LAMOMALI « Totem »

LamomaliCertes, Lamomali est bien loin d’être une anomalie, c’est bien au contraire une aventureuse odyssée polyphonique, aux accents afrobeat, funk, pop et griots, une fusion world née en 2017, de la rencontre entre Matthieu Chedid, le maître de la kora Toumani Diabaté, et la voix incandescente de Fatoumata Diawara, le projet portait déjà l’ambition d’un pont entre musiques traditionnelles africaines et cultures populaires contemporaines. Avec « Totem », leur second opus, ce dialogue s’approfondit et s’élargit. Plus que jamais, la musique devient ici un langage universel face aux dérèglements du monde, une musique à la fois ancrée dans les mémoires et tendue vers l’avenir. Entre Bamako, Paris et d’autres ailleurs, ce disque déploie une mosaïque de récits et de textures qui parlent d’exil, d’amour, de résistance, d’espoir et de liberté, un son de liberté qui a su manifestement faire voyager notre Tintin reporter sonic JCM.

LamomaliPar Jean-Christophe MARY

 

Initiateur de ce beau projet, Matthieu Chedid se fond à nouveau dans le collectif avec humilité, se mettant au service des voix africaines. On y retrouve le jongleur de mots Oxmo Puccino, les voix solaires d’Amadou & Mariam, le souffle métissé d’Ibrahim Maalouf, la saudade tropicale de Seu Jorge, et même le contre-ténor Philippe Jaroussky, OVNI lyrique d’un Mali fantasmé. Mais Totem ouvre aussi ses bras à d’autres voix singulières : Patrick Watson et sa folk suspendue, Tiken Jah Fakoly et son engagement inflexible, Angélique Kidjo et sa puissance vocale inépuisable, le slameur Yamê ou encore Boombass (du duo Cassius) qui ajoute une touche électro discrète mais efficace. Fatoumata Diawara, elle, est la grande prêtresse de cet album. Présente sur presque tous les morceaux, elle incarne le cœur battant du projet. Sa voix, tour à tour douce, combattante, volcanique, tisse le lien entre les titres, donnant une couleur chaleureuse et militante à l’ensemble.

LamomaliCe qui frappe d’emblée, c’est l’unité du disque malgré la diversité des timbres, des langues, des rythmes. Il y a quelque chose d’organique dans cette construction collective. A commencer par l’entêtant et dansant « Ama Kora » et son ouverture afro-trans sensorielle sur les arpèges envoûtants de la kora de Balla Diabaté. Fatoumata Diawara y pose une voix lumineuse, presque mystique. Hymne patriotique et festif « Je suis Mali » est une déclaration d’amour et de douleur à un pays déchiré, une invitation s’inspirer de la sagesse ancestrale. La voix sensuelle de Matthieu Chedid nous happe tandis que Balla Diabaté sculpte lui un groove mandingue subtil avec des percussions traditionnelles. Sur « Totem » qui donne son nom au projet, le chanteur et rappeur Yamê pose un spoken word posé, entre slam et rap quand Matthieu Chedid et Fatoumata Diawara répliquent avec puissance et sensualité. Une belle architecture sonore où se mêlent sagesse griotte et énergie urbaine. Le ton de fait plus doux et plus intime avec « Bel ami », sorte de poème hommage à Toumani Diabaté, décédé en 2024. Aussi poétique que politique le funky et dansant « Il neige à Bamako » est un morceau-symbole où la neige devient métaphore du déracinement de la migration, de l’injustice du choc des mondes. Comme un appel universel au lien humain le vibrant et funky « Je t’aime » est un titre d’une grande intensité émotionnelle porté par le flow d’Oxmo Puccino et le chant d’Amadou & Mariam qui signent un retour solaire, entre blues sahélien et pop lumineuse.

LamomaliL’un des sommets du disque « Ad vitam » est un moment de grâce lyrique. La voix d’ange du contre-ténor Philippe Jaroussky s’élève sur la kora entre opéra et griotisme. Fatoumata Diawara l’accompagne avec une délicatesse bouleversante. Chant de révolte féministe « Moussow » est un appel à la sororité et à la liberté sur fond de basse reggae funky obsédante et de rythmique afrobeat, aussi sèche que percutante. Porté par les voix de Tiken Jah Fakoly et Fatoumata Diawara « Nidibou » est un chant de paix et de lumière, une mélodie de l’âme portée par l’héritage des griots. « Le peuple qui danse » est une fresque joyeuse à travers laquelle Angélique Kidjo, Seu Jorge et Ibrahim Maalouf fusionnent rythmes brésiliens, cuivres orientaux et chœurs africains autour d’un refrain qui appelle à la communion, à la fraternité quand « Tour d’ivoire » exprime lui la joie, un sentiment positif autour de l’amour, de l’éphémère, de la beauté.  Enfin « Secret Garden »clôt l’album en apesanteur où la voix fantomatique de Patrick Watson combinée à celle de Fatoumata Diawara nous entrainent dans une rêverie introspective, presque dream pop. Avec ce « Totem », Lamomali signe un album de fusion musicale entre l’héritage mandingue et la créativité contemporaine. À travers ses arrangements polyphoniques où se mêlent afrobeat, funk, pop et traditions griotiques, Lamomali invite à une célébration collective, à une quête de sens et d’harmonie. Un disque essentiel qui réconcilie, l’Afrique et l’Occident, la modernité et la mémoire. 

 

 

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