DE ROCK STAR À TUEUR : LE CAS CANTAT

Noir DésirDepuis le « come-back » sous son nom en 2018, je ne me faisais guère d’illusions sur les noirs désirs de Bertrand Cantat et je l’avais d’ailleurs écrit rédigeant un long papier à charge sur Gonzomusic, mais au vu du doc choc DE ROCK STAR À TUEUR : LE CAS CANTAT sur Netflix, je réalise combien nous tous  ( moi, le public, les médias) nous nous sommes laissés enfumer par la gueule d’ange du Bordelais et par les fables servies par son entourage pour le disculper… à tout prix, car tout a un prix et parce que bien trop souvent le profit passe avant tout. Et tant pis pour les dégâts humains, telle est la conclusion de ce doc si éloquent qui désintègre la théorie fumeuse de l’amour passionnel, pour une vérité bien plus glauque de violences mortelles faites aux femmes qui porte le nom de féminicide.

Bertrand CantatC’était en 2018, dans mon article DOCTEUR CANTAT MISTER HYDE (Voir sur Gonzomusic DOCTEUR CANTAT MISTER HYDE  )  que je vous conseille de lire absolument, je tirais déjà à boulets rouges sur le chanteur de Noir Désir, sans doute frustré entre le terrible décalage entre ses chansons, ses discours et la violente réalité de ses actes. Pourtant, malgré la mort  tragique de Marie Trintignant sous ses coups, puis le suicide de Kristina, sa première femme, certains pouvaient encore considérer qu’après tout il avait purgé sa peine et payé sa dette à la société, même si quatre petites années de détention effective semblaient dérisoires face à la perte d’une vie humaine. Et qu’il pouvait certes continuer à exercer son art mais en évitant de se mettre un peu trop dans la lumière, façon Strauss-Kahn. Mais ce printemps-là, lorsqu’il publie de nouveaux titres sous son nom et qu’il se lance dans une tournée sold-out, une ligne rouge est franchie. Déjà la dichotomie entre son discours politique, ses textes et ses combats militants, notamment pour les droits des femmes, paraissait bien insupportable. On parle du même Cantat qui vilipendait au micro des Victoires de la Musique la holding Vivendi de son label Universal-Barclay et son capitaliste de Boss Messier ! Celui qui, à nous journalistes, donnait des leçons sur notre objectivité et notre déontologie, en se posant en parangon de la vertu. Ce qui ne retire en rien des qualités intrinsèques du rock de Noir Désir, mais peut-on pour autant continuer à en écouter ?

Bertrand CantatFranchement, après avoir visionné le puissant doc DE ROCK STAR À TUEUR : LE CAS CANTAT réalisé par Anne-Sophie Jahn, Nicolas Lartigue, Zoé de Bussierre et Karine Dusfou, je n’en suis plus trop certain. En trois épisodes d’une bouleversante mini-série, non seulement les réalisateurs réfutent la jolie théorie du crime passionnel, pour exposer un modus operandi de tueur de femmes au pluriel, mais aussi hélas on peut imputer le suicide de Kristina Rady aux violences, au moins verbales avérées à son encontre par Bertrand Cantat qui s’était carrément réinstallé chez la jeune femme à sa sortie de prison, où il l’a sans doute harcelée, jusqu’à ce qu’elle ne le supporte plus et qu’elle mette fin à ses jours. Le message glaçant, qu’elle laisse sur le répondeur de ses parents, est hélas éloquent. Bien sûr, les témoignages de Pascal Nègre qui était PDG de Barclay / Universal à l’époque et de Dominique Revert, qui faisait tourner le groupe, sont non seulement aussi pathétiques que mercantiles, ils sont surtout sordides prouvant que pour eux, seule, la thune comptait. A l’opposé, on est ému par celui de Lio, la bonne copine de Marie, qui se serait coupée en quatre pour la sauver et qui n’a eu de cesse de dénoncer le crime et non pas le féminicide perpétré par Cantat, tout comme celui, si émouvant de Richard Kolinka, le père de l’un de ses enfants. Mais surtout, la force du doc, c’est de démontrer toute la machination qui aura permis au chanteur-cogneur de, non seulement pouvoir échapper à une lourde peine de prison, mais surtout de récidiver, provocant à nouveau la disparition d’une femme, Kristina Rady. Et le plus terriblement paradoxal, c’est que cette dernière aura été déterminante dans l’allégement de la sentence de Vilnius, et donc de l’élargissement précoce du condamné, jurant sous serment au tribunal que Bertrand n’avait jamais commis le moindre acte de violence à son égard, ce qui était manifestement faux et son mensonge causant du même coup sa propre perte, c’est tragique comme dans une comédie antique. Mais on ne peut s’empêcher de se demander : et si ? Si ses petites amies précédentes avaient parlé ? Si l’entourage, la famille, les amis avaient parlé ? Deux vies précieuses auraient été sauvées. Mais on ne peut pas refaire l’histoire, juste espérer que ce terrible et prévisible enchainement ne se reproduise plus.

Diffusé sur Netflix depuis le 27 mars 2025

Bertrand Cantat

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