EDDY MITCHELL « Amigos »
Auteur de ses propres textes et exigeant dans le choix de ses mots, durant plusieurs décennies Eddy Mitchell s’est attaché les services du pianiste Pierre Papadiamandis qui fût le compositeur de ses grands succès. Avec le décès de son ami en 2022, l’histoire aurait pu s’arrêter là. C’est donc avec un plaisir extrême que l’on apprend son retour entouré de ses copains musiciens, les Souchon, Alain Chamfort, William Sheller, Pascal Obispo Sanseverino. Retour d’autant plus satisfaisant que « Amigos » son 40eme album studio reprend l’histoire là où il l’avait laissée, autrement dit après le « Country Rock », paru en 2021. Bref un far-west qui a manifestement su faire danser le square-dance à un JCM qui a revêtu pour l’occasion Stetson, bolo tie et cow-boy boots.
Par Jean-Christophe MARY
Eddy Mitchell fait partie de cette génération d’artistes qui s’est imposée très vite à partir des 60’s, devenant au fil du temps une figure incontournable de la chanson française. Venu très tôt au music-hall, Eddy Mitchell, qui naît Claude Moine, le 3 juillet 1942 se passionne pour le rock’n roll, venu des Etats-Unis. Ses vedettes favorites s’appellent alors Bill Haley, Eddy Cochran ou Gene Vincent. Surnommé « Schmoll » par ses copains, il monte un groupe et se fait remarquer par Eddy Barclay. Claude Moine devient ainsi Eddy Mitchell le leader des Chaussettes Noires avec lesquels il rencontre ses premiers succès. Dès lors, les albums défilent au rythme des années, et Eddy enchaînera les succès, le consacrant alors, au côté de son ami Johnny Hallyday comme l’un des plus grands rockers de cette génération. Mieux que personne Eddy Mitchell aura su capter l’air du temps, décrire la société française à travers ses petites chroniques véritables tranches de vie. Mais venons-en à ce nouvel album. Comme le dit Eddy Mitchell : « Amigos » porte bien son nom car il a mis autour de la table une bonne partie de mes amis de studio, ceux qui m’accompagnent depuis longtemps et qui sont une famille pour moi aujourd’hui c’est Alain Artaud ( son gendre, donc et ex boss de son label Polydor : NDREC) à la production, qui m’a beaucoup aidé pour réunir mes amis, artiste, comme les Souchon, Alain Chamfort William Sheller, Pascal Obispo Sanseverino des gens que je connais bien et surtout que j’aime bien ». Seulement voilà, se frotter au répertoire d’un tel monstre sacré n’a pas dû être un exercice facile. Surtout lorsque l’on connaît Monsieur Eddy pour ce don de mettre en bouche et déclamer avec élégance des textes écrits à la mesure de son talent. Ces 12 nouveaux titres s’écoutent agréablement et passent de rock 50s’ à des climats country rock tels « L’aventure n’est jamais loin » ou « En décapotable Pontiac » composé par Alain Souchon et son fils Pierre, sorte de clin d’œil à la Chrysler de la Ballade de Jim. Deux titres qui plantent le décor. Car une fois de plus Eddy Mitchell rend hommage à cette musique américaine qu’il affectionne tant. Comme son nom l’indique « Boogie Bougon » est un boogie swinguant signé lui aussi Souchon père et fils dans lequel « Schmoll » se moque gentiment de lui-même. En écoutant et réécoutant l’album, deux titres sortent du lot : l’émouvant « Tu es son homme » composé par Pascal Obispo et le sublime « Amoureux » en hommage à sa compagne depuis plus de cinquante ans, certainement le plus beau titre de l’album. Sous la plume de sa femme Muriel Moine, le chanteur salue l’écrivain Jim Harrison dans la balade bluesy « Big Jim ». Une fois n’est pas coutume, Eddy Mitchell évoque la précarité des musiciens de rue « Le Chanteur du métro » et ironise sur le sale boulot des huissiers à travers le très rock’n’roll « De l’air ». Mention particulière pour le virevoltant « Travailler » signé Stéphane Sanseverino ainsi que ces deux reprises réussies : « Dans le Ghetto » d’Elvis Presley et « Look What They’ve Done to My Song » de la chanteuse folk Melanie qui avait été un succès de Dalida (1970). Authentique, drôle, généreux, Eddy Mitchell appartient au cercle de ces artisans chanteurs qui vous envoient des décharges de décibels positives sur fond de mots voyageurs qui nous font du bien. Cerise sur le gâteau, on apprend qu’Eddy Mitchell sera en concert cet été entouré d’un big band sous la direction de Michel Gaucher. Qu’on se le dise !