LA SAGA GILLES RIBEROLLES Épisode 3

Spirit of MyMyMyJe ne vous présente plus Gilles Riberolles, ardent music-lover. Jeune journaliste à BEST de la fin des 70’s aux 90’s, mais aussi photographe émérite capable de shooter la pochette du « Stage » de David Bowie et surtout chanteur-guitariste dont le feeling a su si bien embrasser la musique noire à travers ses groupes successifs Casino Music, Satanic Majesties, Jumbo Layer, avant de fonder son petit dernier, l’envoutant et  swampy-bluesy Spirit of My My My, ce good dude a toujours vibré au tempo d’une rock culture qu’il a su défendre de sa plume, de sa voix ou de sa guitare. Épisode 3 :  De fils de pub au sorcier du voodoo blues de Spirit of My My My.

Gilles Riberolles

Gilles Riberolles by Olivier Aubert

En mars dernier, je louais le cool blues du bayou porté par son album « My Pleasure My Pain » avec son « one man band plus guests » Spirit of My My My ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/spirit-of-mymymy-my-pleasure-my-pain.html ), cependant Gilles Riberolles est bien plus qu’un autre excellent bluesman  ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/le-juste-coup-de-gueule-de-gilles-riberolles.html ). C’est au crépuscule des 70’s que le jeune parisien intègre la rédaction de BEST où, après sa rencontre avec Zappa, il rejoint le club très privé des envoyés spéciaux que Christian Lebrun missionnait aux quatre coins des USA et plus si affinités, comme la Jamaïque où il a entre autres rencontré les musiciens de Marley. Fan de musique, depuis les années lycée, Gilles avait déjà monté plusieurs groupes, mais c’est en 1979 que les choses s’accélèrent lorsque sa formation Casino Music parvient à signer sur le sémillant label franco-américain ZE Records pour publier le LP « Amour Sauvage », un OVNI de funkitude blanche à la Talking Head produit par Chris Stein. Des années durant, sa vie oscille entre deux pôles que sont le studio d’enregistrement avec ses groupes successifs et les reportages pour BEST. Mais c’est bien le Gilles Riberolles guitariste qui prendra finalement le dessus sur le Gilles Riberolles rock-critic, à l’instar d’un Patrick Coutin ( Voir sur Gonzomusic  https://gonzomusic.fr/?s=coutin ), animé par cet esprit du My My My. Voici le troisième et dernier volet de sa saga sonic :

 

Gilles Riberolles

Gilles Riberolles by Olivier Aubert

« Alors Gilles, à la fin de l’épisode précédent on apprend que tu deviens… fils de pub ?

J’ai effectivement eu cette chance, parce qu’on a fait une douzaine de grosses campagnes qui ont fait le tour du monde et donc ça a généré de quoi bouffer et également de quoi mettre un peu de blé de côté pour la suite.

Tu as fait des trucs que je peux connaitre ?

J’ai fait Intima en 2 ou 3 versions. J’ai aussi fait Swifter et encore 2 ou 3 versions de Astor, ce sont des cosmétiques américains.  J’ai même fait du Perla, de la lingerie italienne, des conneries mais qui m’ont permis de traverser les années. Et ça m’a permis aussi de partir à la Nouvelle-Orléans, à mes frais pour tourner deux documentaires que j’ai mis en ligne (Voir à la fin de l’article).

Et donc, ça t’a permis d’enregistrer à la Nouvelle-Orléans ?

Non, pas du tout ; tout ce que j’ai fait en musique depuis Casino Music a été enregistré à Paris, sur un coin de bureau, avec de petits ordis cheap et du matériel hyper basique… et aussi du temps… beaucoup de temps !

Mais le matériel hyper basique d’aujourd’hui est bien meilleur que certains studios de quand tu as commencé, non ?

Gilles RiberollesNon, quand même pas, parce que rien ne remplace l’analogique, les grosses bandes, la dynamique, les musiciens, les ingénieurs, les producteurs, des VU meters où tu sais exactement où tu en es, d’un point de vue technique. Quand tu fais tous ces métiers-là, à toi tout seul déjà c’est un méga challenge, mais encore plus, avec des petits ordis où la mémoire était limitée ; à l’époque de Jumbo Layer, en 2000, on était encore au temps de la disquette. Aujourd’hui, avec un petit MacBook pro de 13 pouces et un Pro-Tools de base j’ai enregistré tout l’album « My Pleasure My Pain » là-dessus, avec de petites écoutes à 300 balles.

C’est le prix de l’indépendance, non ?

C’est le prix de l’indépendance, exact.

Tu as fait ce que tu voulais, comme tu le voulais, sans rendre de comptes à quiconque label, producteur, directeur artistique ou autre connard !

Exactement.

Ça, c’est inestimable.

Je ne regrette rien, car on doit rester libre.

Gilles RiberollesAlors d’abord le nom Spirit of My My My, c’est quoi, c’est un délire ?

Il se trouve que Little Richard disait ça tout le temps « my my my » et ça me faisait marrer, c’est une expression, mais ça ne veut pas dire grand-chose. Je trouvais que cela sonnait bien.

C’est donc un hommage à Little Richard ?

Si l’on veut. Aux États-Unis, quand les gens sont vraiment étonnés, ils disent : my my my… j’en reviens pas, quoi !  Et donc ça ne veut rien dire. Tout le monde me demande : est-ce que ça veut dire quelque chose. Non, mais les Beatles non plus ça ne veut rien dire.

Ben, les scarabées… et encore ça n’est pas la bonne orthographe.

Il faut deux « e »…

En même temps, ça sonne mieux que The Riberolles Boys ! (rires). Donc on parle d’une année de travail pour le dernier album.

Ah non, beaucoup plus que ça !  C’était un truc de dingue. Je me réveillais et je me précipitais sur mon  ordi pour commencer à bosser. Ça durait toute la journée, voire toute la soirée et c’était comme ça durant au moins… trois ans !

Je comprends, le coté qualitatif de l’album qui est super tight.  Il n’y a pas de remplissage, on y trouve des compositions assez différentes les unes des autres , il y des tas d’influences…

Oui, tu as eu un bon feeling sur le disque

J’étais super heureux pour toi, quand je l’ai écouté effectivement, je trouvais cela très bien. C’est vrai qu’on a cette vieille complicité BEST, moi aussi j’ai été recruté par Alain Wais qui me croisait à radio Ivre ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/quand-le-drapeau-pirate-flotait-sur-les-toits-de-paris.html ),  qui voyait combien j’étais malheureux à Rock & Folk ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/1000.html )  et qui m’a dit un beau soir : « mais qu’est-ce que tu continues à te faire chier chez ces connards, viens plutôt  avec nous chez BEST, je te présente Christian ». Et du jour où il m’a présenté Christian, ma vie a carrément changé.

C’était en 81 ?

Fin 80. Mon tout premier numéro de BEST, c’est la couve Lennon de décembre 80  Folk ( Voir sur Gonzomusic  https://gonzomusic.fr/il-y-a-40-ans-john-lennon.html ).

Tu sais que je devais partir faire l’interview de Lennon pour la sortie de « Double Fantasy ». C’était programmé, j’avais le billet et tout. Et un jour Christian me dit : « Il est mort ! ». Je devais partir trois jours plus tard… immense tristesse !

Gilles Riberolles by Olivier Aubert

J’ai un peu vécu un peu ça avec Marvin Gaye. J’avais chroniqué « Midnight Love » et je devais l’interviewer envoyé par CBS, mais il s’est fait assassiner par son malade de père. 

En tout cas, dans ta chronique de l’album , tu as vraiment pigé d’où je venais et où je voulais en venir, tu as vraiment su le décrypter  ( Voir sur Gonzomusic  https://gonzomusic.fr/spirit-of-mymymy-my-pleasure-my-pain.html ).  

Par exemple « Hoochie Coochie Lady » c’est un titre qui m’a vraiment fait marrer.

C’est le seul qui est aussi référencé. Je l’ai fait dans un esprit un peu Coasters.

Moi, ce que j’ai surtout apprécié, c’est ce côté éclectique, à la fois jazz, à la fois blues du CD. Le dernier morceau instrumental, je l’ai trouvé particulièrement fun. Il est plein de références, plein de clins d’œil. On sent bien que c’est un album honnête. Tu ne triches pas, tu ne frimes pas, ce n’est pas du bullshit. Tu as vraiment fait ce que tu voulais, ce que tu aimais, sans chercher à plaire à quiconque. Sans concession.

On peut dire que c’est un « bullshit free » album !

Absolument. Peu d’artistes en France ont ta culture et ton expérience ; tout cela se retrouve dans ta musique. Seule frustration peut être… ne pas pouvoir découvrir ces morceaux sur scène.

Ça va se faire ; je travaille le live.

Un petit mot sur les guests qui t’ont accompagné sur cet album ?

D’abord, il y a Marc Stone, un super guitariste de New Orleans qui est originaire de New York. Il vit en Louisiane depuis 30 ans, il est aussi DJ sur WWOZ Radio, la station communautaire locale. C’est aussi la station la plus influente ; 50% de la population écoute cette radio tous les jours. Tu arrives chez des gens, ils écoutent WWOZ ; tu rentres dans une boutique, on y écoute WWOZ. Et ce n’est que du répertoire local, mais dans tous les genres, cela va du zydeco au jazz, avec des live, des disc-jockeys érudits ; il est aussi musicien un guitariste hors-pair. Un beau jour, il me dit : « Je viens en Europe. J’ai des potes en Allemagne, on va se jouer là-bas.  Tu ne pourrais pas me trouver un petit concert à Paris ? ».  Je lui ai trouvé un truc dans un bar et il est resté quelques jours chez moi. Alors je lui ai dit : « voilà mes morceaux, tu ne veux pas jouer un truc dessus ? ».  On a tout fait en une demi heure ! Quant à Tom Worrell  le claviers, il a participé à un de mes deux documentaires, c’est lui qui a fait une partie de la musique originale. C’est un ami de John Sinclair, tu veux que je raconte ou tu veux dire un petit mot sur lui ?

Avec plaisir, bien sûr.

John Sinclair

John Sinclair

Un jour Marc Zermati ( Voir sur Gonzomusic  https://gonzomusic.fr/marc-zermati-mort-du-dernier-dandy-du-rock.html )   me dit : John Sinclair, tu vois qui c’est ? Le mec qui était le manager de MC5.  C’est un poète beatnik et tout ça. Il vient à Paris faire un truc au Point Éphémère, une lecture. ». J’ai dit à Marc : « Ce serait tout de même mieux s’il y avait un peu de musique, pendant qu’il fait ses trucs ? ». Il a dit : okay. J’arrive, je vois John Sinclair. En dix secondes, nous étions juste calés. On a sorti 2 ou 3 références et le high commençait. On a joué au point Éphémère et on s’est éclatés. Et, à la suite de ça, je luis dis : « viens chez moi car j’étais à New Orleans l’année dernière et j’ai filmé, mais j’aimerais avoir une voix off pour raconter. Il voit le film et me dis : putain, tu as tout compris à cette ville, tu as tout compris à cette histoire ». Et non seulement il me fait ma voix off, mais il me dit : « Au prochain mardi Gras, en février, on y va ensemble et je vais te montrer des trucs que tu ne soupçonnes même pas ! ».

D’où ton second documentaire sur New Orléans ?

Oui, il est le guide du film. Et là on est arrivé dans l’histoire des Mardi Gras Indians, qui est un truc très puissant artistiquement parlant. Ça m’a fait comprendre plein de choses, ça m’a aussi fait rencontrer plein de gens. Et donc Tom Worrell était un copain de John et c’est comme ça que nous nous sommes rencontrés. Et lui aussi est passé à Paris, il est venu chez moi et l’occasion a fait le larron. On a enregistré ensemble.

John Sinclair, on parle bien du même John Sinclair sur lequel Lennon a fait une chanson sur le double LP « Sometimes in New York City » ?

Exactement, c’est le dernier beatnik historique, il s’est battu pour défendre la culture black de John Coltrane aux bluesmen, il  s’est battu pour la légalisation de la marijuana. Il l’a payé de plusieurs années de prison. Marc Zermati l’avait surnommé « le clochard céleste ».  C’est un mec d’une rare hauteur d’esprit, très érudit en musique. Et on a joué ensemble, car on s’était bien marré au point Éphémère, on a donné vingt concerts à New Orleans.

Et la chanteuse ?

Elli de Mon

Elli de Mon

Elli de Mon… un jour, un disquaire jazzy de Toulouse me dit : « la semaine prochaine il y a une petite nana et je pense que ce qu’elle fait va te plaire ! ». J’assiste à son petit live, une nana seule sur scène avec une pédale de boucles qui faisait des trucs assez uniques. Elle samplait son sitar, puis elle jouait par-dessus… À la fin du set, je suis allé la voir et je lui ai dit : « Je suis en train de faire un disque et si cela t’intéresse viens écouter ; on pourrait faire quelque chose ensemble. » Elle m’a à peine parlé, elle avait l’air timide ou introvertie.  Et puis pas de nouvelles. Mais deux ans plus tard, coup de téléphone. Elle me dit : « j’ai eu un enfant ; je ne t’ai pas appelé, mais maintenant je suis intéressée. » Et elle ajoute : « je prends l’avion, j’arrive la semaine prochaine ! ». Je la connaissais à peine, j’avais juste discuté deux minutes avec elle, dans le noir ! Elle débarque chez moi, je lui fais écouter les morceaux. Elle les a chantés en temps réel et on a tout fait en deux jours. Après, il y a de l’arrangement, du mix, etc…  J’ai échangé avec elle voici peu de temps et on va peut-être partir aux USA tous les deux et essayer de faire un nouveau truc là-bas. »

En route vers de nouvelles aventures dans l’esprit du  My My My, décidément Gilles Riberolles est loin, très loin d’avoir dit son dernier mot.Gilles Riberolles

 

Voir sur Gonzomusic l’épisode 1 : Premiers émois sonics et naissance d’un BEST rock-critic: https://gonzomusic.fr/la-saga-gilles-riberolles-episode-1.html

 

Voir sur Gonzomusic l’épisode 2 :  De BEST à BEST en passant par Casino Music : https://gonzomusic.fr/la-saga-gilles-riberolles-episode-2.html

 

 

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.