JIMME ONEILL LE SILENCERS BAVARD Épisode 1
Plus de trente années que je n’avais pas échangé avec Jimme O’Neill, le chanteur/ guitariste /leader des mythiques Silencers. À l’aube des année 90, chez BEST et à la télévision, je défendais avec acharnement le rock oxygène de ces natifs de Glasgow. Et aujourd’hui, avec la publication du magnifique « Silent Highway », leur 10ème album, et ce concert particulièrement attendu de vendredi prochain le 13 octobre à la Maroquinerie, les Silencers n’auront jamais été aussi loquaces depuis des lustres. Rencontre avec Jimme O’Neill… Épisode 1
J’avoue, c’est avec une délectation non feinte que j’ai succombé aux charmes du superbe « Silent Highway » des Silencers ( … enregistré en famille avec ses enfants Aura (chant, chœurs et percus), James (guitare et chœurs), Conor (guitare) et Baptiste Brondy ( batteur) qui assure également les claviers, qui ne fait certes pas partie de la famille de sang mais de cœur de la O’Neill tribe au point de co-produire avec le patriarche, ce 10ème album qui me rappelle furieusement leur fantastique « A Letter From Saint Paul » de 87 ( Voir sur Gonzomusic THE SILENCERS « A Letter From St Paul » et aussi THE SILENCERS « Silent Highway » ). Particulièrement bavard pour un « silencieux », Jimme se livre très largement car lui et moi sommes si heureux de nous retrouver, après toutes ces années passées, mais par conséquent cet entretien, intégralement mené dans la langue de Molière, sera publié en deux épisodes, dont voici le premier…
« Cela fait 36 ans qu’on ne s’est pas parlé… Jimme, et désormais, tu parles français mieux que moi…
Et je suis Français, en plus !
Tu as pris la nationalité Française ?
Oui, j’ai la double nationalité avec la nationalité Ecossaise (rire) … c’est à cause du Brexit, tu comprends ? Parce que je suis marié et que j’ai un enfant en France.
Mais tu as plusieurs enfants, non ?
Oui, mais ils ne sont pas tous nés ici, c’est pour ça que j’ai adopté la double nationalité
Et donc, tu es arrivé en 89 en France, c’est ça ?
Oui, même si officiellement c’était en 2005.
Pourquoi la France ?
À cause de ma vie personnelle, on peut dire (rire) ! Si je suis arrivé ici, c’est au nom de l’amour. Mais je savais qu’il y avait toujours eu quelque part en France une force qui m’attirait. Et aussi dû au fait que la France est vraiment une terre d’asile pour la musique celte. D’ailleurs, j’ai toujours adoré la France. Mes parents étaient déjà francophiles, gamin je passais mes vacances en France, à Saint Malo dans les années 70. J’avais déjà cette relation romantique avec ce pays et cela n’a pas changé.
C’est vrai que lorsque le premier LP des Silencers est sorti, « A Letter From Saint Paul », le public Français avait immédiatement adhéré.
C’est vrai, mais on peut se poser la question : pourquoi ?
Moi, j’ai un élément de réponse, à l’époque vous étiez associés à un groupe extrêmement populaire, Simple Minds ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=simple+minds ), dont vous partagiez le manager, Bruce Findlay et son complice Jimmy Devlin. Et je me souviens que le premier à m’avoir parlé des Silencers, c’était justement Bruce Findlay. Il m’avait dit ; « Écoute, c’est super bien. Ça ne sonne pas du tout comme Simple Minds mais on croit en eux… ils sont Écossais ». Et c’est vrai, dès la première écoute on est tombé amoureux de ce son des Silencer, qui embrassait toute cette culture américaine, avec laquelle tu as grandi, ainsi que ta propre culture écossaise. Sans oublier ta manière de chanter….
Tout cela était déjà effectivement dans le premier album. Mais n’oublie pas que j’étais dans un groupe auparavant, Fngerprinz, qui a sorti trois albums chez Virgin, et qui sonnait très New Wave. Et donc, quand j’ai démarré les Silencers, j’avais déjà cette expérience, mais aussi toujours cet amour pour le folk rock américain, qui était ma première source musicale. C’est grâce à Dylan, c’est lui qui m’a inspiré toute cette flamme, pour écrire des chansons. J’avais 16 ans. Et également cette folk music Écossaise et Irlandaise, qui a bercé toute mon enfance. À la maison, dans les soirées musicales que nous faisons avec mes parents, on jouait invariablement ces chansons du folklore écossais et du folklore irlandais. Mes parents chantaient avec mes oncles et mes tantes, tout le monde chantait dans la famille. À 12 ans, j’avais déjà ma guitare et je me souviens que ces années 70 étaient aussi musicalement extrêmement riches. Car bien avant de devenir un musicien, j’étais déjà un grand fan de musique. J’étais dans tous les festivals, je vivais à Londres et j’avais la possibilité de voyager.
Mais avec les Silencers, quand nous avons commencé, c’est vrai que la France a tout de suite accroché avec notre musique. Et je sais que même si les gens ne comprenaient pas vraiment les paroles en anglais, ils se laissaient porter par la poésie de leur musicalité. Or les Anglais ont sans doute justement plus de mal avec ça. Je l’ai expérimenté avec « Painted Moon », car lorsque je l’ai écrite, je savais que cette chanson-là deviendrait importante. La mélodie m’est venue comme ça, toute seule dans ma tête. Mais je ne la chantais qu’en yaourt, car je n’avais pas encore écrit les paroles. J’ai décidé alors de doubler ma voix avec ce yaourt. Et quand j’ai écrit les paroles, j’ai fait la même chose, en misant sur la sonorité des mots, plutôt que sur leur sens littéral. Depuis, je me suis toujours laissé porter par le son des mots.
Si le premier LP était une révélation, le deuxième « Blues For Buddha » était tout aussi excitant. C’est rare, car souvent un groupe débarque avec un super premier album, qu’ils ont eu des années pour préparer, suivi d’un deuxième écrit dans le speed, souvent bâclé et donc souvent raté. Ce n’était pas du tout le cas avec vous.
Surtout, nous étions dans une réelle dynamique, grâce à tous les concerts, toutes les tournées qu’on avait faites. Quand j’ai commencé à écrire le deuxième album, j’avais déjà « Answer Me » de composée. Or, c’était notre premier single. Et donc, on a eu la chance qu’immédiatement le public nous suive direct. Par contre, ce deuxième album n’est pas du tout celui que nous avions commencé. On avait prévu de faire un disque très très rock. Mais au fur et à mesure, ça s’est fini avec cet album plein d’atmosphères, avec des chansons comme « Scottish Rain ».
Scottish rain…. Bien sûr, à Glasgow il pleut tout le temps, ca coule de source.
(rire) Bien sûr.
Et puisqu’on parle de l’Ecosse, il y avait à l’époque une richesse exceptionelle du côté des groupes locaux, avec les Simple Minds bien sûr, les Silencers evidemment, mais aussi les Cocteau Twins (Voir sur Gonzomusic J’AI ASSISTE A L’ECLOSION DES COCTEAU TWINS ), Deacon Blue ( Voir sur Gonzomusic ), Big Country ( Voir sur Gonzomusic BIG COUNTRY “Peace In Our Time” ), Lloyd Cole, the Associates ( Voir sur Gonzomusic THE ASSOCIATES « Wild And Lonely » ), Annie Lennox ( Voir sur Gonzomusic ANNIE LENNOX LA FEMME INVISIBLE D’EURYTHMICS et aussi EURYTHMICS “We Too Are One”), Texas ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Texas ) et j’en oublie beaucoup…
Oui, tant d’artistes venus du nord ! En fait, c’était la première fois dans l’histoire du showbiz que les A&R se sont mis à explorer l’Écosse, alors forcément, ils sont tombés sur un gisement de pépites d’or. Tout cela c’était un peu grâce à U2, qui avait surgi de nulle part, c’est-à-dire d’Irlande, avec leur coté celte, c’est ce qui leur a donné l’idée d’explorer ailleurs que sous leur nez, à Londres. Sans oublier leur coté engagé, social même socialiste avec beaucoup d’humanité dans les textes. Un groupe à la fois issu de cette working class et suffisamment engagé. Il faut aussi se souvenir que la plupart de ces groupes, y compris Simple Minds, avaient émergé portés par cette énergie punk avant de la faire évoluer vers autre chose. Il faut avoir quelque chose d’important à dire en plus du tube, sinon le tube il est vide. En tout cas c’est mon point de vue. Il faut que je décrive ce que je vois autour de moi et cela transparait dans les chansons.
C’est ta manière à toi de rester en prise avec la réalité, tout en gardant ce mode poétique et tendre pour l’exprimer.
La mélodie me vient facilement, quant aux paroles c’est parfois très facile, parfois je dois beaucoup travailler pour y arriver.
On ne s’est pas vus depuis trente ans, tu as continué pendant toutes ces années à faire de la musique, à publier des disques et à tourner, jamais tu n’as douté, jamais tu t’es demandé : je ne fais pas fausse route ?
C’est une bonne question. D’abord, c’était mon rêve de parvenir à être musicien et de faire des concerts. Et, dans les moments de difficulté, il y avait toujours des concerts, même s’ils n’étaient pas nombreux, j’essayais de faire de mon mieux et j’en tirais un immense plaisir. Et désormais ce groupe, où j’ai pu intégrer mes enfants les uns après les autres, c’est un bonheur incommensurable… qui me rappelle ma propre famille lorsque nous étions enfants. Je suis parvenu à bâtir ma vie de cette manière-là, même si de temps en temps la vie n’était pas toujours riche et glorieuse. Mais toujours riche d’expériences, de fêtes et de bonheur entre Glasgow et ici en France en Alsace, en Bretagne.
On connaissait Sly & the Family Stone, tu aurais pu fonder Jimme & the Family O’Neill ?
Tu ne crois pas si bien dire, car j’avais pensé à rebaptiser le groupe les O’Neill’s, mais on est resté the Silencers, parce que on avait sorti 10 disques et que chaque album était abouti à sa manière. Et si ce dernier disque te rappelle notre premier, c’est prémédité et assumé, car c’est exactment ce que j’ai voulu faire, sortir un disque après toutes ces années, dans la veine du tout premier LP.
C’est comme si le temps s’était figé, et pourtant désormais tu joues avec tes trois enfants, tu vas donc nous raconter comment s’est formé ce nouveau groupe. Ils ne sont pas arrivés tous en même temps ?
Mon fils Shane était scolarisé à Rennes et, à ce propos je l’ai découvert ensuite, mais Shane O’Neill était un roi Irlandais au Moyen Age. J’étais à la sortie de son école et il y avait un jeune gars, un parent d’une trentaine d’années et il tenait en main le premier album. « Est-ce que tu es Jimme O’Neill des Silencers ? » m’a-t-il dit, avant d’ajouter en me tendant le disque, « Tu pourrais me le signer ? »
Je lui ai demandé où il l’avait trouvé. Il m’a répondu : dans une braderie. « J’adore cet album-l » a-t-il poursuivi « et je trouve ce son très actuel ». Et quand il m’a dit ça, cela m’a vraiment fait réfléchir. J’ai toujours considéré ma musique comme étant un peu intemporelle et il y a aussi un retour en grace du son des années 80. Mes références, c’étaient Stones et Beatles puis la country des Flying Burrito Brothers et autres Byrds… »
À SUIVRE…
Voir sur Gonzomusic: JIMME O’NEILL LE SILENCERS BAVARD Épisode 2