BASHUNG PIZZA AMÈRE Épisode 1
Voici 41 ans, en couve de BEST, GBD se lançait dans ce qui deviendrait l’un de ses papiers les plus critiques, une vaste enquête sur le « système Bashung » qui avait permis à un artiste aussi doué que torturé, qui végétait depuis trop longtemps, de passer enfin de l’ombre à la lumière porté par le phénomène « Gaby », doublé du colossal « Pizza »… avant de sciemment désintégrer tout ce qui avait permis cette réussite, pour repartir à nouveau sur une toute autre histoire. « Tout changer pour que rien ne change », la fameuse réplique du « Guépard » de Visconti revue par Alain Bashung… et à l’heure où ses premiers singles- dont il refusait même de parler au point même de parfois nier leur existence- se voient réédités le 8 septembre prochain… flashback !
Comment se fritter à jamais avec Alain Bashung en une leçon : par GBD. J’aurais pu écrire un traité sur la question. Pourtant en offrant sa première couverture de la presse rock à Alain Bashung, j’avais la sensation d’un aboutissement avec mon tout premier papier (Voir sur Gonzomusic MA PREMIERE INTERVIEW AVEC BASHUNG ), son premier portrait de fond dans la presse rock au printemps 1981 pour le numéro 165 de BEST. Huit mois plus tard, Alain avait non seulement décroché le Prix du rock Français, le Bus d’Acier de 1981, mais son 45 tours « Gaby » était repris en chœur par la France entière, des cours de récré aux cuisines des ménagères en passant par les chambres d’ados et son 3éme LP pulvérisait bien des records. Bref, comme dans sa chanson « Rebel », il était numéro un et c’est du haut de son sommet que tel le Parrain dans un Coppola, il éliminait un à un ses lieutenants les plus fidèles, ceux qui l’ont justement aidé à façonner ce « son « Bashung, pour faire table rase du présent. « Faut se préserver si on veut durer/ rester numéro un… » chantait-il sur sa chanson « Rebel » et même si c’étaient les mots de Boris Bergman, la symbiose entre les deux était telle alors qu’Alain aurait très bien avoir pu les écrire lui-même tant ils lui collent à la peau. Un an auparavant, lorsque je l’avais rencontré, Alain Bashung avait le cul entre deux chaises, errant telle une âme perdue dans no man’s land artistique, un catch 22 comme disent les Américains où il était bien trop rock pour la variété … et beaucoup trop variette pour le rock. Heureusement quelques entêtés, comme Jean Bernard Hébey ou votre serviteur étaient alors bien déterminés à exploser ce plafond de verre. Et c’est l’incroyable alignement des planètes, raconté dans ce vieil article, qui permet d’appréhender le phénomène inédit qu’incarnait Bashung. Dans ce très long papier je donnais la parole à tous ses ex-collaborateurs et à Alain lui-même bien sûr. Mais Alain ne me pardonnera jamais ce qu’il considérait comme une trahison de ma part et ne m’a plus jamais adressé la parole… même s’il s’est pourtant rabiboché avec Boris Bergman bien des années après. Cela ne m’a pas empêché de continuer à documenter sa musique (Voir sur Gonzomusic BASHUNG « Live 81 » , ALAIN BASHUNG “Pizza” , ALAIN BASHUNG : « Live Tour 85 » et aussi BASHUNG « Novice » ) et de continuer à apprécier son œuvre. A l’heure où Universal s’apprête à publier un double album intitulé « De Baschung à Bashung : 1966-1975 » qui regroupe ses nombreux singles de jeunesse et 14 années après sa triste disparition, relire ce PIZZA SPLIT me fait un drôle d’effet.
Épisode 1 : De Boris Bergman au fiscaliste Maitre Michel Griner, en passant par Claude Alvarez Pereyre, le réalisateur-arrangeur de « Roulette Russe » et de « Gaby », Ken Burgess, le réalisateur de « Pizza », Michèle Dalle, la PR entêtée, et Jean-Bernard Hébey le révélateur radiophonique…
Publié dans le numéro 165 de BEST sous le titre :
PIZZA SPLIT
« Quand tu montes une échelle et que tu te retrouves tout en haut, t’as pas 36 solutions : soit tu redescends, soit tu te construis une autre échelle » dit Alain Bashung qui s’auto-défie et se sépare brusquement de ceux qui l’accompagnèrent jusqu’au numéro 1. Enquête sur la renaissance d’un rocker, par Gérard BAR-DAVID. » Christian LEBRUN
Sur le vieux flipper des sixties, la boule d’acier a trouvé le couloir qui mène droit à l’extraballe. Elle redescend ; Alain parvient à la coincer avec son flip gauche et l’envoie renverser la dernière cible. Mais la boule dérape et se défile à droite : le compteur sonne la fin de la partie. Cette fois-là. Alain n’a pas marqué. L’an passé, c’était différent. Les parties gratuites se sont succédées au compteur, comme si le flip avait soudain oublié de tilter. A force de gagner, Alain Bashung s’est retrouvé comme la balle de son Bally Pinball Wizard Tommy coincé derrière la vitre et son succès, je crois bien qu’il a fini par disjoncter. Après le tournage du « Cimetière des voitures » d’Arrabal, il a enchaîné sur un second long métrage, « Nestor Burma », tiré d’un bouquin de Léo Mallet, Ensuite, c’est le trou noir, Bashung s’en va prendre l’air et recharger ses batteries. À son retour, il annonce qu’il se sépare de son management et de son parolier alter-ego, Boris Bergman. Un nouveau Bashung ? En tout cas, un Bashung à la recherche de lui-même, qui a accepté tous les risques d’un challenge délibérément provoqué. Sur ma platine, « Pizza » a su s’accrocher au centreur. A force de m’allonger sur ses plages, en un an, j’ai eu tout le temps de le déguster. Quand tu bouffes le même dessert pendant douze mois, tu finis par avoir envie d’aller fourrer ton nez à la cuisine, pour voir comment ça se passe. Pour analyser les secrets de fabrication de « Pizza », je n’avais guère de choix : il fallait que je mette la main sur tous les gens qui, d’une manière ou d’une autre, avaient mis la main à la pâte.
FRIGO
J’ai localisé Boris Bergman sur un plateau de télé. Depuis qu’il a tourné avec Arrabal et sur le Burma, Boris a pris goût aux deux dimensions de l’écran. C’est un drôle de personnage, un chassé-croisé de cultures, une sorte de Woody Allen parigot. Avec lui, les mots ne s’arrêtent pas de jouer jusqu’à ce qu’ils ricochent jusqu’au deuxième ou troisième degré. Bergman a le langage de ses textes, il cause aussi avec les mains. Sa rencontre avec Bashung date du jour où il a débarqué dans l’appart de la butte Montmartre, branché par une copine. Un flash plus tard, ils se décident à bosser ensemble. A l’époque, Alain travaillait aussi avec un autre auteur, Daniel Tardieu. Pourtant, il décide de s’installer chez Bergman pour préparer un album. « Roman Photos », lorsqu’il sort, apparaît comme un disque de définition. Dès le premier volet de ses aventures, le Bashung offre déjà l’image d’un rockeur plein de promesses. Pourtant. Barclay ne devait pas suffisamment croire aux chances de succès d’Alain. L’année qui suit sera la période « frigo » où la maison de disques passe son temps à annuler les séances d’enregistrement. Alain se casse. Phonogram lui signe enfin un contrat ; 40 % des chansons du futur deuxième album sont mis au rebut, qu’à cela ne tienne, ils en écriront d’autres. C’est ainsi que « Milliards de nuits dans le frigo » sera dédiée aux neuf mois d’attente chez Barclay. L’album « Roulette Russe » est enregistré en province dans un petit studio 16 pistes. Le dernier jour de séance, Alain réalise qu’il manque une chanson. Avec un départ de deux lignes signées Tardieu, Boris improvise un texte sur lequel Alain plaque trois accords. Claude, l’autre guitariste, en trouve trois de plus : c’est ainsi qu’est née « Bijou Bijou ».
C’est 79, et « Roulette Russe » coûtera 250 000 F à Phono. A sa sortie, l’album n’est pas une réussite foudroyante. On le met au placard des ghettos spécialisés. Bashung commence à hanter les programmes nocturnes des grandes ondes. Peu après la sortie de « Roulette Russe », Alain se sépare de Daniel Tardieu dont le boulot de prof d’anglais ne lui donnait pas la disponibilité qu’exige un artiste de la trempe de Bashung. Boris le sait bien : « Le boulot qu’on a fait avec Alain reposait sur une sorte de consultation constante, une osmose complète. Daniel avait un autre trip, il s’est retrouvé face à un truc qu’il ne pouvait pas assumer ». Au total, le travail d’équipe sur « Roulette Russe » aura duré plus d’un an. Boris part alors quelques semaines au Japon. A son retour. Alain lui dit : « Faut faire un simple et essayer d’être efficace ». C’était l’époque des grands lessivages de contrat avec Phonogram, une période où on avait décidé d’épurer tout ce qui n’était pas suffisamment vendeur. Alain était sur la tangente. Il reste quasiment par miracle, et on lui ac-corde une ultime chance sur un simple. Boris Bergman croise ses mains et continue : « Je suis revenu du Japon avec un genre d’idée que j’avais eu là-bas, ça s’appelait « Elle s’fait rougir toute seule ». Cette fois, on a décidé d’enregistrer à Paris : dans les studios Ferber et Family Sound, avec la même équipe que nous avions utilisée pour le trente : Claude Alvarez-Pereyre à la direction musicale. Patrice Tison, Joe Hammer.
Le texte de « Gaby oh Gaby » était presqu’ébauché. En fait, il existait déjà sur un titre qu’on n’avait jamais utilisé. Le premier qui a crié au hit, dès qu’on a fini d’enregistrer, c’est Dominique Blanc-Francard, par le micro de sa cabine son. Moi, je me suis dit qu’au moins on éclaterait quelques branchés. Sur la lancée de « Gaby », on est parti à Rockfield, au pays de Galles, pour faire « Pizza ». Cet album, en fin de compte, était le résultat de toutes nos années de travail. « Pizza » était déjà dans l’œuf du premier trente. Mais lorsque le succès déboule, il change la topographie des rapports. Moi, j’ai essayé d’être présent sur un maximum de galas, mais quelque part, c’est aussi loin des yeux, loin du cœur. La suite, c’est le tournage d’Arrabal. Alain était crevé, il avait un planning de mineur de fond, style 27 journalistes dans la même journée, c’était infernal. On a quand même réussi à faire des chansons du film, quelque chose à mi-chemin entre « Pizza » et le disque que nous étions supposés faire. Ensuite, nous avons tourné le « Nestor Burma » où Alain tient le rôle d’un chanteur. Je me suis retrouvé à retravailler sur les dialogues avec Serrault. La toute dernière fois que j’ai vu Alain, c’était dans les derniers jours de 81, dans le studio où nous avons enregistré les chansons pour le film. Ensuite, c’est la rupture. Laisse-moi te raconter les choses géographiquement. On devait théoriquement tourner un portrait pour Antenne 2 avec Alain. A cette émission, il devait y avoir tous les anciens, des gens comme Michèle Dalle qui s’est occupée de la promo d’Alain, ou Olivier Pick, un comédien chez lequel il a vécu pendant plus d’un an. Toute la gestation de « Roulette Russe » s’est faite chez lui. Deux jours avant, j’ai reçu un coup de fil de Jean-Pierre Lebrun, son manager, me disant : « Chantal vient de m’appeler » — Chantal étant la compagne d’Alain Bashung — « Alain est complètement dépressif, il ne pourra pas faire l’émission ». On annule le truc pour l’A2 et, à partir de ce moment-là, je n’ai plus de nouvelles. Le nouvel éditeur m’apprend qu’il est parti pour l’Afrique. A son retour, Alain déclare qu’il se sépare de Jean-Pierre et qu’il désire changer d’environnement. Trois semaines plus tard, j’ai reçu un mot de dix lignes de sa part m’annonçant que, dorénavant, il se passerait de mes services.
Tu ne sentais pas le vent venir?
Tu sais, je vis vraiment comme si demain tout devait s’arrêter, c’est ce qui m’a toujours permis de prendre les risques nécessaires. Je voyais venir la séparation depuis plusieurs mois. Notre aventure artistique au niveau de la création, c’était une aventure à deux, Alain, musicalement, avait déjà une énorme base d’influences ; moi, j’avais quelques fixations comme Buddy Holly. On ne peut pas séparer le texte de la musique. Je me considère comme un musicien supplémentaire. Pas comme un parolier. « Parolier », c’est beurk, et « auteur » carrément prétentieux, alors je préfère la formule « songwriter ». Il est vrai qu’en ce qui me concerne, par le biais du « Cimetière des voitures », s’est réveillé en moi un désir profond : le cinéma. J’ài toujours rêvé de travailler pour l’écran. D’ailleurs, ce que j’ai fait avec Alain n’est rien d’autre que de petits scénarios qui nous permettaient de nous renouveler. La séparation représente pour moi la possibilité de me plonger dedans. Mais le cinéma est aussi un travail d’équipe : le succès d’homme seul, ça n’existe pas. En gros, je souhaite sincèrement avoir apporté à Alain autant qu’il m’a apporté. Puisque je sais que tu vas le voir pour cet article, et comme je n’ai pas eu l’occasion de lui parler, puisque j’ai reçu une lettre, souhaite-lui bonne chance pour moi ». Pas d’amertume dans la voix de Boris, il regagne son plateau de tournage pour une prise. Moi, je m’accroche à mon enquête. Bergman, c’était la musique des mots, l’autre côté du miroir de Bashung. Il fallait que je contacte les autres membres de l’équipe.
REMINISCING
Le prochain nom sur la liste est Claude Alvarez Pereyre, le réalisateur-arrangeur de « Roulette Russe » et de « Gaby ». Un type gentil et sensible qui a rencontré Alain en 77 par le biais de son éditeur. Quand je lui parle du succès de « Gaby », il a un sourire un peu figé :
« Alain est le premier mec avec lequel j’ai cru développer une relation qui ne soit pas exclusivement de métier. Alain est un des rares en France qui sache être un musicien dans le sens américain : un musicien qui sache pratiquer ce jeu subtil entre le texte et la musique. Il avait l’instinct assez rare de ce qu’il fallait faire. En tout cas, « Roulette Russe » n’est pas un album qui a coûté trop cher : Phono avait un accord avec le studio et les musiciens ont eu des forfaits corrects, sans plus. Moi, j’avais obtenu de Phono un forfait minimum. Là-dessus, Alain m’avait promis un pourcentage sur ses royalties au titre de la réalisation. A l’époque, je ne connaissais pas les coutumes de la profession : quand une maison de disques engage quelqu’un pour réaliser un album, il est d’usage de le rémunérer par un forfait et un pourcentage. Comme, à l’époque, j’ignorais ce détail, je ne l’ai pas exigé de Phonogram. Je n’avais rien non plus à exiger d’Alain, mais, dans la mesure où il m’avait proposé des royalties, je ne suis pas allé en demander à sa maison de disques. Je n’ai pas non plus réclamé de contrat à Alain. Nous avions passé plus d’un an ensemble à préparer cet album et les liens s’étaient développés d’eux-mêmes. Pour « Gaby », l’objectif était beaucoup plus précis : il fallait éviter à Alain de se faire sortir de chez Phono sans pour autant baisser notre froc. En fait, nous sommes allés plus loin par rapport à « Roulette Russe » et son côté encore très cow-boy. Le sax sur « Gaby », Alain y a songé à cause du « Reminiscing » de Buddy Holly. Quelques mois plus tard, il me téléphonait pour me demander si ça me branchait de faire de la scène avec lui en constituant une nouvelle équipe. Un mois plus tard, je le rappelle pour apprendre qu’il s’était branché avec d’anciens musiciens de Mama Bea. Inutile donc de chercher des mecs ! En août, j’ai entendu sur Europe 1 que Bashung était en train d’enregistrer en Angleterre, c’est ainsi que j’ai réalisé que, vraisemblablement, je ne faisais plus partie de la nouvelle équipe. J’aurais quand même préféré l’apprendre « de sa bouche ».
Dans la foulée, j’ai foncé à Boulogne pour dénicher le réalisateur de « Pizza ». Ken Burgess est anglais. Il vient de s’installer à Paris pour suivre sa lady. Ken rencontre Bashung en septembre 80, présenté par Boris. Tout de suite il se sent attiré par Alain et son côté rocker à la française. Ken choisit le studio Rockfield et, six semaines plus tard, « Pizza » se retrouve dans sa boîte. « Quand on est sorti de studio, on savait qu’on avait gagné ». Ken écrase sa Peter Stuyvesant, tandis que ses yeux bleus tirent vers le gris. « Le 13 février dernier, Alain a téléphoné chez moi pour m’annoncer que nous ne ferions pas l’album ensemble. fl m’a dit que c’était un problème de communication. Je crois qu’il a attrapé un des syndromes du rock anglais ». Communication breakdown? Après la production, la promotion. Deux personnes ont eu successivement en main la promotion de Bashung : Jacky a travaillé sur « Pizza », mais ses occupations nombreuses et télévisées telles que Houba-Houba, Platine 45 et les émissions pour mômes ne lui laissent plus le temps de jouer les attachés de presse.
Avant lui et jusqu’à « Gaby » inclus, c’est Michèle Dalle qui tenait en main la destinée médias d’Alain. Au début, lorsqu’ils se sont rencontrés en 77, Michèle travaillait plutôt du côté du café-théâtre. Petite, menue et bien agitée, elle a rapidement donné à fond dans la cause Bashung : « J’ai rencontré Alain au Midem 77 par l’intermédiaire de Boris. J’avais bien ac-croché avec « Roman-Photos », et j’ai proposé mes services à Alain. ll m’a dit « Okay, mais on n’a pas un rond pour l’instant, alors quand ça sourira, ça sourira pour tout le monde ». Lorsque « Roulette Russe » est sorti, je me suis dit : je n’ai pas 36 solutions, faut aller voir du côté des spécialisés. Pendant huit mois, je me suis battue sur cet album. Ce genre de disque, tu ne peux pas travailler dessus pendant un laps de temps déterminé : trois mois, c’est pour un disque de consommation courante, pas un Bashung. Au bout d’un moment, Alain a fini par m’occuper à plein temps, au point que Boris et lui m’ont proposé une partie des futures royalties. Je précise que Boris a honoré son contrat moral avec moi et pas Alain. Si personne n’a fait de contrat, c’est que nous étions tous liés par une histoire d’amitié. On a tous fait notre possible pour intéresser les gens autour de nous.
Lorsque j’ai débarqué dans les radios avec « Gaby », ils ont tous été unanimes pour me dire « Nous ne le passerons jamais, ça n’est pas un tube ». Heureusement, les radios du sud, RMC et Sud Radio ont de suite accroché, ainsi que Lang et Blanc-Francard. Jean-Bernard Hébey faisait de l’intox-Bashung tous les week-ends. J’ai essayé de lui trouver des télés, mais les gens des télés, en général, nous jetaient en disant : « Oh Bashung, il est sale, il est vulgaire ». A ce moment-là, arrive le 1er Mai organisé par RTL à la Défense, et d’un coup, tout a démarré ; Hébey est venu donner un gigantesque coup de chapeau à Alain, en le présentant sur scène. « Gaby » commençait à passer dans la journée. Lorsque l’été est arrivé, les stations du Sud l’ont littéralement matraqué, les ventes ont démarré en septembre. « Gaby » était sorti en février, le disque a commencé à émerger en juillet seulement ! Alain et Boris étaient en Angleterre pour « Pizza » et ils croyaient que je les bluffais pour leur remonter le moral. En septembre, on a fêté tous les trois le N» 1 Europe 1 et ils sont partis à Maison Rouge finir le mixage. Je suis allée à Londres pour écouter « Pizza » et, deux jours après mon retour, j’ai trouvé un message sur mon répondeur. La dernière fois que nous nous sommes croisés sur un plateau de télé, on s’est juste dit bonjour. Je crois que le propre d’Alain, comme des gens très forts, c’est de briser un moment leur solitude en regroupant des gens au-tour d’eux. Alain veut apparaître comme ne devant rien à personne ». Michèle est assez fière pour ravaler son amertume ; pour elle, ça n’a jamais vraiment souri !
Côté médias, j’ai frappé à la porte de Jean-Bernard Hébey pour lui demander son avis: «Je me suis branché sur Bashung grâce à mon copain Mondino qui montait son studio de l’Air. Mondino m’a dit qu’il avait fait la pochette et que je devais jeter une oreille : c’était « Roman Photos ». Dès ce premier album, j’ai trouvé cela fantastique parce que profondément original et français. A l’époque, sur RTL, je m’étais déjà battu pour Higelin, mais Bashung me motivait. Quelques années plus tard, lorsque j’ai reçu « Gaby », je me suis dit « Putain, qu’est-ce que c’est formidable ! ». Vers le mois de mai , RTL a organisé un festival de la chanson. Moi, j’avais décidé de programmer deux mecs. RTL a donné son accord à condition que j’accepte de monter sur scène pour les présenter. Le second, pour la petite histoire, n’était autre que Charlélie Couture.
Comment jugez-vous sa rupture avec Bergman ?
Sans approuver ou désapprouver sa démarche, je la comprends. Pour un artiste, par essence fragile, il est dur de s’entendre répéter du matin au soir qu’il n’est ce qu’il est que grâce ou à cause de quelqu’un d’autre. Sa quête, c’est de savoir ce qu’il est vraiment sans l’autre ou sans les autres. ll doit vivre quelque chose de très dur en ce moment, mais c’est son choix. Je dois dire que j’ai beaucoup d’estime pour le travail qu’il a fait jusqu’à présent ».
Alain Bashung, c’est vrai, semble avoir fait place nette tout autour de lui. Sa dernière rupture date d’avant hier : Alain s’est séparé de Maitre Michel Griner, son conseil fiscal. Maitre Griner suivait ses affaires depuis déjà quatre ans.
À SUIVRE…
Publié dans le numéro 165 de BEST daté d’avril 1982