FRÉDÉRIC LO « L’outrebleu »

Frederic Lo by Nicolas Despis
Six ans après son précédent, « Hallelujah ! », Frédéric Lo publie son 4ème album, sans doute le plus personnel, incontestablement le plus mélancolique mais surtout le plus émotionnel, transi par le deuil et la douleur de l’absence des êtres chers qui continuent pourtant a survoler nos vies à tire d’ailes angéliques. Intensément plus cruel que les bleus au cœur, il a inventé ce néologisme pour décrire toute la détresse de ce blues au-delà du blues, mais ne croyez pas pour autant que Lo ait sombré dans le dépressif chiant, bien au contraire, car si « L’outrebleu » ne dissimule rien de ses sombres desseins, c’est pour mieux nous éblouir de de l’aveuglante lueur de ses harmonies gorgées d’espoir.
Je ne vais pas à chaque fois vous refaire la bio de cet artiste multi-task auteur-compositeur-interprète-arrangeur-réalisateur, car Frédéric Lo est très largement documenté dans les colonnes de Gonzomusic en solo ( Voir sur Gonzomusic FRÉDÉRIC LO : L’ORFÈVRE SONIQUE et aussi FRÉDÉRIC LO « Hallelujah ! » ) ou avec ses partenaires soniques tels que Bill Pritchard ou Pete Doherty ( Voir sur Gonzomusic PRITCHARD & LO “Rendez Vous Streets”, DOHERTY & LO « The Fantasy Life of Poetry and Crime » , ARSÈNE DOHERTY CONTRE LE DR LO et aussi DOHERTY & LO À PLEYEL ), sans oublier bien entendu son extraordinaire complicité avec Daniel Darc ( Voir sur Gonzomusic DANIEL DARC L’ETOILE SOMBRE et aussi CŒUR SACRÉ « Hommage de Frédéric Lo à Daniel Darc »), mais il faut souligner combien cet artiste distille en fin de compte bien peu de compositions en plus de trois décennies, d’un exercice impeccable de ce pop rock so British amoureusement empreint de chanson française, qui constitue un peu la marque de fabrique Lo en dandy intemporel. Car c’est bien son sens si particulier d’une poésie captivante, née de l’alchimie des mots et des sons, qui parvient à nous faire avaler cette drôle de pilule. Avec la même recette tant d’autres simples usagers de la variété nous pondraient un cocktail de poncifs gueulards carrément chiant, lorsque Frédéric Lo sait si bien nous captiver à chacune de ses (trop) rares apparitions discographiques, quatre albums seulement en un peu moins de trente ans, on est loin de pouvoir le taxer de prolifique. Mais l’ariste illustre parfaitement le veil adage, et oui ce qui est rare nous est cher, à l’instar de cet « L’outrebleu » qui résonne comme un parfait écho à son tout premier disque de 1997 « La Marne bleu ».

Frederic Lo by Nicolas Despis
Dés l’acoustique oxygène « Penser à vous », qui ouvre le disque , Fred Lo exprime toute sa douleur d’avoir perdu tant d’êtres chers, comme sa maman, sa radieuse sister Brigitte que j’ai eu le privilège de connaitre, qui fut aussi la dernière compagne de l’ami Marc Zermati ( Voir sur Gonzomusic MARC ZERMATI MORT DU DERNIER DANDY DU ROCK ) ou encore Daniel Darc avec lequel il avait su tisser une amitié presque fusionnelle ; tous ces fantômes familiers se retrouvent dans cette belle chanson dont le texte si sensible aurait aisément pu être signé Gainsbourg, quelque part entre « Ces petits riens » et « La chanson de Prévert ». Contrairement à son titre « You Look Fresher Now » est pourtant vocalisé en français appuyé par une élégante voix féminine, celle de Gaëlle Kerrien et un featuring de son complice Pete Doherty. Pourtant, malgré ses faux airs guillerets, elle est dédiée à un autre pote arraché trop vite à notre planète bleue, Marc Antoine Moreau manager de Frédéric et ami sincère de la musique : « Mon ami, mon frère le 11 novembre je pense à toi » chante Lo sur un mode proche de Leonard Cohen. De même « Laisse-moi t’offrir » voix guitare acoustique me fait aussi songer à « Le partisan » du même poète rock Canadien. Puis on se laisse porter par le charme éthéré de « Une année particulière », cependant c’est bien la tendre balade « Chanter où dort la tendresse » qui évoque la ville de sa naissance et de son enfance sur un mode folky à la Neil Young des 70’s qui sait si bien nous séduire.

Frederic Lo by Nicolas Despis
Mais c’est bien l’étrange « Gradus Ad Parnassum » qui me donne la chair de poule et pas seulement pour mes nombreuses années de ( excécrable) latiniste, car depuis Manset voilà bien longtemps la culture rock hexagonale a fort peu on va dire embrassé ses racines latines. Mais ici dans ce bel éloge de la lenteur, ce titre à quelque chose de Christophien égaré du coté de « Les paradis perdus » mais aussi de Lou Reed égaré à « Berlin » et l’on succombe à tant de grâce. Et puisqu’on évoque la figure tutélaire de Gérard Manset, Lo me fait aussi songer à lui avec la climatique « Notre vie est voyage » ( en solitaire ?). mais il faut attendre la toute dernière chanson pour qu’il nous livre enfin la clef de cet album, avec ce titre en forme d’aveu « Mon amour des chansons tristes », comme une séquence finale d’un film tourné au ralenti avant que le slettres FIN n’occupent tout l’écran. En deux intermèdes instrus et dix chansons, Frédéric Lo réusit son pari, celui de nous faire voyager au pays de ses émotions, lorsque son «L’outrebleu » inspiré de l’«outrenoir » de Soulages se révèle tellement plus bleu que bleu.
Frédéric Lo sera en concert
au Café de la Danse le 10 juin 202