MARQUIS » Konstanz »
Marquis by Richard Dumas
44 années et 540 kilomètres les séparent, pourtant il existe un incontestable axe direct entre Gdansk ( Dantzig) et Konstanz et il passe forcément par Marquis le groupe qui publie son second album « Konstanz », soit 11 titres d’une addictive urgence sonique, boostée par la présence solaire d’invités de marque aussi prestigieux qu’Ivan Julian, l’ex compagnon de route de Richard Hell ou encore Vernon Reid le mythique guitariste leader de Living Colour. En français, en anglais, en allemand et même en breton Marquis n’a pas fini de nous subjuguer de son rock tracé en clair-obscur.
C’est une légende née à l’aube des années 80, une légende épique où les jeunes gens modernes de Rennes tenaient le haut du pavé: Marquis de Sade après son « Dantzig Twist » révolutionnaire allait s’imposer au sommet du rock hexagonal avec son sidérant « Rue de Siam » (Voir sur Gonzomusic RENNES CAPITALE DU ROCK FRANÇAIS et aussi RENNES CAPITALE DU ROCK FRANÇAIS Épisode 2 ). Hélas MDS s’auto-détruit, le chanteur Philippe Pascal se lance dans l’aventure Marc Seberg tandis que le guitariste Frank Darcel monte ses formations successives Octobre ou encore Senso avant de se muer en fameux producteur (Voir sur Gonzomusic LA SAGA FRANK DARCEL ÉPISODE 1 , LA SAGA FRANK DARCEL Épisode 2 , LA SAGA FRANK DARCEL Épisode 3 et aussi LA SAGA FRANK DARCEL Épisode 4 ). En 2017 soit près de quatre décennies après son split Marquis de Sade se reforme, d’abord pour un concert puis pour une série de lives et enfin pour enregistrer son 3éme album. Hélas, Philippe Pascal décède en septembre 2019 mettant ainsi un terme à la renaissance du groupe dont l’album du retour était pourtant déjà très largement entamé avec de nombreux musiciens invités entre Paris Londres et New York. Frank Darcel et les autres MDS décident alors de poursuivre la route, donnant naissance à une nouvelle formation. Simplement baptisée Marquis, elle publie le magnifique « Aurora » (Voir sur Gonzomusic MARQUIS « Aurora » ) au printemps 2021 avec le jeune chanteur Simon Mahieu et quelques invités-vedette rennais tels Etienne Daho, Dominic Sonic ou Christian Dargelos. Deux ans de travail acharné plus tard, ce nouveau Marquis voit enfin le jour. Et tant pis s’il a dû être enfanté dans la douleur. C’est ainsi que le bassiste historique Thierry Alexandre handicapé par la maladie ne joue que sur un seul titre, remplacé par l’ex-Marc Seberg et Kas Product Pierre Corneau ou d’autres instrumentistes. Cependant, le mentor guitariste Frank Darcel et le batteur Eric Morinière perpétuent l’esprit de la légende de Rennes, en s’appuyant sur de nombreux musiciens et invités, avec au premier chef l’époustouflant saxo Daniel Pabœuf (Voir sur Gonzomusic DANIEL PABŒUF « Ashes ? » ) dont les solos, aux côtés de ceux de Pinpin, faisaient déjà vibrer « Rue de Siam » en 81.
Marquis by Richard Dumas
Et c’est d’ailleurs dans « Er Maez », en partie en breton dans le texte, que déboule le premier invité, soit le mythique guitariste black metal de Living Colour, Vernon Reid (Voir sur Gonzomusic BLACK ROCK USA 🇺🇸 ) dont les riffs électrisent ce puissant hit d’ouverture qui permet de mesurer combien la rage de notre Marquis ne s’est pas émoussée. Il est suivi par l’intense « Jour de gloire » aussi furieusement climatique que leur si fameux « Brouillard définitif », preuve que si l’on pouvait encore en douter que le nouveau groupe porte bien tout l‘ADN de MDS. Puis sur le rock épique de « Pyramid » en anglais dans le texte, la voix de Simon Mahieux dialogue en choc frontal avec les puissants barrissements du saxe de Daniel Pabœuf dans un climat rock particulièrement intense. Car il y a tout ce qu’on aime dans ce « Konstanz », n’est-ce pas ? À l’instar de la légende cinglante du rock new yorkais éternel de Television, Blondie et du Velvet Underground qui vibre ici façon CBGB’s dans « In the Mood For Sun ». Quant à cette « Immensité de la jeunesse », elle reprend la recette aboutie de MDS, mêlant intrinsèquement le français et l’anglais comme avec « Cancer & Drugs » ou encore « Final Fog ». Plus surprenante « I Wasn’t Born For Real » est une jolie balade portée par le saxe de Pierrick Pedron qui hésite entre le « I Wasn’t Born To Follow » des Byrds et le fameux « Walk On the Wild Side » de Lou Reed, sans doute le titre le plus insouciant de ce projet et incontestablement l’un des plus attachants.
Marquis by Richard Dumas
Lorgnant toujours du côté de la grande Amérique « Henry Lee Didn’t Do It » a ce je ne sais quoi du frénétique des Feelies qu’on aimait tant à l ’aube des 80’s. Retour à la case guest-stars avec simultanément le Jad Wio Denis Bortek et l’ex-colistier de Richard Hell & the Voivoids Ivan Julian, un habitué des salons d’enregistrement du Marquis déjà présent sur « Aurora » qui littéralement incendient le bien nommé et agité « Listen To the Big Bang ». On retrouve également Julian et sa guitare si emblématiquement torturée dans la suivante et forcément éblouissante « Brighter » au pouvoir rock entêtant et vénéneux. Sombre, tragique, envoutante et sans doute la plus MDS de ce Marquis, « Exotica » nous arrache à l’attraction terrestre par le pouvoir de son invincible mélancolie. Enfin, ce bel album s’achève sur la sensibilité exacerbée de « Aux premiers feux » portée par les sublimes arrangements du claviers belge Adriano Cominotto, qui détourne l’ « Hymn of the Cherubin » de Pyotr Tchaikovsky, l’intégrant dans cette chanson presque crépusculaire. Viscéralement européen, mais pas seulement, ce second Marquis assume également sa vénération pour cette culture rock US qui fait que si souvent la vie nous y semble tellement plus large, tellement plus vaste, tellement plus cinématographique que n’importe où ailleurs. Le dimanche 23 avril prochain, ce bel album prendra vie en live sur la scène parisienne du Petit Bain , trop hâte d’y assister !
