SPACING WITH BASHUNG
Chloé Mons qui fût la muse et la dernière compagne d’Alain Bashung publie « Spacing », un journal de bord de ses dernières années avec le chanteur. Un document hybride où se mêlent photos et réflexions intimes. Avec des anecdotes émotionnelles, des instantanés souvent à fleur de peau, le livre apporte un éclairage inédit sur le chanteur de « Gaby » et nous rappelle combien il peut si cruellement manquer à notre paysage musical Hexagonal.
Par Jean-Christophe MARY
La comédienne-chanteuse ouvre sa boite de Pandore et livre ici ses souvenirs personnels, des moments heureux de son amour vécu aux côtés du chanteur d’Alain Bashung ( Voir sur Gonzomusic ALAIN BASHUNG : « Live Tour 85 » , BASHUNG « Novice » , BASHUNG , ALAIN BASHUNG “Pizza” , MA PREMIERE INTERVIEW AVEC BASHUNG et aussi BASHUNG « Live 81 » ). De son écriture à la fois poétique et lucide, elle nous livre des instantanés pleins de vie. À partir de ces souvenirs visuels et mémoriels, Chloé Mons tisse une matière singulière, constitué d’images et de textes. C’est à la fois un recueil de moments pris sur le vif, de sensations et d’émotions, saisies au vol mais également une réflexion sur le mouvement, la rêverie, le voyage.
« Spacing », c’est cet espacement, quand le temps et l’espace se dilatent, quand les visions du passé s’étirent comme les nuages en perpétuel mutation. C’est un voyage dans l’espace et le temps, un voyage dans les voyages de sa vie, quelques soient leurs formes : intérieur ou extérieur, intime ou géographique, artistique ou amoureux.
On découvre des photos de Chloé Mons lors de ses tournées, en tant que chanteuse, des clichés backstage avec Daniel Darc, d’autres pris sur la Tournée des grands Espaces d’Alain Bashung, au Canada, dans le tour bus, au catering. L’autrice y évoque sa rencontre avec Alain Bashung, la naissance de leur fille Poppée et la disparition du chanteur en 2009.
Ainsi elle décrit ainsi son univers sur la route : « Tourner avec mon homme, emmener notre enfant Poppée. Inoubliable, voyages en musique et en amour. Il a fallu se battre un peu pour y arriver, car oui, tout coûte plus cher : une chambre en plus pour la nounou. Petite bataille contre les idées préconçues et banalement machiste que l’artiste doit être solitaire et malheureux, et pourquoi pas destroy. Alain et moi avons tenu à vivre ensemble ces deux dernières années ces deux dernières tournées. Aujourd’hui, je réalise que cela fait une tranche de vie qui n’aurait pas existé si on n’avait pas fait bloc ensemble. Il faut absolument faire les choses comme on le veut. Après, c’est fini pour toujours ». On découvre ici un instantané avec le garde du corps, Doudou, un ancien membre du gang des postiches. « Doudou était un gangster à l’ancienne parlant comme dans un film d’Audiard, dont de nombreuses villes où nous étions. Il nous racontait ses braquages de banque : Ah cette banque, là je me souviens qu’il y avait un sous-sol…on rigolait beaucoup ». D’autres moments plus intimes : « Alain et moi tout au long de notre vie ensemble, nous aimions fixer les moments amoureux au restaurant, à l’hôtel, en voyage, nous faisions ce va-et-vient, je le prenais en photo et il me prenait en photo et parfois et cela avant le portable et la mode des selfies. On retournait l’appareil pour être à deux dans le champ. On prenait toujours une photo de la chambre, du lit, comme pour garder la trace du passage de notre amour ».
Derrière l’objectif, et parfois devant Chloé Mons, est toujours le témoin de ces instants sensibles qui l’ont marqué d’une façon ou d’une autre. Comme dans tous les gestes de cette artiste, la forme est libre et résolument personnelle. Il en résulte un objet unique et émouvant faits de puissantes vibrations et de mystère. Des clichés de Los Angeles, à Hawaï en passant par l’Italie, l’Afrique du Sud, New York, Kingston, l’Inde aussi où elle aime se retrouver en famille.
Les photos familiales en Roumanie pays dont elle est originaire sont saisissantes : « Arrivée là-bas je me suis senti clairement une fille de l’Est. Les traits de mon visage qui font qu’on me demande toujours si je suis russe, le tempérament incroyablement vivant des femmes de ma famille. Ce mélange de force et de sensibilité. Ce fut une fugue initiatique. Savoir d’où l’on vient donne les clés pour la vie ». On découvre des portraits du guitariste Yann Pechin qui fût aussi le guitariste de Bashung. « Depuis une vingtaine d’années, je tourne avec Yann Pechin. Notre lien est unique. Quand on fait de la musique. On ne se parle pas beaucoup. Souvent. Je donne une indication qui n’a pas grand-chose à voir avec le son, par exemple cet album ça doit être de la soie noire ou alors mets du danger et il comprend immédiatement.
Deux photos sont saisissantes : celle de l’hôpital où sa main tient celle d’Alain Bashung qui vient de s’éteindre et celle de sa tombe au Père Lachaise dont la stèle représente les sillons d’un vinyle, tombe couverte de rouge à lèvres : « Il y a quelques mois, j’ai reçu un courrier du Père Lachaise qui m’avertissait que la tombe était régulièrement profanée : des femmes y laissaient des traces de baisers en embrassant la tombe. Cela m’a tellement fait plaisir. J’ai répondu cette tombe était là pour ça. Pour que les gens qui aimaient Alain puissent y déposer leur amour ». Ce livre raconte sa façon à elle de faire les choses de créer à partir de la vie. Comme elle le dit si bien : « Voyage, initiation, création, tout est liée et c’est à travers ce prisme que je vis. La réalité de ces trajets de ces rencontres m’aiguise et tout en moi ce précise à chaque fois un peu plus. Bien sûr j’aime toujours revenir. Mais c’est pour mieux repartir. J’ai un besoin viscéral d’aller à la découverte, j’adore avoir un foyer donc je prends le plus grand soin et qui me sert à digérer ces kilomètres de route et d’aventure. C’est dans cette base que cette matière vivante s’organise et devient musique, chanson, film, livre, je deviens alors assigné à résidence pour donner corps à un objet ». Les ouvrages autour d’Alain Bashung ne manquent pas mais ce nouvel éclairage remettra les pendules à l’heure et ravira à coup sûr les fans.
« Spacing » Chloé Mons. 216 pages. Mediapop Editions
Disponible le 16 octobre 2024