MARQUIS « Aurora »
Avec Marquis, le fameux groupe rennais n’est plus Sade. Sans son chanteur charismatique, ce troisième MDS n’avait plus aucune raison d’être, voilà pourquoi Frank Darcel a décidé de se lancer dans un album différent, capturé avec d’autres musiciens en plus du noyau dur de MDS. Et le casting d’« Aurora » est assez éloquent, avec les voix d’Etienne Daho, Christian Dargelos, Dominic Sonic, les guitares d’Ivan Julian ( Richard Hell), Richard Lloyd ( Television), Xavier Geronimi , les cuivres de James Chance et de Daniel Paboeuf, pour le disque made in France le plus indispensable de ce début d’année.
C’est un disque auroral, comme son titre, et qui porte un immense espoir. C’est aussi un serpent de mer de la planète rock qui a bien failli ne jamais voir le jour. Et comment aurait-il pu en être autrement, lorsqu’en plein milieu de l’enregistrement d’un incroyable nouvel album de Marquis de Sade on apprenait la plus déchirante nouvelle : Philippe Pascal avait choisi de tirer sa révérence ce triste 13 septembre 2019 ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/triste-breaking-news-mort-de-philippe-pascal-chanteur-de-marquis-de-sade.html ). Pourtant, ce troisième disque du fameux groupe rennais s’annonçait si prometteur, presque quatre décennies après son éblouissant prédécesseur, ce « Rue De Siam » qui était l’ALBUM de notre jeune génération ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/philippe-pascal-au-paradize.html ), ces déclassés assumés, au sens Actuel du terme, que nous étions alors. Enregistré avec tant d’ambition, entre New York, Paris, Bruxelles, Amsterdam et la Bretagne, il ne manquait guère plus que les textes et la voix de Philippe. Hélas, le destin en a décidé autrement. Que faire ? Abandonner le projet et remiser sur une étagère les précieuses bandes déjà réalisées ? Pas le genre de la maison. Le chanteur historique de MDS avait déjà posé sa voix sur deux titres, avec les membres originaux du groupe. Ceux-là seront isolés et figureront au track-listing d’une future intégrale de Marquis de Sade. Et c’est ainsi qu’après MDS, Octobre, Senso et bien entendu son ardent Republik ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Republik ) que Frank Darcel, entouré de la formation originale de MDS, avec le batteur Eric Moriniere et Thierry Alexandre à la basse, se lance avec flamme dans un tout autre projet. Baptisé Marquis, à la manière des Insupportables d’Aubert, Bertignac et Kolinka, en clin d’œil au patronyme de leur ancien groupe, puisque Corine Marienneau n’avait pas souhaité participer à la reformation. Et comme il était juste impossible de « remplacer » Philippe, un jeune chanteur, Simon Mahieu et une belle brochette de vocalistes invités se côtoient dans ce splendide univers rock où Marquis reflète notre quotidien, comme un sombre miroir. Et ces compositions, le plus souvent de moins de trois minutes, respectent à la lettre le critère du too much too soon des Ramones et des héros de la punkitude new yorkaise qui les ont inspirés.
D’abord, deux chansons vocalisées en anglais… « More Fun Before War » et son titre prophétique, s’il en est. Roulement de tambour et un son légendaire totalement intact. Et cette voix nouvelle que nous découvrons, celle de Simon Mahieu rencontré à Bruxelles par Frank, posée sur une rythmique à la fois familière et différente en 2’ 18’’ rapides comme le vif-argent et solides comme le roc. Puis, résonne « European Psycho », climatique et ténébreux comme un écho au premier LP de MDS, le mythique « Dantzig Twist », porté par la présence familière du guitar-hero Xavier « Tox » Geronomi. Totale NY attitude sous son titre en forme de clin d’œil au « Psycho Killer » des Talking Heads. Mais c’est « Holodomor » qui nous réserve la première grosse surprise de l’album, avec une voix juste légendaire de la scène rennaise, puisqu’il s’agit de Christian Dargelos, premier vocaliste historique de MDS et lider maximo des Nus ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/les-nus.html et aussi https://gonzomusic.fr/les-nus-enfer-et-paradis.html ) au timbre puissant et si identifiable, épaulé par les chœurs d’une autre célébrité locale et lui aussi ex-MDS, Sergeï Papail. Puissant et hanté par l’urgence des guitares qui hurlent comme autant de sirènes d’alerte, pour mieux refléter l’urgence de notre monde actuel, en français dans le texte ( Où est la foule ? /Elle fuit la peur et les amers/ Allons hurler dans l’atmosphère), « Holodomor » compte incontestablement parmi les plus solides piliers de cette œuvre.
Autre surprise de taille, comme un écho à son premier LP « Mythomane », produit par Jacno, où il avait été épaulé par la quasi-totalité du line up de MDS ( Frank produira ensuite Etienne au milieu des 80’s mais c’est encore une autre histoire du rock) , on se laisse aveugler par présence solaire d’Etienne Daho « Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Daho ) sur la vibrante « Je n’écrirai plus si souvent » qui prête sa plume et sa voix à cette sublime composition en français, sans doute l’une des plus puissantes de l’album, avec en guest star la légende Ivan Julian, ex guitariste de Richard Hell and the Voivoids. Avec « Um Immer Jung Zu Bleidein » retour à Simon Mahieu au micro, à la fois en anglais et en allemand, largement boosté par le légendaire guitariste de Television, Richard Lloyd, titre incandescent comme la braise dans la cheminée, de la plus excellente facture, et qui nous vrille joyeusement le cerveau de ses guitares perforantes. Encore un chanteur familier pour « A Cidade Escondida », un certain Frank Darcel , et en portugais dans le texte, pour une morna hallucinée, souvenir des années passées à Lisbonne, au milieu des 90’s à produire des groupes locaux. Cette fois le chanteur de Republik évoque avec flamme cette « ville cachée » sur l’hypnotique dichotomie de ses guitares musclées et on ne peut que succomber sous le charme. « Brand New World » est peut-être la plus new yorkaise de ces précieuses compositions, hantée par les barrissements aussi classieux qu’obsédants du saxe-symbol James Chance et à nouveau par les guitares d’Ivan Julian. Mais aussi par la voix si assurée de Simon Mahieu, épaulée par les chœurs de Frank et de la comédienne Marina Keltchewsky. Avec son « je ne sais quoi » de « Beds Are Burning » de Midnight Oil, ce « Brand new World » se révèle effectivement le meilleur des mondes soniques possibles et constitue également un des moments clefs de cet « Aurora ». Très élégante et particulièrement émotionnelle, « Soulève l’horizon » vibre sur la voix du chanteur de Mecano Dirk Polak, groupe néerlandais proche de la scène rennaise, et marque le retour de l’ex-Sax-Pustuls historique et fameux saxe de MDS, Daniel Paboeuf, qui vient justement de publier son dernier album intitulé « Ashes » dont nous reparlerons très vite dans Gonzomusic. Et toujours le fringant Ivan Julian à la guitare…
Sans doute la chanson qui, de toutes, me vrille le plus le cœur, avec la voix d’un frère, hélas disparu, Dominic Sonic ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/so-long-my-sonic-boy.html ) qui reprend l’hymne punk rock climatique d’un autre héros éteint, Lou Reed. « Ocean » me fait à la fois couler tant de larmes et, paradoxalement, sourire, comme le soleil et la pluie parfois cohabitent dans le même ciel. Sonic, pourtant si proche de sa fin, chante juste divinement… miss you so much my friend. ( NDR : On attend toujours l’album posthume de Dominic Sonic qui ne devrait pas tarder à être publié). Mention spéciale à la guitare si experte de Xavier « Tox » Géronimi et aux chœurs vibrants de Frank, Daniel Paboeuf et de Simon Mahieu. Dans « Flags of Utopia », Marquis la joue version classique, modèle « Final Gog » pour un titre qui nous caresse de la chaleur de ses flammes. Puis, avec « Glorie », le flamand est loin d’être rose, il est au contraire sombre comme un ciel d’orage, rafraichissant comme un funk glacé venu d’ailleurs. Simon Mahieu y chante dans sa langue natale. Et ce drôle d’exotisme développe sa puissante énergie, pour mieux nous subjuguer. « Zagreb » est lente et mélodique, à nouveau avec Simon Mahieu au micro, pour une balade capable de nous arracher à l’attraction terrestre, pour mieux nous faire voyager aux confins d’un rock aussi élégant qu’entêtant. Enfin, cold funky hypnotique et instrumental, « Le voyage d’Andrea » vient clore avec distinction cette collection de vaillantes collaborations, entre classiques et modernes, anciens et milléniums, rêveurs et spadassins, brigades internationales du rock, au sens « no pasaran » du terme, qui devrait sans nul doute rythmer ces nouvelles années vingt, avant de se propulser à jamais au firmament.
Magnifico
Indeed
Super. J’ai eu peur sur la première chanson. Trop caricaturale, trop de mélange MDS / Joy Division. Ils arrivent à dépasser ce côté hommage un peu trop classique dès les chansons suivantes et c’est du très bon.