MADE IN JAPAN WITH DAVID SYLVIAN

David Sylvian JapanVoici 42 ans dans BEST GBD poussait l’exotisme rock à son paroxysme en rencontrant le mystérieux et particulièrement discret David Sylvian, le lider maximo de Japan, groupe New Wave culte à l’orientalisme fascinant qui refusait la plupart des interviews et qui détestait se produire sur scène. Le chanteur aux fameuses mèches blondes venait tout juste de publier l’incandescent « Bamboo Houses » avec Ryuichi Sakamoto. Flashback…

 

Big in Japan… c’était devenu une joke pour certains groupes de rock incapables de percer ailleurs que dans l’Empire du Soleil Levant et c’est justement par bravade que le natif de Beckenham, dans la banlieue de Londres choisit ce patronyme de Japan à la fin des 70’s pour baptiser son groupe. Hélas après une poignée d’albums incandescents Japan se sépare et David Sylvian se lance dans une parcimonieuse carrière solo. En 1985, une démo de Sylvian « Sylvian’s Machine » devient le méga-hit single « P : Machinery » de Propaganda ( Voir sur Gonzomusic L’ELECTRO-POP MADE IN GERMANY DE PROPAGANDA  et aussi PROPAGANDA GERMAN POP MACHINE ). La chanteuse Claudia Brücken racontant que Sylvian les avait aidés avec ses talents d’écriture et de musicien sur « P : Machinery », influençant magistralement la structure finale et l’atmosphère du morceau. Puis à la fin des 80’s Japan se reforme en partie sous son nouveau pseudo de Rain Tree Crow, avant que Sylvian ne s‘associe durablement au fantasque Robert Fripp avant de définitivement voler de ses propres ailes publiant moult projets solos.  Récemment, David Sylvian a contribué à l’album « To the Moon and Back » (2022), un hommage à Ryuichi Sakamoto où divers artistes ont réinventé ses chansons.

 

Publié dans le numéro 172 de BEST sous le titre

 

JAPAN LE GROUPE

 

« In Tokyo I’ve got it made/ In T. they know who I am/ In T I’ve got a million fans/ In T. they know who I am ».

« Tokyo » (Gruppo Sportivo)

 

David Sylvian JapanGagner au Japon, pour beaucoup de rock-stars, c’est en même temps un gag et un mirage. Quand les Japs s’excitent sur quelque chose, ils y vont à fond. Le comportement du fan moyen n’y est pas foncièrement différent de celui du Kamikaze de la guerre du Pacifique, AC/DC en ont fait l’expérience, comme avant eux, Paulo, Cheap Trick ou Santana. Même les New-York Dolls y sont parvenus, alors que les States les rejetaient comme un container de déchets atomiques. Japan, la formation de David Sylvian, c’est encore une autre histoire. À force de galérer pour trouver un contrat, ce groupe anglais a fini par signer chez Ariola, une boite allemande. Lorsque le premier Japan sort en import au Japon, c’est un vent de folie. Ce qui n’était qu’un gimmick chez Sylvian devient une passion : son approche de l’Empire du Soleil Levant ressemble à s’y méprendre à une histoire d’amour, une romance qui dure depuis déjà cinq ans. Aujourd’hui, Japan a complètement changé de style du hard-rock Iodique des premiers LP, le groupe est passé à une New Wave synthétique et précieuse oscillant entre Gary Numan et Bryan Ferry. Japan n’est pas à proprement parler un squatter des scènes : il ne joue pratiquement jamais et n’a jamais mis les pieds en France, en dépit d’un petit carré de fans aussi inconditionnels que virulents.  Au Nomis studio, l’auto-pub vante « Le meilleur studio de répétition du monde ». Sound-proofed et air conditionné, c’est la Rolls Royce de la répétition rock à Londres. David et son groupe sont enfermés à Nomis depuis déjà trois semaines et aujourd’hui c’est le dernier jour, le moment adéquat pour une conversation à batons rompus sur ces coutumes japonaises que, nous autres européens, avons encore du mal à cerner. David se cache sous sa mèche blonde décolorée ; à 24 ans , il n’a pas perdu une once de sa timidité. Lorsqu’il quitta la Catford School, il avait tout juste seize ans et il forma son premier groupe avec ses copains de classe : ils devaient le suivre jusqu’au bout de l’aventure Japan :

David Sylvian Japan« David Sylvian : Japan, à l’origine, était un nom temporaire. Il nous fallait signer ce que nous faisions, nous avons choisi celui-ci complètement au hasard. Or, le premier album a marché très fort au Japon ; nous sommes donc ailés là-bas pour jouer et nous avons conservé le nom. C’était ma première expérience de ce pays. Au troisième voyage, sur le chemin de l’aéroport, j’ai réalisé que je n’avais aucune envie de rentrer en Angleterre. Je suis resté quelques mois, J’étais fasciné par les gens, par leurs coutumes, par ce pays. Comme la musique japonaise m’intriguait, je me suis branché sur les membres du Yellow Magic Orchestra. Un jour là-bas, Ryuichi Sakamoto ( Voir sur Gonzomusic YELLOW MAGIC ORCHESTRA  « BGM »Sayonara Yukihiro Takahashi san from YMO  , SAYONARA RYUCHI SAN  et aussi RYUICHI SAKAMOTO « Travesia » )  est venu m’interviewer pour un magazine. Ils font assez souvent ce, plan d’interview de rock-stars par d’autres rock-stars, C’était assez cordial, mais Riuichi était assez tendu. Lorsqu’il est passé à Londres, nous avons recommencé cette interview et cette fois il y a eu un déclic : nous avons découvert tout ce que nous avions on commun. Une fois la barrière de la politesse franchie, j’ai trouvé chez les Japonais un feeling dix fois plus Intense que tout ce que j’ai pu connaître avec les Anglais. Je ne sais pas communiquer avec mes compatriotes. Lorsque je vis à Londres, je reste bouclé dans mon appartement et je ne me déplace qu’en taxi Je crois que je n’aime pas vraiment les gens. Je préfère encore être seul plutôt qu’entouré de gens qui m’indiffèrent, ça date de la première époque de Japan, lorsque je portais des cheveux très longs et teints de couleurs vives avec des fringues outrancières. On nous cassait la figure en pleine rue en nous traitant de pédés : je crois que ça m’a rendu parano ».

David Sylvian JapanDavid explique que, par réaction au personnage décadent qu’Il jouait avant, il essaie de se faire le plus discret possible. Il se réfugie derrière sa musique, évite tant que se peut les interviews, les shows télé et les concerts.

« Cette tournée est vraiment un compromis car je déteste faire de la scène. Pour moi, la performance en public est complètement stérile. Ceci est l’ultime tournée de Japan. Elle sera filmée sur vidéo et servira de support à un album live. Après ce projet, nous travaillerons chacun de notre côté. Japan est parti de rien : voilà 8 ans. Tous les musiciens du groupe sont à mon avis parmi les plus créatifs de l’Angleterre actuelle Mais Japan, c’était mon projet et les musiciens ont mûri en créativité : aujourd’hui ils ont besoin de créer pour eux-mêmes ».

David vit avec une jeune Japonaise et il compte s’installer définitivement à Tokyo : « Je ne me sens pas du tout comme un élément de la société britannique, donc ça ne me gêne pas d’aller vivre au Japon où je me sens étranger, parce que j’ai déjà le même feeling en Angleterre. Je crois que partout où je vivrai, je me sentirai comme un observateur. Je n’ai pas besoin d’être aimé par beaucoup de gens à la fois, j’ai juste besoin d’un amour très fort émanant de quelques-uns ».

Sylvian Sakamoto

Sylvian Sakamoto

Sylvian justement, vient d’enregistrer un 12 Inch, « Bamboo Houses » avec Sakamoto et… « Le Pollen », un titre du nouvel album de Pierre Barouh, un étrange cocktail impressionniste, où l’on retrouve Ryuichi, le magicien électronique du YMO, encore marqué par le raz-de-marée « Un homme et une femme » et David, qui planque son romantisme à la Byron, derrière ses yeux bleus. Le pollen, c’est le fruit des expériences, les échanges avec les autres. Celui de David Sylvian passe par Bryan Ferry parfois, la similitude des voix est assez vertigineuse. Mais n’a-t-on pas toujours reproché aux Japonais de copier ? Copier, adapter ou perfectionner, that’s the question ; avec ces trucs made in Japan, on ne sait jamais.

 

Publié dans le numéro 172 de BEST daté de novembre 1982BEST 172

 

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