BRUNO GARCIA DES LUDWIG VON 88 À SERGENT GARCIA 2éme PARTIE

 

Sergent Garcia

© Youri Lenquette. 1999. Sergent Garcia.

 

Avec son mélange explosif de salsa, de reggae et de punkitude assumée, Bruno Garcia, alias le Sergent Garcia, est depuis 30 ans durablement installé dans notre paysage musical. Remontons le temps jusqu’en 1999, lorsque notre héros quitte le fameux combo keupon alternatif, les Ludwig Von 88, dont il fut l’indispensable cheville ouvrière,en sommeil. Du coup, le Sergent prend son envol, parcourant le monde à la recherche du son tropical perdu, pour publier ses albums aussi festifs qu’épicés. Second épisode des fulgurantes aventures de Bruno Garcia et incroyable coup de théâtre avec la renaissance des Ludwig Von 88.

 

Sergent Garcia

© Youri Lenquette. 2003. Sergent Garcia.

Désormais basé en Espagne, sur son bateau studio, El Guakamayo, amarré dans un petit port au sud de Valencia, Bruno Garcia nous retrace sa fabuleuse épopée rock du Sergent Garcia aux Ludwig Von 88 : seconde partie !

 

« Quelle est la Genèse du Sergent Garcia ?

J’ai très vite craqué sur les sound-systems, le hip-hop est arrivé et je suis devenu bien fan, car je trouvais que c’était vachement intéressant ce mouvement. J’étais plus Boogie Down Production, KRS One et Public Enemy,

 Moi j’étais plus NWA !

Oui, moi aussi, après j’ai adoré NWA pour le groove. Comme j’avais beaucoup de vinyles, j’ai persévéré et j’en ai eu de plus en plus avec aussi pas mal de reggae. Je me suis acheté une deuxième platine et j’ai commencé à faire le DJ. Et je me suis offert un sampler et je me suis mis à travailler avec un groupe de hip-hop. J’ai fait deux albums avec Timide et Sans Complexe, c’était en 94. J’ai aussi bossé avec plein de petits groupes de hip-hop, des choses qui n’ont jamais marché, mais c’était mon école, quoi ! J’ai aussi commencé à écrire pour moi et je me suis mis à écrire en espagnol. Et je me suis mis à chanter sur du reggae en espagnol. Et avec les autres gars des Ludwig qui étaient les techniciens qui faisaient du raggamuffin, c’était des Antillais, on a monté un sound-system qu’on a baptisé Bow Wow Wow sound system. Et dans lequel j’étais Sergent Garcia.  Je faisais du raggamuffin en espagnol sur des instrus de reggae qu’on allait chercher en Angleterre. Donc, en ce début années 90, il y avait les Ludwig d’un côté et moi j’avais une vie parallèle avec plein d’autres projets. Et je me suis mis à faire mon album petit à petit. Comme j’étais DJ, je faisais des essais de trucs improbables et j’ai commencé à utiliser les samplers et tout ça et j’ai fini par tomber sur cette mixture de Jamaïque à Cuba qui fonctionnait. Je me suis dit là c’est mortel, tu peux faire du ragga dessus , ça sonne, c’est groovy et il y a moyen de mettre des beats dessus, ok mortel ! Et donc j’ai commencé à travailler dans cet esprit-là en 95. Là j’ai cherché un label pour sortir cette musique. Mais cela n’a pas vraiment intéressé les labels à l’époque, ils ne comprenaient pas : un mec qui venait du punk, blanc, qui chantait du raggamuffin en espagnol avec un côté salsa…c’était super extra-terrestre pour eux. J’ai sorti l’album qui était autoproduit avec Crash, le label sur lequel étaient les Ludwig et on a sorti ce premier album en 97. J’ai commencé à faire des concerts en 98. En 99, il y a eu la signature avec Virgin et là ça a explosé. Du coup, cela n’était plus possible de mener les deux de front.

C’est là que moi j’ai découvert Sergent Garcia.

Mexique. Monterrey. Sergent Garcia. 2006. Enregistrement de l'album "Mascaras"

Mexique. Monterrey. Sergent Garcia. 2006. Enregistrement de l’album « Mascaras »

Oui, avec ce second album « Un poquito quema’o ». Le premier « Viva el Sargento » je l’avais fait tout seul dans une cave à Montreuil. Des potes repeignaient leur studio, du coup j’ai hébergé leur console et je m’en suis servi. J’ai fait l’album en un mois. Je suis parti jouer en Espagne. Les gens commençaient à parler de Sergent Garcia, mais la rumeur ne faisait que commencer. Les concerts étaient vraiment spéciaux et quelque chose était vraiment en train de se passer. À l’époque, cela n’existait pas cette espèce d’énergie rock, avec de la musique latine et du reggae c’était assez spécial. Et en espagnol. On part jouer à Barcelone et à l’invitation d’un collectif de musiques métisses on fait une tournée. On joue à Madrid dans une salle baptisée Suristan en plein centre de la capitale qui programmait beaucoup de musiques africaines et world. Ce jour-là il y avait peut-être 14 personnes dans la salle, c’est à dire, rien.  Mais parmi ces 14 gusses se trouvait le programmateur d’un très gros festival madrilène où se retrouvent diverses musiques reggae, hip-hop rock et world. Comme il craque sur nous, il en parle au mec de Virgin Espagne. Et je reçois un appel hallucinant de Virgin : «  Il faut qu’on se rencontre au plus vite, car nous voulons te proposer un contrat. » Et cela s’est fait tout seul alors que le mec n’avait jamais vu le groupe. Il est venu à Paris avec un contrat et à ce moment-là dès qu’on a signé avec Virgin Espagne, on a eu immédiatement une réaction de Virgin France.

Qui, du coup, l’a sorti ?

Oui, après de bonnes négociations, très intéressantes. Je crois avoir signé le meilleur contrat de la fin du XXéme siècle. C’était mortel.

On peut en parler ?

Oui, car c’était bon pour un artiste pour pouvoir travailler.Un poquito quema'o

Quel pourcentage as-tu décroché ?

Je commençais à 12% !

Waw !

…et j’allais jusqu’à 16%.

Mais ton petit nom, en fait, c’est Johnny Hallyday ? 

Ils étaient venus me chercher et, cerise sur le gâteau, deux labels de la même boite se tiraient la bourre pour me signer. Donc moi je faisais petit à petit monter la mayonnaise. On avait les moyens de bosser, j’avais de l’argent pour faire de la prod et des vidéos. J’avais deux enveloppes, l’une pour tourner en Europe et l’autre dans le reste du monde. Tout cela avait été négocié tranquillement sans se presser. Du coup je me suis fait le luxe de travailler dans de super conditions quelques années.

Jusqu’à ce qu’on arrête de vendre des disques et des journaux de rock !

Exactement.  Et là, c’est le premier album qui est enregistré avec vingt musiciens, avec Renaud Letang aux manettes. Puis le deuxième qui est enregistré au Manoir à Bordeaux. Tous les musiciens jouaient ensemble, en analogique. Le troisième là je suis parti à la Jamaïque  et à Cuba pour aller à la rencontre des musiciens qui m’avaient influencé. C’est l’album intitulé « La semilla escondida » qui sort aussi chez Virgin. Et après arrive un moment où l’on vend moins de disques. Et du coup les maisons de disques rendent des contrats à tour de bras et nous on se dit que cela ne serait pas mal en fait d’en sortir, car, entre-temps j’avais signé avec Alain Artaud chez Labels   qui a été mangé par Virgin puis Virgin a été mangé par EMI…ou le contraire, je ne sais plus. Finalement, je me retrouvais avec des gens qui ne me connaissaient pas vraiment…

 En même temps, Artaud il aurait pu te prendre sous le bras et te récupérer chez Polydor ?

Mexique. Monterrey. Sergent Garcia. 2006. Enregistrement de l’album « Mascaras »

 On avait aussi envie d’autre chose. Je monte ma boite de production et du coup on re-produit nous-mêmes les albums que nous sortons en licence. Avec « Mascara », par exemple, on a fait une licence avec EMI. Pour « Una otra vez » avec Cumbancha,  un label américain. C’est un album que j’adore qui a été enregistré entre l’Europe, Cuba et la Colombie tandis que le précédent « Mascara » c’était le Mexique. On y a passé trois moi pour se mettre dans les trucs les plus mexicains du monde, les matchs de lucha libre, les barios, les concerts de cumbia. C’était une super expérience, on a travaillé avec beaucoup de musiciens. Dans la foulée de l’album, on fait une tournée au Mexique et derrière cette tournée, un Français nous appelle de Colombie pour nous dire : « Moi je veux produire un concert de Sergent Garcia à Bogota, en Colombie. Cela faisait longtemps que je voulais y aller. Donc on fait cette date au Theatron de Bogota et là c’est le feu total. La salle est remplie par trois mille personnes , plein de gens dehors. On pensait qu’on avait un peu de public, mais on ne savait vraiment pas que c’était à ce point là. Du coup, il y a une vraie histoire avec la Colombie. Ce soir-là je rencontre plein de musiciens, on me donne plein de disques. J’écoute tout et je trouve cela incroyable. Toute cette énergie qui me rappelle le mouvement alternatif de la France que j’ai connu dans les années 90. Mais là on est dans un pays latino-américain à 2800 mètres d’altitude qui n’est pas du tout tropical. Bogota c’est complètement urbain, c’est presque Londres. C’est de la brique, du ciment et des évènements qui se passent, mais avec une musique qui est la cumbia, les musiques traditionnelles colombiennes, le rock, le reggae, le hip-hop, tous les genres urbains qui se mélangent et qui donnent un son très colombien ; et moi je tombe amoureux de ce pays.

© Youri Lenquette. 1999. Sergent Garcia en concert.

 Donc, cela a constitué une super source d’inspiration.

Du coup, j’enregistre l’album « Una y otra vez » entre la France, Cuba et la Colombie avec sa cumbia. L’album sera d’ailleurs nominé en 2011 aux Grammy Awards. Entre 2007 et 2011 je vis pratiquement en Colombie.

Comment as-tu fait pour ne pas devenir accro à la coke ?

C’était simple : moi je n’aime pas du tout les dogues chimiques donc je n’ai jamais eu de problème avec ça.

En même temps si le corps humain était fait pour carburer au kérosène, cela se saurait !

Exactement. On m’en a proposé autant en Europe qu’ailleurs !

Et la Colombienne compressée, elle existe encore ?

Ah, par contre…je peux t’en parler en connaissance de cause. On trouve plus beaucoup de sativa un peu partout en Europe les gens fument de la skunk et des herbes un peu plus chimiques on va dire. La Colombie fait partie de ces pays ou tu peux encore trouver de l’herbe naturelle. Et ça j’aime bien.

Elle est encore compressée

Bien sûr. Comme à l’époque avec ses branches et ses graines. Mais on en trouve de moins en moins aussi.

Oui, la concurrence avec l’hydroponique est terrible.

Mexique. Monterrey. Sergent Garcia. 2006. Enregistrement de l'album "Mascaras"

Mexique. Monterrey. Sergent Garcia. 2006. Enregistrement de l’album « Mascaras »

Et donc après la Colombie …que pasa ?

En 2011-2013 je suis tout le temps en tournée.  Mais, dans ma tête, j’ai déjà le projet du bateau qui se concrétise. Du coup, je pars dans un nouveau projet après l’achat du bateau. Et en plus les Ludwig se reforment. On va en reparler. Mais donc j’achète ce bateau, où nous sommes aujourd’hui le Guakamayo comme ces perroquets que l’on trouve en Amazonie et dans les Caraïbes, ce sont les perroquets des pirates ! Et c’est aussi un oiseau multicolore qui va bien avec l’esprit fusion. Et donc pourquoi j’achète un bateau ? C’est que je me dis qu’après avoir passé toutes ces années sur les routes et avoir fait tant de kilomètres, j’en ai un peu marre de la route et que je préfèrerai maintenant la faire sur la mer. D’où l’idée de monter un studio d’enregistrement dans un bateau, ce qui était impossible il y a dix ou quinze ans, mais envisageable aujourd’hui avec la technologie.

La preuve…et donc, désormais, tu enregistres dans cette pièce où nous sommes, c’est cool !

Oui.  Bon pour l’instant c’est rudimentaire, car on est à la restauration du bateau. On vient de finir les toilettes, par exemple. La prochaine étape, c’est maintenant, équiper ces deux parties en meubles. Et, cet automne, je vais enfin pouvoir installer le studio tel qu’il le sera définitivement. Là, il y aura une porte vitrée, ici une cabine et derrière se trouvera la régie. Au fond, il y a encore la partie couchette et salle de bains. Cela fait trois ans tout de même que je travaille à la restauration du rafiot. On a aussi publié une anthologie où on a sorti un gros pavé, un DVD live, des inédits, plein de choses dans un coffret 3 disques. Tout ça, on le produit nous-mêmes. Ensuite, j’ai fait « Dub My Boat » justement ici, pour renouer avec les vinyles. C’est un maxi de dub que j’ai fait avec certains de mes morceaux que j’ai remixé ici.  Et en 2016 nous avons carrément re-formé les Ludwig. On s’est revu avec le groupe et on s’est dit : les gars si on veut remonter le groupe un jour c’est maintenant ou jamais.

ludwigvon88

ludwigvon88

Et, donc, vous l’avez joué nostalgie keupon ou retour vers le futur ?

Oui, on a fait dans la nostalgie et on est reparti tellement nostalgique qu’on a repris exactement les mêmes et on est reparti. Les mêmes techniciens, les mêmes musiciens, le même ingénieur du son… c’est les Blues Brothers si tu veux !

Cela a dû vous faire bizarre.

Génial. Ce qui est marrant, c’est que personne n’a changé. Tous, on a gardé le même humour, les mêmes conneries, la même complicité.

Alors, la set-list des concerts, cela donne quoi ?

« Oui oui », « Guerrier Baluba », « J’ai tué mon père », « HLM » , il y a des morceaux d’un peu tous les albums. On a une tonne de morceaux.

Et ce choix a fait l’objet d’un débat populaire et démocratique ?

Écoute, on s’est revu. On a bouffé ensemble. Et on s’est dit : allez, on essaye ! Si les boites à rythmes marchent encore, on peut peut-être faire quelque chose. On a répété sur Paris et c’était cool donc on a eu envie de le faire. Et puis on a le même manager et le même tourneur aussi. Il nous a dit : si vous voulez, il y a le Hell Fest qui veut bien vous prendre sur la « War Zone ». Allez…cela nous a servi de premier concert de reprise. Super accueil. C’était génial. C’est un festival mortel que je ne connaissais pas du tout.

Tu as un peu plus intégré tes influences tropicales qu’à l’époque des Ludwig ?

Non, c’est canal historique avec les mêmes déguisements.

Certains d’entre vous ont dû grossir, non ?

Et bien, non, curieusement là aussi sur ce terrain-là on n’a pas trop changé. On a perdu un peu de cheveux. Donc du coup avec les Ludwig nous sommes repartis en tournée. On a fait d’abord quelques festivals. On s’est aperçu qu’en fait il y avait beaucoup plus de public que quand on avait arrêté. On a fait une tournée en salles l’année dernière. Ce qui était fun, car il y a énormément de salles qui n’existaient pas au moment où on a arrêté.

©Youri Lenquette. 1999. Sergent Garcia

©Youri Lenquette. 1999. Sergent Garcia

Nono Krief, le guitariste de Trust m’a tenu exactement le même discours sur le public et les salles ! En clair vous avez plus de succès live aujourd’hui qu’à l’époque !

Quand les Ludwig se sont arrêtés, le mouvement punk s’essoufflait comme l’alternatif. Les gens avaient envie d’autre chose. Il y avait aussi un ras-le-bol de la politique.  Un ras-le-bol de pas assez de concret, peut-être?

Mais si c’était à refaire…

Je re-ferais la même,  je ne changerais pas grand-chose. Peut être certains trucs, mais je ne regrette rien. Non non non je ne regrette rien…comme dans la chanson !

Sergent Garcia…depuis le temps (rire) tu ne crois pas qu’il aurait pu prendre un peu de galons ?

Ben oui…regarde… je suis bientôt Capitaine !

Ahhhhh ….Capitaine Garcia !

Bientôt.« 

 Spécial remerciement à Youri Lenquette pour ses incroyables photos 😉

Bruno Garcia 

 (Voir sur Gonzomusic BRUNO GARCIA DES LUDWIG VON 88 À SERGENT GARCIA 1ére PARTIE https://gonzomusic.fr/bruno-garcia-des-ludwig-von-88-a-sergent-garcia-1ere-partie.html

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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