LA PETITE RENARDE RUSÉE À L’OPÉRA

La Petite Renarde Rusée« La Petite Renarde Rusée » sort à nouveau de son terrier à l’Opéra National de Paris et ce chef d’œuvre de Leos Janacek va à nouveau faire chavirer le cœur du public parisien. Créé en 1924 au Théâtre de Brno, cet opéra a fait son entrée en 2008 à l’Opéra National de Paris dans la présente production un peu à la manière d’une « Animal Farm » en version lyrique. Dans le rôle-titre, la soprano Elena Tsallagova reprend avec beaucoup de cocasserie et d’espièglerie le rôle où elle triomphait lors de sa création, une allégorie fantasque qui  a su mettre des étoiles au fond des yeux de JCM !

La Petite Renarde RuséePar Jean-Christophe MARY 

 

Pas facile d’apprivoiser une renarde ! Le garde-chasse, qui en installe une chez lui, l’apprend à ses dépens, d’autant qu’il a affaire à un animal particulièrement rusé, féministe et même révolutionnaire, appelant les poules de la basse-cour à se révolter contre le coq et à « forger un monde nouveau » ! Hélas, si la liberté lui permet de trouver l’amour, la petite renarde le paiera au prix fort… Fable féerique, allégorie de la vie humaine, hymne célébrant l’éternel renouvellement de la vie et de la nature, cette Petite Renarde rusée est mise en scène par André Engel dont les champs de tournesols abritent la nostalgie de l’enfance. Créée en 1924 à Brno, l’œuvre de Leoš Janácek, à l’orchestration aussi luxuriante que la nature qu’elle décrit, est une partition à part dans l’histoire de l’opéra où il est rare que renards, grillons et sauterelles soient les héros de l’histoire. Cette ingénieuse mise en scène signée André Engel est bain de jouvence de drôlerie et d’inventivité où les tableaux s’enchainent avec grâce et légèreté. Pour le néophyte, cet opéra est l’un des plus accessibles du répertoire du compositeur, l’un des plus tendres et simplement bouleversants opéras de Janacek avec De la Maison des Morts.

 

La Petite Renarde Rusée

Le livret de Janacek est inspiré d’une bande dessinée la Renarde Fine Oreilles qui publiée sous forme de feuilleton dans le journal Lidové Noviny. C’est un ami du compositeur, le poète et journaliste Rudolf Tesnohlidek qui signa les textes, d’après les dessins du peintre Stanislas Lolek. Deux ans environ avant après avoir eu connaissance de ces publications, le compositeur retiré dans le milieu rural et forestier d’Hukvaldy, sélectionna certains épisodes des aventures de la petite renarde Bystrouska. Pour en faciliter la lecture, le metteur André Engel situe l’action le long d’une ligne de chemin de fer, une voie ferrée qui peut être vue comme une invitation à réfléchir sur la direction de nos vies, à explorer de nouveaux horizons, à ouvrir notre réflexion sur les espoirs, le champ des possibles. Ces rails nous conduisent au fil des quatre saisons, de champs de tournesols à une maison forestière et une auberge où l’on croise un garde-chasse, sa femme, une chouette, un instituteur, un chien, un aubergiste et sa femme, un coq, un pivert, un blaireau, sans oublier la renarde et son renard amoureux. Cette mise en scène d’une une belle fraîcheur rappelle les contes pour enfants. 

 

L’imposant décor de Nicky Rieti et les somptueux costumes animaliers signés Elisabeth Neumuller sont sublimés par la mise en lumière d’André Diot ( qui est une véritable star dans le monde des éclairagistes !). Croqués et chorégraphiés avec beaucoup de talent, ces animaux humanisés séduisent d’emblée.  Là où les opéra de Janácek, Katia, Kabanova, Jenufa ou De la Maison des morts éclairent sur son intérêt pour la condition des parias, la Petite Renarde rusée dévoile une sensibilité humaniste envers les animaux. En donnant voix au monde animal, en exaltant la force et le vitalisme de la faune et de la flore, le compositeur met ces derniers à un niveau égal avec le monde des humains. Une mise en regard qui amène à penser la dimension morale de l’animal et la domination violente que l’homme peut exercer sur son environnement.

La Petite Renarde Rusée

 

 

Dans cette nouvelle distribution, la soprano Elena Tsallagova régulièrement présente sur la scène de l’Opéra National de Paris excelle dans le rôle-titre, portée par sa voix haute et claire et son jeu remarquable. Le timbre est puissant, les aiguës dotés d’une belle brillance. Dans le rôle du Renard, la mezzo-soprano irlandaise Paula Murriphy dont la voix rayonne avec ces aigus lumineux et timbrés à travers une belle présence scénique est elle aussi saisissante. Constituée en majorité de très bons artistes français, la distribution est de belle tenue avec la présence de la mezzo-soprano Marie Gautrot ( la Chouette), le ténor Eric Huchet (Instituteur, le Moustique), la soprano Anne Sophie Ducret ( La Femme de l’aubergiste)  la basse Frédéric Caton (le Prêtre). Mention spéciale pour le baryton basse Iain Peterson qui excelle dans le rôle du garde-chasse. Le plateau nous plonge dans une ambiance de bande dessinée des année 30 avec réalisme champêtre et fait de de conte une comédie loufoque pleine de vitalité, criante de vérité sur les rapports humains. Cette reprise est un triomphe annoncé aussi pour la direction d’orchestre confiée à Juraj Valcuha, mestro vif et alerte qui est martial quand il le faut, lyrique quand la musique l’exige. Pensez à réserver. 

 

 

Opéra Bastille. Place de la Bastille, 12e.  Tél. 0892 89 90 90. À 19 h 30.  Jusqu’ au 01 Février 2025

 

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