19 4 2019
Dire que la page est déjà presque tournée sur 2019 ! Pourtant tous ces sons d’exception n’ont pas fini de vibrer dans nos cœurs. D’autant que parmi tous ces meilleurs albums de l’année écoulée, ce classement, de Rachid Taha à Leonard Cohen en passant par Prince, Juice WRLD, Gang Starr et JJ Cale honore des projets posthumes d’artistes qui nous sont particulièrement chers. Mais, fort heureusement, la musique ne connait pas que les rives du Styx et Keren Ann, PNL, Post Malone, Major Handy Lukas Nelson ou encore le Boss illuminent ce Top 19 pour nous guider vers 2020. From all at the Gonzomusic crew, we wish you a happy new year !
1 : RACHID TAHA « Je suis Africain »
Puisque tu t’adresses directement à nous, en nous disant « Je », alors frérot je vais faire un truc que je n’ai jamais fait auparavant : écrire une chronique d’album en m’adressant directement à toi, puisque tu es parti sans que je puisse te dire adieu. Moi aussi, grâce à toi, « Je suis Africain », cher Rachid Taha !
J’ai souvent raconté nos vieilles histoires ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/so-long-rachid-taha-mon-frere.html ) te revendiquant comme le frère que ma mère ne m’avait jamais donné. Nous avons aussi aimé partager tant et tant de musiques ( Voir également sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/rachid-taha-presente-ma-discotheque-de-meteques.html ) qui résonnent à jamais dans nos têtes. Dès ses premiers accords, « Ansit », chaleureuse et tendre, entêtante et si romantique, portée par l’ivresse des violons, la chanson d’ouverture de ton album vibre par sa puissance. Puis, avec « Aïta », on est en totale réminiscences de « Medina » la chanson-titre de ton CD de 2000. Ta voix est rauque, ta voix est rock…avec toi Rachid, c’est souvent la même chose lorsque ta punkitude rencontre l’ivresse orientale, comme le feu et la glace. Avec « Minouche », cette jolie love song décalée que tu as composée avec la complicité de Jean Fauque, en émotion cool et insouciante, tu nous rappelles que, sous le cuir du rocker, reste le sentimental invétéré.
Mais, c’est avec la chanson-titre de l’album, « Je suis Africain », que tu fais le plus fort, car c’est la plus puissante textuellement parlée. Sa petite guitare high life de rumba zaïroise percute le oud oriental, en jolie fusion aux textes puissants. « Wahdi nous transporte en plein héritage arabo-andalou, aux confins du fabuleux royaume de Grenade. « Insomnia » est comme une BO de Morricone, portée par la guimbarde et une trompette western-spaghetti, ta voix Rachid égrène ce texte mélange de français et d’arabe, en métissage jamais sage, pour une chanson fantasque, une douce ivresse qui fait battre les cœurs.
Chez toi, Rachid, il y a toujours un titre furieusement rock, version « Rock the Casbah », voici « Andy Waloo », la chanson la plus énergique de l’album où tu enchaines pèle mêle tant de héros qui t’ont inspiré de Khalil Gibran à…Andy Warhol, en passant par Lou Reed et Johnny Cash, pour une composition tornade qui nous emporte sans que jamais nos pieds ne puissent toucher terre. Bien sûr, tu t’en doutes, c’est ma favorite. Avec « Striptease », on plonge entre total blues et influence du génie Gainsbourg comme un « Opera de quatre sous » qui aurait décidé de prendre une cuite à l’alcool de figues…what a trip ! Sur la fun « Like a Dervish », tu dis avoir composé ta première chanson en anglais…enfin si on veut…et à nouveau, Rachid, tu joues et gagnes au jeu du rock-critic, version humour, en osant télescoper le « I Can See For Miles » des Who avec…Miles Davis, sans oublie de citer Elvis devisant doctement comme un Leonard Cohen. Enfin, tu nous fais un « Happy End » et, tout s’achève par une histoire d’amour, portée par des violons dramatiques. Ce qui la distingue de tant d’autres, c’est que je ne t’ai jamais entendu prononcer aussi souvent et en aussi peu de temps autant de fois « Je t’aime ». Quel incorrigible romantique tu fais ! Et tu sais quoi Rachid ? Nous aussi on t’aime…où que tu sois, tu es dans nos cœurs…à jamais !
2 : GRETA VAN FLEET “Anthem of the Peaceful Army”
Mieux vaut tard que jamais, pour découvrir ce qui est sans doute LE groupe de rock le plus excitant depuis l’invention des Black Keys, les Greta Van Fleet. Originaires d’un bled dans le Michigan, constitué de trois frangins, dont deux jumeaux et d’un pote, les GVF ont sorti leur brulot fin 2018 et c’est une imparable bombe à fragmentation, dont les furibards accents blues-rock évoquent irrésistiblement le mythique Led Zep de Page & Plant. Et je peux vous assurer qu’en l’occurrence, the song remains the same 😉
La la similitude entre la voix rageuse de Robert Plant et celle du (très) jeune Josh(ua) Kiszka est absolument incroyable- avec un je ne sais quoi également de Jon Anderson from Yes-. Ses feulements rock and roll, sa manière de placer sa voix évoquent irrésistiblement celle du chanteur de Led Zep. Quant aux riffs derrière, balancés par son jumeau Jake, leur extrême vigueur n’a rien à envier à celle de Jimmy Page.
3 : POST MALONE « Hollywood Bleeding »
Avec son troisième CD, le (très) jeune rapper Post Malone prouve à nouveau et avec son visage pâle que le pouvoir Hip-Hop n’a pas de couleur. Avec son flow aussi lumineux qu’électrochoqué, porté par ses 17 titres époustouflants, « Hollywood Bleeding » compte incontestablement parmi les temps forts de 2019.
Voici un an déjà, je n’avais de cesse de vous tanner avec Post Malone, à mon avis l’Eminem du 21éme siècle, avec son sens inné du marketing ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/post-malone-beerbongs-and-bentleys.html , https://gonzomusic.fr/des-crocs-en-or-pour-post-malone.html et aussi https://gonzomusic.fr/post-malone-en-poupee-pas-gonflable.html ), cette fois on peut dire qu’avec ce troisième épisode de ses aventures, le rapper de Syracuse, élevé au Texas, s’impose durablement dans notre paysage musical. Satellisé en tête des charts un peu partout sur la Planète, fort de son armada d’invités de Swae Lee à Ozzy Osbourne en passant par Halsey, « Hollywood Bleeding » n’a décidément pas fini de tourner sur nos platines virtuelles. Véritable blitzkrieg tubesque à la Drake, Post Malone y enchaine les hits comme un collier de fleurs sur une plage d’Hawaï. À seulement 24 ans, le phénomène Post Malone n’a pas fini de chambouler nos vies et, au rythme effréné où nous voyons disparaitre les uns après les autres les héros du rock, tout ce sang neuf se révèle sacrément rassurant.
4 : JJ CALE « Stay Around »
C’est comme retrouver un vieux pote, un chemin familier mille fois arpenté. Cette guitare si caractéristique, cette signature vocale inimitable, qui sonne si claire et si forte, malgré toute sa délicatesse exacerbée. Il nous a pourtant quittés, à 74 ans, ce funeste jour de juillet 2013, et pourtant, avec ce sublime « Stay Around » posthume, jamais JJ Cale n’aura semblé aussi vivant. Et à l’écoute de ses quinze compositions inédites, on ne peut que s’exclamer : welcome back JJ avec ce putain d’album !!!
Intemporel. C’est toute la force du style du légendaire guitariste de Tulsa, Oklahoma. Et ce 15éme album, sorti d’outre-tombe grâce à Christine Lakeland, alias madame Cale et à Mike Kappus, son fidèle manager historique, ne le démentira pas. 15 éme album et 15 chansons pour fêter son 80éme anniversaire, puisque le 5 décembre dernier, l’immense John Weldon Cale aurait soufflé ses 80 bougies. On aurait pu s’attendre ici aux fameux « fonds de tiroir », mais il n’en est rien. Car, de suite, on est conquis par la fraicheur et l’émotion que dégagent toutes ces compositions originales. Là où il est JJ Cale nous sourit à chaque instant à travers cet album ; disparu et pourtant il continue néanmoins de nous prodiguer toutes ses good vibes.
5 : PRINCE « Originals »
C’est peut-être facile, mais oh combien en adéquation avec la vérité. « Originals » constitue le meilleur album de Prince depuis « Piano and a Microphone »…soit le dernier publié avant celui-ci. Normal, cette incroyable collection de 15 maquettes de hits composés par notre Kid pour les autres, que l’on découvre ici avec sa propre voix, apporte un éclairage chair de poule sur l’art si subtil d’être Prince.
De « Sex Shooter » à « Nothing Compares to You” la découverte de cet “Originals » est un sacré électrochoc. Issus pour l’écrasante majorité des radieuses années 80, ces sublimes demos dorées à l’or fin sont portées par la voix du Kid. Et c’est sidérant. Même un aficionado un peu averti comme moi découvre trente ans plus tard que le nain pourpre m’a roulé dans la farine. Pourtant j’avais l’habitude de griller ses multiples pseudos comme Joe Coco ou Jamie Starr. Mais en écoutant toutes ces version originale, alors là je suis carrément estomaqué. On y découvre, entre autres perles, la version originale maquettée par Prince du somptueux « Nothing Compares To You », sidérante d’émotion, larme versée, car c’est précisément dans ces moments que l’on se souvient soudain que le Kid ne sera plus jamais parmi nous. Rien ne se compare à toi…rarement un titre n’aura semblé coller aussi justement.
6 : PNL « Deux frères »
Textes coups de poing, langage cru, dérangeant, direct. Trop ? On ne le sera jamais trop. Et PNL l’a bien compris, avec son 3éme album-choc. « Deux frères », en référence directe au puissant lien familial qui lie Ademo à N.O.S…en tout, 18 titres scandés de manière furieusement éthérée, comme un film en ralenti, comme un Radiohead francophone version rap, fidèle à la formule qui fait leur incroyable et mérité succès depuis 2015. Éloge de la lenteur hip-hopesque !
Et si PNL était ce qui était arrivé de mieux au rap hexagonal depuis les pères fondateurs Solaar, IAM et NTM ? Certes, le vieux con que je suis ne calcule pas toutes les paroles, mais malgré toute mon expertise en anglais, je ne pige pas non plus toujours à 100% les textes des rappers US que j’écoute en boucle. Et, yes…PNL c’est un peu toujours la même chanson, une fois qu’on en a entendu une, on les toutes écoutées. Mais ne peut-on pas en dire autant de 2Pac ou de Jay Z…ou aussi des Rolling Stones, par exemple ? C’est justement tout ce qui forge une signature musicale forte, qui tient la route sur la distance, ce que les brothers ont largement prouvé avec leur style perso, comme avec leurs clips aussi novateurs qu’aventureux. Certes, il est bien souvent question de dope dans leurs compositions, souvent traduit avec leurs mots, entre pure rage maitrisée et esperanto, où se télescopent français, anglais, arabe, argot, verlan et PNLien, à l’instar de ce « Au DD » qui ouvre l’album, joyeux acronyme de « au détail », référence directe au commerce de la weed et du teu. Mais, vu le parcours familial, et leur expérience personnelle passée par le deal et la « case prison »… et pas comme au Monopoly, il n’est guère surprenant que les rimes assassines de PNL ne manquent pas d’aborder l’industrie principale qui fait tourner les cités de France et de Navarre. La force de PNL, c’est aussi de délivrer ses missiles lexicaux avec la plus grande délicatesse, le fameux poing d’acier dans son gant de velours. Ademo et N.O.S racontent parfois des choses terribles, mais elles sont énoncées dans la coolitude musicale de leur identité. Un peu à la manière de Clint eastwood dans « Dirty Harry » : it’s a hard job, but someone’s got to do it ( c’est un sale boulot, mais il faut bien que quelqu’un s’y colle). Ces « Deux frères » sont loin, très loin d’être des faux-frères. Respect.
7 : LUKAS NELSON & PROMISE OF THE REAL “Turn Off the News Build A Garden”
À 30 ans Lukas Nelson ne se contente pas de ressembler étrangement à Tom Petty, avec son groupe, il a aussi accompagné Neil Young sur quatre albums et à travers la planète pour tant et tant de concerts mémorables, dont celui de Bercy en juin 2016. De plus, il a co-composé et supervisé toutes les chansons du film multi-oscarisé « A Star Is Born » avec Lady Gaga et Bradley Cooper. Élève surdoué de l’American dream, le fils de Willie Nelson publie aujourd’hui “Turn Off the News Build A Garden” le 4e album de Promise Of the Real, sans doute la meilleure surprise venue depuis longtemps de la Cote Ouest.
Car au-delà de son titre kripto-hippie de “Turn Off the News Build A Garden” (Éteint les infos, cultive ton jardin), ce disque est aussi lumineux que divers, aussi chaleureux que cool et se révèle incroyablement addictif à l’écoute pour s’imposer comme un des incontournables de cet été 2019. Au-delà de ses glorieuses et familiales racines country, Lukas Nelson aime de nombreuses musiques dont les références viennent si largement enrichir la fraicheur de son style ? Ce Promise of the Real tient toutes ses promesses et bien au-delà pour signer ce qui constitue sans doute une des plus fines galettes de cet été à classer dans la même ligue que le « Help Us Stranger » des Raconteurs…du très lourd !
8 : BRUCE SPRINGSTEEN « Western Stars »
Certes, « Western Stars », le DIX NEUVIÈME album studio de Bruce Springsteen est sorti depuis déjà deux mois, mais comme il n’est jamais trop tard pour les braves, voici ENFIN son compte-rendu et, comme on pouvait s’en douter, il est absolument élogieux. Avec cet album aussi intimiste que cool, sans doute inspiré par sa résidence au Walter Kerr Theater de Broadway, on retrouve un Boss au plus haut de sa forme qui signe un de ses meilleurs disques.
Et tout commence, justement, comme au Walter Kerr : le Boss seul avec sa guitare, irrésistible baladin moderne dans un univers totalement dépouillé où la voix et les textes se retrouvent forcément au premier rang sous les feux de la rampe. Dès les premières mesures, on est alpagué par son « Hitch Hikin’ » aussi intemporel que nostalgique. Suit « The Wayfarer » (le voyageur) où les violons pulsés et les cuivres s’unissent à la voix de Bruce-le-vagabond soudain téléporté avec élégance dans la nostalgie de Glen Campbell. Vous l’aurez compris, « Western Stars » est un voyage dans le temps qui nous ramène droit à l’utopie des 70’s, loin, si loin de l’Amérique sclérosée de Trump. Et, au fur et à mesure où il se dévoile, cet album est une pure bouffée d’oxygène. « Western Stars » sous sa pochette ornée d’un indomptable bronco qui rappelle les albums du Quicksilver Messenger Service se révèle d’une exceptionnelle qualité, se classant incontestablement parmi les 5 meilleurs albums de notre juvénile petit gars du New Jersey, malgré ses 69 printemps…
9 : STEPHAN EICHER « »
C’est un album aussi sage que discret, un album aussi enchanteur que crève-cœur et c’est comme si toute la beauté de l’hiver nous faisait soudain signe. Je ne saurai dire pourquoi la musique de Stephan Eicher fait si souvent tomber des flocons de neige imaginaires dans nos têtes. « Homeless Songs » c’est comme chausser à nouveau ses skis et se sentir enfin libre… à nouveau.
Album noir. Photo noir et blanc vue à travers une fenêtre sur laquelle coule la pluie. Ambiance automne-hiver, si l’ami Stephan Eicher était un styliste sa collection de mode serait à l’image…de cette image : sage, mélancolique, empreinte de gravité, de nostalgie, mais aussi de tendresse et d’espoir. Une délicatesse rock presque Dylanesque nous envahit, tant ces 14 chansons sont un pari gagné sur la profondeur des sentiments. Par contre, cher Stephan, « Homeless Songs » porte bien mal son titre : la preuve, ces chansons ne seront plus jamais SDF puisque nous les avons adoptées…à jamais !
10 : GANG STARR “One Of the Best Yet”
Cela faisait VINGT ans qu’on attendait sans y croire ce « moment of truth ». NEUF années après la mort de son MC, tel le phénix qui renait de ses cendres Gang Starr publie cet hallucinant album porté non seulement part la voix de Guru d’outre-tombe, mais un solide bataillon de guests dont J Cole, Q-Tip, Talib Kweli ou Ne-Yo et en un mot comme en quatre… « One Of the Best » porte admirablement son titre !
Quel trip ! En seulement 37 minutes aussi funkys qu’electrochoquées, Gang Starr porté par la toute-puissance de son rap à l’ancienne sait sans doute mieux nous toucher que tant de nos contemporains. Surtout avec des performances inédites de Guru qui servent de base à cet étonnant album. En conclusion, on peut dire sans crainte que ce Gang Starr se révèle tellement qualitatif que tout ce qui lui manque c’est juste Ringo… Starr, convié en guest starr…du gang 😛
11 : MAJOR HANDY « Zydeco Soul »
Avec son français créole et sa radieuse énergie, avec son talent et toute son expérience, Major Handy a su créer sa propre recette du zydeco, ce rythme aussi chantant qu’irrésistible né dans les bayous de Louisiane, comme il sait cuisiner son gumbo d’exception : en y mêlant toutes sortes de saveurs. On retrouve ainsi dans sa musique ses racines cajun, mais aussi le blues, la soul, le folk et le rock. Sans oublier la country, bien entendu. Rencontre avec un officier et un gentleman, Major Handy pour la sortie de son album « Zydeco Soul ».
Dire que Joseph Major Handy a beaucoup bourlingué depuis sa naissance serait un euphémisme. A 72 ans, même s’il en parait 15 de moins, le chanteur-guitariste- accordéoniste a si souvent quitté sa Louisiane natale pour arpenter les scènes de la planète, où il a toujours su, avec son feeling illimité, « laisser le bon temps rouler » de sa musique zydeco. Du Canada à la Suisse en passant par les Caraïbes comme aux quatre coins des USA, au fil de ses groupes successifs ou aux côtés du fameux accordéoniste Buckweat Zydeco, ses tournées ne lui ont jamais laissé le temps de respirer le parfum des fleurs. De retour dans son village natal, aux cotés de sa charmante épouse Frances Ayres, qui joue du washboard, du « frottoir » comme on dit dans le créole local, il a enfin pris le temps de sélectionner ses propres compositions favorites, comme les quelques reprises qu’il avait envie d’adapter en vue d’enregistrer un nouvel album si attachant qu’il a su nous accompagner de ses good vibes tout au long de cette année écoulée.
12 : JUICE WRLD “Death Race For Love”
Mieux vaut tard que jamais, publié en mars dernier, j’avais carrément raté la sortie du fulgurant second CD du rapper de Chicago. Hélas, avec le décès soudain de Juice WRLD dimanche dernier par OD à 21 ans, cette ultime et brillante galette de blackitude agitée prend hélas une toute autre dimension puisqu’on y retrouve tous les indices qui annoncent l’issue tragique. RIP Jarad Anthony Higgins, “Death Race For Love” sera ton testament.
Sous sa pochette en forme de jaquette de jeu vidéo inspiré de « Twisted Metal » sur Playstation, “Death Race For Love” sera donc la conclusion rapologique d’un jeune homme surdoué qui aura brulé la vie par les deux bouts de la chandelle, 22 chansons qui prouvent de la manière la plus cinglante que le kid derrière le succès de son « Lucid Dreams » publié l’an passé s’inscrivait dans la lignée des nouveaux héros du rap derrière les locomotives Kendrick Lamar, Kodak Black, Anderson. Paak, Post Malone, le regretté XXXTemptation ou son collègue Lil Tecca. Juice WRLD n’a pas cessé, tout au long du disque, de semer des indices, de tirer des signaux d’alarme, de lancer ses appels au secours, mais ni nous, ni ses parents, ni ses managers, ni son label, ni ses fans ne les ont entendus et il est parti, à jamais. Puisse ce gâchis nous éclairer pour qu’il ne se reproduise plus pour qu’on oublie les quatre chevaliers de l’Apocalypse Fentanyl, Vicodin, OxyContin et Percocet ! Tristement cette « course à la mort pour l’amour » portait trop bien son titre. Salut gamin !
13 : LEONARD COHEN “Thanks For the Dance”
Voyage au-delà de la nuit, intime comme s’il nous chuchotait à l’oreille, mon vieux poète juif est revenu tout droit de Pitchipoï pour nous halluciner à nouveau de ses mots si précieux et de cette voix d’outre-tombe qu’il avait déjà de son vivant. “Thanks For the Dance”, la dernière danse de Leonard Cohen a fait tourner nos têtes et nos cœurs. Et tant pis pour les larmes qu’elle nous fait verser ?
C’est grâce à son fils, le musicien Adam Cohen, qui accompagnait déjà son ultime album « You Want It Darker » ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/leonard-cohen-you-want-it-darker.html ) que surgissent ces 9 incroyables chansons issues des mêmes sessions. Cependant, à des années-lumière des fonds de tiroirs souvent hélas exhumés après la mort de l’artiste, “Thanks For the Dance” comme son nom l’indique, est une dernière danse imaginaire portée, hantée devrais-je dire, par ce timbre si caractéristique qui nous a accompagnés, sans jamais nous quitter, depuis l’adolescence. Certes, Leonard n’aura jamais connu de son vivant ces compositions finalisées, mais il nous aura tout donné, jusqu’à son dernier souffle, envers et contre la maladie qui le traquait. Alors forcément ces derniers mots nous sont peut-être encore plus précieux. Au-delà du rêve et de poésie, il y évoque les deux éléments les plus essentiels à son art : l’amour et sa judaïté.
14 : LANA DEL REY “Norman Fucking Rockwell”
Comme le bain moussant Obao de notre enfance qui transformait nos baignoires en exotiques et cools lagons bleus, “Norman Fucking Rockwell”, le sixième album studio de Lana Del Rey est, semble-t-il, un pari gagné sur l’émotion et la volupté… même si les fans des Ramones et de Metallica n’y trouveront certainement pas leur compte, c’est sans doute le meilleur album de Lana à ce jour.
Vous aimez le piano ? Cela tombe bien, Lana aussi et elle l’assume. Pleinement. Omniprésent d’un bout à l’autre de ces 14 nouvelles compositions, le piano résonne comme un inlassable duo entre la voix acidulée de notre poupée Barbie favorite et son instrument de prédilection. Huit ans après son entêtant « Video Games », Elizabeth Woolridge Grant, sept années après son fulgurant premier CD « Born To Die », avec son titre provoc – aux USA dans les médias on ne dit et l’on n’écrit jamais le mot « fucking » – signe à 34 ans ce qui ressemble fort à l’album de la maturité. Au-delà de ses lèvres si sensuellement siliconées de baby doll, elle prouve qu’elle peut être aussi une grande auteure-compositrice, même si j’avoue que le style éthéré de ses compositions puisse énerver certaines oreilles fanatiques d’un binaire aussi primaire qu’intégral. Car sur l’autoroute sonique, notre Lana ne risque décidément pas l’excès de vitesse en BPM car pas une seule chanson ne s’approche de près ou de loin à ce qui pourrait ressembler à du speed. Elle est comme ça, Lana, elle n’aime pas se presser et elle le prouve à nouveau avec son “Norman Fucking Rockwell” où l’on se dit, en conclusion, qu’elle est quand même vachement bien sa chanson…même si c’est toujours un peu la même d’un bout à l’autre de ce CD si California cool, comme un crépuscule de « Burning Man » 😉
15 : KEREN ANN « Bleue »
Pour le 8éme épisode de ses aventures Keren Ann Zeideln revient enfin à la langue française, une première depuis son « Nolita » de 2004 et un retour vers le futur fulgurant de son tout premier « La biographie de Luka Philipsen ». Intitulé « Bleue » ce nouvel album unanimement plébiscité par la critique porte divinement son titre, entre la radieuse utopie de « La terre est bleue comme une orange » et tout le pouvoir d’un pur blues acoustique cool d’une auteur-compositrice d’exception.
Cependant, vu le thème des chansons, cela serait plutôt « La terre est bleue comme l’océan » car sept chansons sur les dix que compte le disque ont un rapport intrinsèque avec l’eau. Et c’est sans doute ce qui rend cet album à la fois aussi cool, mais aussi bluesy, comme ces rivières que l’on peut parfois pleurer. Bon, sur ce coup-là j’avoue mon absence totale d’objectivité, cultivant une passion pour Keren Ann depuis que j’ai réalisé le petit doc qui accompagnait la sortie de « La biographie de Luka Philipsen » voici …19 ans. Et durant ces deux dernières décennies plus tard, sa musique n’a jamais cessé de me traverser toujours le cœur. (Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/keren-ann-youre-gonna-get-love.html). Et cet album-ci ne fait pas exception. Certes, il est bien plus climatique que rock and roll, mais même le Velvet Underground savait aussi parfois s’arrêter pour respirer le parfum des fleurs n’est-ce pas ?
16 : THE RACONTEURS « Help Us Stranger »
On ne va pas se la raconter… ce 3é épisode des fulgurantes aventures de mister Jack White et de ses tonitruants spadassins est une intense bombe à fragmentations rock and rollienne. 11 compositions inédites et une reprise de l’irrésistible « Hey Gyp » de Donovan, après plus de dix ans d’attente, on ne peut pas dire que l’ex-White Stripes nous submerge de ses œuvres.
Tels des « rockbusters » the Raconteurs avec cet « Help Us Stranger » assument pleinement leur mission accomplie de sauver le rock avec ce volcanique nouvel album. Porté par le puissant « Help Me Stranger » et sa collec de pures gâteries soniques, ce the Raconteurs n’a pas fini de s’inscrire durablement dans notre paysage musical. Voilà donc avec « Help Us Stranger », ce qui constitue un album majeur, qu’on rêve de découvrir au plus vite sur une scène. Merci Jack, Brendan, Patrick et Jack: toutes ces longues années d’attente n’auront pas été vaines.
17 : SANTANA « Africa Speaks »
C’est son VINGT CINQUIÈME album en CINQUANTE ANS d’une incroyable carrière et pourtant Carlos Santana, l’un de mes CINQ guitaristes favoris au monde continue inlassablement de nous surprendre, nous prenant par la main pour nous offrir le voyage extraordinaire d’une fusion inédite entre son fameux style latin et l’Afro Beat inventé par Fela. « Africa Speaks » est un sublime hommage, une déclaration d’amour à mother Africa….
Je n’ai pas vraiment le souvenir d’avoir jamais entendu une chanteuse assurer tous les lead vocals d’un album de Santana. Mais une fois n’est pas coutume et dans ce projet d’intense fusion latine-africaine, Carlos Santa a confié le rôle crucial des vocaux de ces 11 titres, la plupart en espagnol, à la chanteuse Buika. Cette dernière, bien que née à Palma de Majorque, est originaire, par ses parents, de Guinée Équatorienne. Et sa voix puissante fait souffler le vent sur ces braises musicales incandescentes, un incroyable feeling métissé comme un pont imaginaire jeté entre l’Afrique de l’Ouest et l’Amérique du Sud. Mission accomplie pour ce 25éme épisode des aventures de Super-Carlos !
18 : DRAKE Care Package
Hélas, ce n’est pas un nouveau et 6éme opus de Drake, mais une compilation de titres rares, bonus et autres compositions promos publiés entre 2010 et 2016. Néanmoins, cela reste du Drake et à ce titre d’un niveau tel que bien des agitateurs hip hoppeurs devraient en prendre de la graine. D’ailleurs, comme son nom l’indique ce « Care Package » (trousse de soins) pourrait en cette fin d’été réparer les bleus au cœur de cette année.
Ce nouvel album qui n’en est pas un est plus une collec’ de jolis titres inédits égrénés par le fameux agitateur sonique de Toronto entre ses 24 ans et ses 30 ans. Déclinées de manière spatio-temporelle voici les 17 chansons de ce « Care Package » forcément…salvateur !
19 : FRÉDÉRIC LO « Hallelujah ! »
Frédéric Lo est ENFIN de retour avec le 3éme album de sa vie, publié 18 longues années après le précédent. Inutile de le taxer de « procrastineur » invétéré, car durant ces deux décennies, il n’a pas chômé, bien au contraire. Mais le réalisateur de Darc ou encore d’Eicher s’est enfin décidé à ôter sa casquette de producteur pour se consacrer à lui-même. Et il a eu bien raison, tant cet « Hallelujah ! » semble aussi abouti que miraculeux, avec un Lo au plus haut.
Une voix grave, puissante, posée. Une voix qui déborde d’émotions, comme un crooner à la Française. Sinatra ? Sans doute, mais aussi et surtout ceux avec lesquels il a collaboré et au premier chef l’ami Daniel Darc. Et aussi à Alain Chamfort. On pense aussi à Bashung, même s’ils n’ont jamais collaboré. Bref, Lo est en position « high ». Et en se laissant porter par sa voix, on songe également à Stephan Eicher. Cela tombe bien, car non seulement Frédéric a produit sa musique, mais surtout il compte parmi les quatre invités de marque de cet album, avec cet irrésistible duo au titre à la Bunuel, « Cet obscur objet du désir », sans doute une de mes favorites de cet album lumineuxAvec une telle collection, et son titre en guise d’hommage appuyé au maitre Leonard Cohen, Frédéric Lo entre de plein pied dans la cour des (très) grands, pour s’inscrire durablement dans notre horizon musical hexagonal. Comme le dit le fameux proverbe, il faut se méfier de Lo qui dort …car lorsqu’il se réveille… 😉