LA SAGA GILLES RIBEROLLES Épisode 2

Gilles 1978 dans les bureaux de Feeling avec Brenda Jackson

Gilles 1978 dans les bureaux de Feeling avec Brenda Jackson

Je ne vous présente plus Gilles Riberolles, ardent music-lover. Jeune journaliste à BEST de la fin des 70’s aux 90’s, mais aussi photographe émérite capable de shooter la pochette du « Stage » de David Bowie et surtout chanteur-guitariste dont le feeling a su si bien embrasser la musique noire à travers ses groupes successifs Casino Music, Satanic Majesties, Jumbo Layer, avant de fonder son petit dernier, l’envoutant et  swampy-bluesy Spirit of My My My, ce good dude a toujours vibré au tempo d’une rock culture qu’il a su défendre de sa plume, de sa voix ou de sa guitare. Épisode 2 : De BEST à BEST en passant par Casino Music.

James and Gilles

James and Gilles

En mars dernier, je louais le cool blues du bayou porté par son album « My Pleasure My Pain » avec son one man band plus guests Spirit of My My My ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/spirit-of-mymymy-my-pleasure-my-pain.html ), cependant Gilles Riberolles est bien plus qu’un autre excellent bluesman  ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/le-juste-coup-de-gueule-de-gilles-riberolles.html ). C’est au crépuscule des 70’s que le jeune parisien rejoint la rédaction de BEST où après sa rencontre avec Zappa, il rejoint le club très privé des envoyés spéciaux que Christian Lebrun missionnait aux quatre coins des USA et plus si affinités, comme la Jamaïque où il a entre autres rencontré les musiciens de Marley. Fan de musique, depuis les années lycée, Gilles avait déjà monté plusieurs groupes, mais c’est en 1979 que les choses s’accélèrent lorsque sa formation Casino Music parvient à signer sur le sémillant label franco-américain ZE Records pour publier le LP « Amour Sauvage », un OVNI de funkitude blanche à la Talking Head produit par Chris Stein. Des années durant sa vie oscille entre deux pôles que sont le studio d’enregistrement avec ses groupes successisf et les reportages pour BEST. Mais c’est  bien le Gilles Riberolles guitariste qui prendra finalement le dessus sur le Gilles Riberolles rock-critic, à l’instar d’un Patrick Coutin ( Voir sur Gonzomusic  https://gonzomusic.fr/?s=coutin ). Voici le deuxiéme volet de sa saga :

 

Épisode 2 : De BEST à BEST en passant par Casino Music

 

« Donc, te voilà à BEST. Tu joues toujours de la musique en parallèle mais quand même un petit mot sur les premières années de BEST vu que tu as interviewé énormément d’artistes, parmi ceux-ci lesquels t’ont vraiment marqué ?

James Brown, ça a été là aussi une rencontre incroyable à New York en 1980. D’ailleurs, quand il est venu l’année suivante faire sa tournée européenne il avait exigé que je sois le seul journaliste à le suivre sur ce tour. Il m’a offert un de ses costumes de scène, c’était incroyable

Tu l’as toujours ?

Bien sûr. Il y a aussi Iggy Pop. Alors lui c’est pareil, je l’ai rencontré plein de fois et parfois dans des circonstances plus que rocambolesques ; mais c’est un personnage drôle, génial très affectueux, avec qui j’ai eu un super feeling aussi. Et puis surtout Blondie, je suis devenu très ami avec eux, on est devenu potes tout de suite et on n’a jamais cessé de se voir (Chris Stein a d’ailleurs produit le tout premier LP de Gilles avec Casino Music en 79 : NDR).  J’ai encore fait un truc avec eux il y a quelques années pour un de leurs albums. Ils m’invitent presque chaque fois qu’ils viennent à Paris

D’où la connexion Casino Music ?

Casino Music

Casino Music

Oui, on a trouvé le nom au tout début 78, même peut être fin 77 en fait. Avec Éric Weber, on a passé un moment à Los Angeles ensemble l’été 77 et je me souviens qu’on s’est retrouvé au Whisky A Go Go un dimanche soir tous les 2 et les Zeros étaient à l’affiche. C’était un petit groupe de Chicanos punk en première partie et, en 2e partie, il y avait un groupe incroyable s’appelait les Screamers. On ne va pas faire l’historique des Screamers, mais en creusant un peu je me suis rendu compte que ce sont des personnages assez importants, qui avaient influencé Bowie, Iggy, Blondie et tout ça. Mais à l’époque, c’était un trio d’illuminés arty de Los Angeles, assez violent et rentre dedans. Éric et moi on a vu ça, on était huit dans la salle, il n’y avait personne et on s’est dit : oh putain, la claque !  Et ça nous a donné envie de faire un truc ensemble, ça nous a accroché un wagon. En rentrant, on s’est mis en tête de monter un vrai groupe.

Le nom Casino Music ?

Franchement, je sais pas je me suis pris la tête et puis ça s’est imposé : pourquoi pas ça ? C’était, comment dire, c’était du luxe. On n’avait pas besoin d’un groupe comme ça, avec une telle nonchalance, un peu dispensable. Il se trouve qu’à l’époque, la scène était vraiment porteuse. Il y avait des petits labels, des boutiques de disques branchées… aux États-Unis et en Angleterre, ça bougeait beaucoup. Et même à Paris, il y avait des possibilités. C’est ainsi qu’on a trouvé un label. En fait Alain Wais a voulu être notre manager et donc rapidement on s’est retrouvé en situation de signer sur un label. Il y avait à l’époque ( Alain) Maneval qui avait monté un truc qu’il avait baptisé VO records… comme vide ordure … et il y avait (Michel)  Esteban qui avait déjà son label ZE records. On a donc fait le premier single avec Maneval et puis après pour l’album, à l’inverse, Alain nous a fait signer chez ZE records.

Cela coulait de source puisque Brigitte, sa fiancée ( Voir sur Gonzomusic l’Episode 1 de la saga  https://gonzomusic.fr/la-saga-gilles-riberolles-episode-1.html ) assurait la promo de ZE Records dans la boutique Harry Cover d’Esteban au Chatelet !

Casino Music Live by Pierre René-Worms

Casino Music Live by Pierre René-Worms

Effectivement, la connexion de toute manière était logique avec Esteban. De plus, il cherchait des groupes à signer aussi. Mais nous on était faiblards quand même, parce qu’on n’était pas un vrai groupe. Moi ce qui m’intéressait c’était le song-writing et la production en studio, mais on n’était pas un groupe de scène. D’ailleurs on n’avait pas vraiment de groupe, il n’y avait qu’Eric et moi. Et on n’était pas un groupe de scène non plus d’ailleurs. Le premier concert qu’on ait fait, c’est Esteban qui nous appelle en catastrophe pour nous dire : « Vous faites la première partie de B 52’s, ce soir au Palace ».  Je n’étais jamais monté sur scène et de surcroit on n’avait même pas tellement répété ; donc on était des sortes de branleurs et on s’est retrouvée à assurer ce concert ! Et puis notre 2ème concert, c’était première partie de Blondie au Pavillon de Paris devant 6000 personnes et juste après on a fait une petite tournée ZE avec au total une vingtaine de concerts.

Vous étiez un peu des OVNIS dans le paysage musical rock par rapport à tous les groupes qu’il y avait à l’époque qui étaient plus des groupes de rock classiques comme Téléphone. On va dire que c’était une sorte d’ancienne génération, alors que Casino Music incarnait vraiment le futur. C’était novateur, vous étiez bien habillé, il y avait du funk dans votre blues et c’était inédit pour un groupe français d’alors… avoir ce son-là c’était un peu incroyable !

En fait, oui moi j’étais à fond dans la scène de l’époque qui était post punk/ new wave donc, mais j’avais toujours ce background musical black aux confins d’influences jazz, blues, rythm’n blues, funky et forcément ça ressortait dans les compositions. Il y avait un peu de Meters dans notre new wave. Mais cela n’a pas forcément beaucoup accroché avec le public ici.

Sans doute parce que vous étiez trop en avance sur votre temps. Je pense que si Casino Music était arrivé quelques années plus tard, ça aurait été beaucoup mieux accepté par le public, je pense que vous auriez été plus populaires.

En tous cas, le disque a bien traversé les décennies, je l’entends de temps à autres sur FIP.

Tu ne te dis pas en l’écoutant : ah oui c’est un son tout pourri dans années 70 !

À l’époque, il était sorti en Angleterre et au Japon et l’album se vendait plutôt bien, en tous cas plus qu’en France. Je ne vais pas dire du mal de qui que ce soit, mais je n’étais pas en phase avec la scène française.

En fait, Casino Music c’est un peu ce qui a marqué la rupture entre ta vie de musicien et ta vie de rock-critique, c’est à dire ta vie après Casino Music tu n’avais plus vraiment envie de parler de la musique des autres mais plutôt de la tienne ?Casino Music

En fait, être journalistes ça aura quand même été un super trip, qui m’a ouvert des tas de portes et qui m’a surtout permis de faire de très belles rencontres. Sans oublier aussi le challenge d’écrire… mais je n’étais pas carriériste, je n’étais pas intéressé du tout par faire durer tout ça des années et des années. La musique, c’était mon truc c’était le pôle central. Mais quand la scène rock est retombée, tout est devenu très complexe. On a fait un maxi en 81 chez Hansa, c’était une reprise de « The Beat Goes On » de Sonny and Cher et trois autres morceaux, mais à la suite de ça on a arrêté vers 82. Et moi je n’écrivais pratiquement plus à BEST. La scène parisienne était retombée ; je ne savais pas quoi faire et j’ai voyagé. Je suis parti au Japon avec une copine plusieurs mois. Je suis partie en Australie puis aux États-Unis des mois et des mois. Je vivais comme ça, j’arrivais aux US avec 100 dollars en poche et je me disais que je me démerderai. Il y a eu des moments d’errance, des moments difficiles mais aussi des moments uniques. C’est comme ça que j’ai traversé les années 80. Après en 84/85 j’ai refait de la musique avec Satanic Majesties.

C’est quoi Satanic Majesties… pas le LP des Stones…

C’était un groupe que j’avais monté après Casino, on faisait du rock garage ou plus exactement du rythm’n blues garage à tendance psychédélique. J’ai fait ça quelques années puis je suis revenu à BEST en 89 parce que je n’avais vraiment pas de blé et pendant quatre ou cinq ans j’ai été salarié au journal. C’est la seule période de ma vie où j’ai été salarié jusqu’en 94. Mais ça s’est barré en couille complet…

Satanic Majesties-rex

Satanic Majesties-rex

Moi, j’ai été licencié de BEST en 92 et je te confirme que c’est parti en couille. J’avais fait une attestation en faveur de Régine, la secrétaire de Christian qu’elle voulait virer et dès que Régine a gagné ses Prud’hommes, j’ai été dégagé par la mère Boutin !

C’était devenu glauque. Et le contenu du magazine et l’atmosphère pour ceux qui y travaillaient. Dordor  ( qui avait succédé à Christian Lebrun en tant que rédacteur en chef : NDR) ne savait plus quoi faire. En plus il était à la fois têtu et ego-trippin’.

Surtout pas téméraire. Christian regardait madame Boutin dans le blanc des yeux et lui disait : bah non !  Dordor ne voulais pas de conflit, il refusait de l’affronter, donc il acceptait tous ses diktats Revenons à Satanic Majesties…

On a fait une trentaine de concerts.

Et pas d’album ?

Casino Music

Casino Music au Palace

Non, car j’ai refusé qu’on enregistre. Pour moi c’était une manière de revenir dans la musique. J’avais voyagé, j’avais passé plusieurs années sans rien faire alors j’y allais à fond. C’était marrant mais ça avait bien des défauts.

Exit Satanic Majesties et il se passe presque dix ans avant ton groupe suivant, Jumbo Layer.

On a démarré Jumbo Layer vers 98. On a fait un premier maxi sur un tout petit label lyonnais et ses morceaux se sont retrouvés sur plein de compiles allemandes, canadiennes, espagnoles et même anglaises… mais en France zéro feed back, donc le label a jeté l’éponge. Puis en 2003, un autre label me propose de faire un album de Jumbo Layer. Il sort en 2004 et il était distribué par Média 7. Celui-là aussi je l’entends régulièrement sur FIP.

Jumbo Layer, c’est beaucoup plus proche de Spirit of My My My, ton dernier groupe, avec un coté swamp blues et Nouvelle Orléans.

Tout ce que j’ai fait en musique, ce n’est pas éternellement toujours la même recette, mais il y a des ingrédients communs.

C’est normal , cette musique c’est toi et ta culture, cependant dans Casino Music il y avait cet ingrédient funk blanc qu’on ne retrouve pas dans les autres groupes.

Dans Jumbo Layer, et surtout dans le premier album, il y avait justement ce côté funk. Il a intéressé quelques aficionados. Il a généré encore des morceaux sur des compiles, ce qui m’a fait rencontrer des gens; on m’a commandé des musiques de courts et longs métrages, mais on a dû vendre 250 disques !

Tu n’as jamais fait aucune concession sur quoi que ce soit aussi. Tu n’as jamais couru après le tube.

Non.

Tu n’as jamais cherché à signer sur un gros label. C’était aussi une manière de garder intacte ton intégrité.

Oui, c’est une manière de garder mon âme probablement. Et d’être libre de mes choix. Mais tu vois, cela a été dur, car je n’avais plus BEST, plus de blé. Mais un jour, un vieux pote que je n’avais pas vu depuis longtemps écoute ma musique et il me dit : « ah mais moi je travaille dans la pub, viens donc faire des trucs avec moi. » Et pendant dix ans j’ai fait des pubs…. »

À suivre….

Voir sur Gonzomusic l’épisode 1 : Premiers émois sonics et naissance d’un BEST rock-critic: https://gonzomusic.fr/la-saga-gilles-riberolles-episode-1.html

Voir sur Gonzomusic l’épisode 3:  De fils de pub au sorcier du voodoo blues de Spirit of My My My https://gonzomusic.fr/la-saga-gilles-riberolles-episode-3.html

« Tu dis n’importe quoi » by Florence Tran et Olivier Aubert 

« Laisse le bon temps rouler » by Olivier Aubert 

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