt ans, mais toute sa famille vit dans ma région de Cognac ; ils bossent tous dans le cognac biz, chez Martel, plus exactement. Tous les ans, nous passons quelques jours avec eux, dans les Charentes Maritimes. » Miss Yazoo vit à Basildon ( LA ville de Depeche Mode justement !), dans le sud-est du Royaume-Uni, mais elle s’est déjà produite avec un autre groupe, sur une scène parisienne au Gibus, avec les Little Roosters, où elle chantait deux titres en fin de set. « Deux chansons par soir, pendant sept mois„ c’est assez frustrant, alors j’ai dit bye bye aux Little Roosters. J’ai passé une petite annonce pour un groupe de blues dans un canard local, et Vincent m’a appelée. À l’origine, on ne devait faire ensemble qu’un 45 tours, « Only You », mais, comme la formule accrochait, nous avons décidé de continuer. Vincent venait de quitter Depeche Mode, il rêvait d’aventure. »

Yazoo décroche son tube avec « Don’t Go » mais se retrouve avec un procès aux fesses Yazoo du sud des U.S.A., formé depuis plus longtemps qu’eux, les oblige à devenir Yazz et en profite pour leur rafler des dommages et intérêts hallucinants. Et l’histoire n’est pas finie, puisque la chanteuse de ce groupe prétend maintenant se prénommer Yazz…YAZOO « Don’t Go »

« Les films et les diapos utilisés sur scène sont signés Chris Littler. Les images sont programmées pour réagir par rapport à un signal ultrason enregistré sur une bande rythme plus fiable qu’une drum machine, lorsque deux mains seulement produisent toute la musique. Pour les deux premiers gigs à Basildon, nous utilisions directement des machines mais elles n’étaient pas fiables. Lorsque la panne se produit une heure avant de monter en scène, c’est assez angoissant Or, nous ne voulons pas intégrer d’autres membres à Yazoo. De toute façon, moi, je joue du piano, du sax et de la guitare, et si nous avons besoin d’un musicien pour un titre en particulier, nous l’emploierons. » Geneviève est complètement déterminée à gagner et c’est presque chose faite, si l’on considère l’ascension de Yazoo. Elle n’a aucune envie de retourner dans ce salon de coiffure minable où elle s’est retrouvée à la sortie du lycée parce qu’elle refusait de poursuivre ses études secondaires. Si elle adore la scène, Vincent, par contre, est plus mitigé. Pour continuer à respirer l’air des planches, Geneviève va monter son propre groupe, un mélange de sa fabrication, où l’on retrouvera la soul, le blues et le jazz. Elle doit aussi enregistrer une version de « Only You » dans la langue de papa. J’imagine assez sa voix bourrasque s’élever dans les aigus en chantant « Seulement toi ».

 

À SUIVRE…

 

Publié dans le numéro 174 de BEST daté de janvier 1983

 

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