SANANDA MAITREYA’S PEGASUS PROJECT : « Pegasus & the Swan »
C’est un sacré morceau que ce nouvel album de Sananda Maitreya, que j’ai bien connu jadis sous son alias de Terence Trent d’Arby. D’abord par son ampleur, puisqu’il s’agit d’un double CD, composé de 41 pistes pour une durée record de 135 minutes et 33 secondes, mais surtout par son ambitieux concept narration qui mêle à la fois opéra baroque et rock sophistiqué, soul enflammée et jazz halluciné, pour constituer une véritable œuvre d’art, dont nous reparlerons bientôt au cours d’un entretien prochain et passionnant avec l’artiste.
Cinq albums sous son premier alias de Terence Trent d’Arby, que j’ai bien connu, puisque j’étais le tout premier journaliste à lui tendre mon micro pour sa première visite à Paris, dans la foulée de son désormais fameux « Introducing The Hardline According To Terence Trent d’Arby » ( Voir sur Gonzomusic LA LEGENDE DU ZARBI D’ARBY ). De sa légendaire couve de BEST en christ black crucifié, au texte même qu’il avait pu écrire et publier dans le même BEST ( Voir sur Gonzomusic TERENCE TRENT D’ARBY STAR MÉTÉORE et aussi QUAND TERENCE TRENT D’ARBY ECRIVAIT DANS BEST ), TTDA semblait devoir s’imposer durablement dans notre paysage musical, hélas, comme Prince, lequel à force de conflits avec son label Warner avait fini par renoncer à son propre patronyme, lassé de devoir se battre inlassablement pour pouvoir librement s’exprimer dans sa musique, TTDA a fini par péter les plombs, au point même de le surnommer Terence Trent Zarbi. Mais notre ami zarbi va finalement connaitre sa Rédemption et renaitre sous son nouvel alias de Sananda Maitreya. Dix albums plus tard, tout de même, désormais basé à Milan en Italie, celui que nous appellerons simplement San, a manifestement trouvé sa voie. Et cet album vibrant le prouve de manière cinglante, preuve qu’il mérite largement notre attention. Riche de ses QUARANTE ET UNE pistes, l’album est un vaste périple dans l’imagination du vocaliste-auteur-compositeur-interprète-producteur. Et s’il n’est pas question de vous décrire une à une toutes ces chansons, il faut néanmoins s’attarder sur quelques remarquables compositions dont celle qui ouvre l’album, un blues-soul-rock rugueux « The Birthday Song » qui sonne comme Tina Turner vocalisant « The Acid Queen » dans « Tommy » ! Mais c’est bien l’incantatoire « Mr Magoo », un titre carrément hippie porté par des chœurs de beatniks et propulsé par une cithare exotique façon Harrison hommage au fameux cartoon des 60’s. Mais il faut attendre le surprenante « Pretty Baby » et ses superbes cordes, magnifique écrin pour la voix haute de San pour un son si classique qu’il pourrait être chanté à l’Opéra Garnier. Autre incontestable accomplissement avec la superbe et mélodique « Ben Downs » dont les magnifiques envolées soul rappellent à la fois Michael Jackson et un certain San. Surprenante, la quasi Sha Na Na « Life Will Go On » nostalgique des 60’s et du rock and roll façon « American Graffiti ». Quant à la chanson-titre « Pegasus & the Swan », elle se révèle à la fois acoustique, cool et délicate nous embarquant entre le « When 2 R In Love » de Prince et son propre « Sign Your Name ».
Jamais à court de surprises avec l’ami San, lorsqu’il nous entraine sur un pur reggae porté par les cuivres, surprenant comme un inédit de Steel Pulse ou de Dennis Brown, preuve si l’on pouvait encore en douter du pouvoir de caméléon de l’artiste. Retour au San plus traditionnel avec le jolie balade « Camden Town », dont les super vocaux évoquent carrément son propre « Delicate » de 1993. No limit aux challenge, tel pourrait être sa devise, y compris en chantant quasi a-capella avec « Waiting For the Light to Change » absolument bluffant et couillu avec une voix qui me rappelle ostensiblement celle de Sam Cooke… il y a pire non ? Quant à « Let’s Come Together », qui clôt la première rondelle, on touche carrément au Marvin gaye des 70’s avec une soul qui évoque celle de « Trouble Man » de 72. D’ailleurs dès le deuxième titre du second CD, San renoue avec cette soul 70’s qui irrigue une bonne partie de ce projet, avec l’électro groovy 70’s « Love Is Blind », aux accents de Sly & the Family Stone, et sans doute la plus belle composition de tout le projet, puissante comme un hit instantané, elle vous illumine le cerveau de l’intérieur et c’est bien là le privilège des grandes chansons. Quant à la suivante « Walk On » elle ne perd pas non plus le sens du groove avec ses chœurs à la « What’s Going On » et sa puissance entre les Stones et Isaac Hayes. J’ignore si « I Have A Dream » est une référence directe à MLK, mais elle nous surprend par l’irruption soudaine de guitares rock à la Queen ou Guns N’ Roses. Incroyable glissement vers la comédie musicale classique avec « Hiawatha », splendidement interprétée par la chanteuse Luisa Corna, qui défie l’attraction terrestre sur des envolées de violons. Autre coup de foudre musical avec « Her Kiss ( Vesper Swann Remix) », aux sublimes vocaux de San dans l’environnement somptueux du Budapest National Orchestra, oscillant encore entre opéra et comédie musicale classique, un petit bijou. De même, « She’s Sad », avec sa mélodie à la Cat Stevens, est un étrange cocktail entre la naïveté des Modern Lovers et le lyrisme d’une pure œuvre classique, un cocktail aussi mutant qu’entêtant ! Enfin, dernier morceau remarquable avec le piano classique, carrément une sonate, au titre de « Paradise Postponed ». Vous l’aurez compris, ce « Pegasus & the Swan » est vaste comme un continent sonique, dont nous n’avons décidément pas fini d’explorer toute la richesse. Quant aux clefs de ce bel album, c’est Sananda Maitreya lui-même qui nous le livrera, au cours d’une longue interview à paraitre très vite sur votre Gonzomusic.