JAMES TAYLOR THE WARNER BROS ALBUMS
Signé sur Warner Bros, après son premier LP chez Apple, James Taylor va publier six albums sur le label de Burbank, sans doute les plus cruciaux de sa carrière de baladin au gospel blanc virulent et acoustique qui semble taillé pour défier l’éternité rock. Baptisé « James Taylor- The Warner Bros Albums » un coffret regroupe tous ces joyaux des 70’s enfin réédités en vinyle et analysé par Jean-Christophe Mary.
James Taylor et moi c’est une longue, une très longue histoire d’amour. Comment oublier le tout premier slow qu’on n’ait jamais dansé de son existence ? Ce jour de 71 “You’ve Got A Friend” grésillait sous le clou du Teppaz et moi je fondais comme un vulgaire rocher praliné. Titre phare de “Sweet Baby James” qui venait à peine de sortir, cette fichue ballade allait percuter à jamais ma libido, comme le sourire d’une petite nana aussi mini-juppée que psyché. James Taylor et son folk doré à la soul venaient de débarquer dans ma vie. Plus tard, l’été 76 j’aurai la chance de le voir en live dans un amphithéâtre de Philadelphie, puis à l’aube des 80’s de le rencontrer à Paris pour un entretien avec le magazine BEST. Mais c’est une autre Gonzo story que je vous conterai un de ces jours… Auparavant, ce fils de la bourgeoisie démocrate de Boston- maman était chanteuse d’Opéra, papa doyen à la fac de médecine-avait fugué avec sa guitare jusqu’en Angleterre pour jouer dans les rues de Londres…où les Beatles l’avaient remarqué au point de le signer sur leur label Apple. En 2010 pour ROLLING STONE, je tendais mon micro à Peter Asher et le producer de James Taylor expliquait alors comment il avait switché de chanteur à producteur surdoué :
« En 1968, le duo Peter and Gordon se désintègre et je deviens à la fois producteur et l’A&R du nouveau label Apple. En fait, avant Apple, j’avais commencé à réaliser le disque de mon copain Paul Jones, lorsqu’il a quitté Manfred Mann. Il a été le premier à me demander de le produire. Pour cela, j’ai une dette éternelle envers lui. Et c’est à cette époque que je me suis retrouvé face à Paul McCartney (Qui sortait alors avec la sœur de Peter, la ravissante Jane Asher : NDR). On discutait de ses idées pour Apple qu’il voulait fonder. Au cours de ces conversations, il m’a d’abord demandé si je voulais produire des artistes. J’ai répondu : bien entendu. Au fur et à mesure où les discussions se sont précisées, on a projeté la structure du nouveau label. Et c’est à ce moment-là qu’il m’a proposé de prendre la tête du département A&R. L’avantage lorsque tu es un Beatles, c’est que tu as qui tu veux au téléphone ! Si tu veux qu’Eric ( Clapton) vienne jouer sur ton disque, tu lui téléphones et tu lui demandes, c’est aussi simple que ça. Et tu peux parier qu’il dira oui. Et puis les Beatles se sentaient concernés par les artistes Apple. C’est ainsi que Paul est passé en studio lorsqu’on enregistrait James Taylor et qu’il joue sur « Carolina On My Mind » . Tout comme George qui est aussi passé jouer sur cet album. C’était leur label, le label des Beatles, il régnait une véritable atmosphère. ».
“Carolina On My Mind”, sa première et fulgurante ballade aux cristallines harmonies, un hit incontestable n’a rien perdu de sa candeur, dommage que « James Taylor » ce tout premier LP aux arrangements lumineux de cordes n’ait pas été intégré à ce coffret Warner. De retour aux USA, avec Peter Asher dans ses valises qui deviendra à la fois son producteur et son manager, James Taylor traversera les seventies sur le tapis volant de sa coolitude illimitée dans la foulée hippie des Eagles et autres Jackson Browne. En 2009 et en 2013, il chante aux deux cérémonies d’investiture de Barack Obama, mais pour nous Français, il nous offre en 2015 le plus émouvant témoignage. Juste après les attentats de Paris, James Taylor chante la plus belle « Marseillaise » depuis celle de Serge. ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/james-taylor-chante-la-plus-belle-marseillaise-depuis-celle-de-serge.html ). Sur CBS le « Late Show With…Stephen Colbert » est une véritable institution, même si Colbert a succédé à son auguste prédécesseur David Letterman qui l’a incarné durant près de vingt ans. Mais hier soir le « LSSC » avait une couleur toute particulière, celle du bleu, du blanc et du rouge en toile de fond derrière un époustouflant James Taylor interprétant l’hymne national comme s’il rencontrait « You’ve Got A Friend ». Depuis 1979, lorsque Serge Gainsbourg avait eu l’idée géniale d’entonner « La Marseillaise » en la métissant au reggae de Marley, nul ne l’avait adapté avec autant de grâce comme l’a fait Sweet baby James pour rendre hommage aux victimes comme à la France. Alors que parait aujourd’hui JAMES TAYLOR: “The Warner Bros Albums” , Jean-Christophe Mary a analysé pour Gonzomusic cette superbe collection des rééditions des 33 tours de JT entre 1970 et 1975.
JAMES TAYLOR: “The Warner Bros Albums”
Par Jean-Christophe MARY
« Sweet Baby James » (1970)
Après l’échec commercial de son premier album sur Apple Records (le label des Beatles !) en 1968, James Taylor et son producteur Peter Asher rejoignent les USA pour enregistrer les futures demos de « Sweet Baby James ». Entouré du guitariste Danny «Kootch» Kortchmar, du batteur Russ Kunkel, de la chanteuse Carole King et de Randy Meisner (futur bassiste des Eagles), James Taylor compose un mix de chansons entre folk, country, pop, gospel et blues autour de textes très personnels. Doté d’une voix douce et posée, le songwritter s’adresse directement à son public en toute simplicité, de manière très intime. Douze titres chantées du fond du cœur parmi lesquelles les tubes « Sweet Baby James », « Carolina in My Mind » ( Qui était déjà le hit de son premier LP Apple : NDR) et « Fire and Rain», un récit douloureux sur le suicide d’un ami. Sa voix douce rend la composition encore plus poignante. Sur cet album figure également l’éblouissant « Country Road», «Oh, Susannah » une reprise de Stephen Foster, et deux blues intenses « Baby Don’t Loose Your Lip on Me » et « Steamroller ».
« Mud Slide Slim and The Blue Horizon” (1971)
Dans la foulée de l’immense succès de son « Sweet Baby James » , le chanteur publie « Mud Slide Slim and The Blue Horizon » qui contient le tube « You’ve Got a Friend » composé par sa compagne Carole King ( Qu’elle chantera également elle-même quelques mois plus tard sur son merveilleux « Tapestry » : NDR) . Même s’il ne l’a pas écrit lui même, ce titre est la marque de fabrique de James Taylor. Toujours de cette voix douce et rassurante, il devient « cet ami « que nous aimerions tous avoir. Produit à nouveau par Peter Asher, l’album contient des ballades romantiques « Long Ago and Far Away ou « You Can Close Your Eyes », une histoire de gangster « Machine Gun Kelly ».
« One Man Dog » (1972)
« One Man Dog » sort l’année suivante avec une collection de 18 chansons très courtes. On y trouve des titres emblématiques tels « New Tune», « Hymn » et «Dance», « Don’t Let Me Be Lonely Tonight » au saxophone jazzy, des reprises de Daniel Kortchmar « Back on the Street Again», de John McLaughlin «Someone », un traditionnel « One Morning in May ». Un album qui marque l’arrivée d’un musicien talentueux Leland Sklar(basse) ( Qui accompagne dorénavant la merveilleuse Judith Owen, Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/judith-owen-ebb-flow.html , https://gonzomusic.fr/judith-owen-somebodys-child.html et aussi https://gonzomusic.fr/judith-owen-cover-girl.html ) entouré de magnifiques voix féminines Linda Ronstadt, Carole King et Carly Simon. `
« Walking Man » (1974)
Après un break de deux ans, sort « Walking Man » avec sa pochette sobre, une photo-portrait en noir et blanc de l’artiste. Sur cet opus produit par le guitariste David Spinozza, James Taylor part à la conquête de nouveaux horizons, expérimente des arrangements de cors et de cordes plus sophistiqués, s’octroie quelques incursions dans le jazz, le folk et le rock. Enregistré avec la crème des musiciens studios de New York, Kenny Ascher et Don Grolnick (claviers), Hugh McCracken (guitares) et Ralph MacDonald (percussions), l’univers folk west coast hippie se mue en une élégante et rutilante machine à groove New-Yorkaise. On y trouve, entre autre, « Walking Man » en référence au père absent, à sa propre fille « Sally », « Rock ‘n’ Roll Is Music Now » titre cynique où Paul et Linda McCartney assurent les chœurs, mais aussi une reprise très personnelle de Chuck Berry « The Promised Land ».
« Gorilla » (1976)
Exilé à New York, les nouvelles chansons jazzy de « Gorilla » reflètent le son de Broadway. On prend un plaisir à (re)découvrir des titres chaloupés « Gorilla», aux rythmiques Latines « Mexico» (avec aux chœurs David Crosby et Graham Nash), une reprise de Marvin Gaye « How Sweet It Is (To Be Loved by You ») signée Holland–Dozier–Holland, mais aussi des titres enrobés de cordes luxuriantes tels «You Make It Easy» «I Was a Fool to Care».
« In The Pocket » (1976)
Pour finir en beauté, « In The Pocket » conclue les années Warner Bros toujours dans un esprit variété pop, funky jazz et soul avec une série de chansons autobiographiques. On retiendra « A Junkie’s Lament » qui traite de son addiction à l’héroïne, des chansons inspirantes « Everybody has the Blues », un brin cynique « Shower the people », « Money Machine », une reprise Bobby Womack, «Women’s Gotta Have It». Et ici tout semble effectivement être « In The Pocket» avec cette belle brochette d’invités parmi lesquelles on trouve Carly Simon, Art Garfunkel, Stevie Wonder, David Crosby, Graham Nash. En redécouvrant cette partie de l’œuvre de James Taylor, on se dit que c’est une partie de l’histoire de la pop folk des 70 ‘s qui défile là entre nos oreilles.