JEAN PHILIPPE RYKIEL « Jean Philippe Rykiel »
Voici 41 ans dans BEST GBD était particulièrement fier de chroniquer le tout premier LP de son petit frère de cœur : le prodige non-voyant du synthétiseur Jean Philippe Rykiel. Avec son feeling illimité et son extraordinaire acuité à « humaniser » ses machines comme personne, il n’avait pas encore collaboré avec Peter Gabriel, Youssou N’Dour ou encore Leonard Cohen, mais ce 33 tours éponyme augurait bien des lauriers que je n’ai jamais cessé de tresser depuis sur sa tête. Flashback…
Il est si rare dans la presse rock de publier un article sur un artiste qui n’a jamais publié de disque, c’est pourtant bien le cas avec Jean Philippe Rykiel dont j’avais déjà publié un portrait quatre mois auparavant dans le numéro 160 du légendaire mag de la rue d’Antin aux cotés de tous ceux que je qualifiais alors d’ « egonautes » capables d’enregistrer, d’interpréter, d’arranger et de produire seuls leur musique soit Stevie Wonder, Vangelis, Todd Rundgren ou encore Stevie Winwood- je n’avais pas encore découvert Prince-, excusez de peu. Sauf que l’ami Jeanphi, le fils de Sonia Rykiel, n’avait alors que vingt ans face à tous ces ainés aussi prestigieux que surdoués (Voir sur Gonzomusic SOLO STUDIOS HEROES Épisode 1 et aussi SOLO STUDIOS HEROES Épisode 2 ). Avec ce tout premier LP le claviers parisien mettait enfin son art musical sur orbite ouvrant ainsi la voie à de multiples collaborations au fil des ans. Didier Malherbe, Tim Blake, Areski et Fontaine, Steve Hillage, Catherine Lara, John Hassel, Youssou N’Dour, le Xalam, Salif Keita, Jacques Higelin, Peter Gabriel Jon & Vangelis bénéficieront tous du toucher si émotionnel des synthétiseurs de Jean Philippe Rykiel ( Voir sur Gonzomusic RYKIEL ET KOUYATÉ LA LEGENDE DU PIANO BALAFONÉ et aussi SAM RYKIEL PAR NATHALIE RYKIEL ).
Publié dans le numéro 164 de BEST
Pour voyager par la pensée, on peut choisir d’emprunter la route parallèle bordée de micro-chips que tracent pour nous les synthétiseurs. .1.1ne machine, froide et automatique ? Pas toujours. Il arrive de temps à autres que le feeling déchire la carapace de métal et de composants pour catalyser la sensibilité de celui qui l’emploie. Jean-Philippe a su préserver un sens inné de la fraîcheur et de la naïveté qui perce à chaque instant dans la musique de son premier album. Il a lui-même choisi son terrain, le studio Ephémère, planté dans son living room où, pendant trois mois, il a enregistré seul douze compositions instrumentales. Dans son périple, JP.nous amène sur un continent synthétique, « Welcome », une savane rythmée et chaleureuse où il ne manque que les cris des grands fauves. Traveling au synthé, l’Afrique des percussions vole dans ma tête ; à force, on oublie même leur origine électronique. « Fair Light » qui ouvre la première face me rappelle un peu Stevie Winwood. Une mélodie qui coule doucement et qui vous donne un peu le vertige. Le trip de Jean-Philippe passe aussi par le sud de la France avec « Occitan Rock ». Il se poursuit jusqu’aux dédales des neurones avec « Tao », une composition pleine d’amertume et de mélodie. Jean-Philippe est un drôle de touche à tout. Il jongle avec les styles et les instruments, comme avec les influences. Musicalement, ses mentors s’appellent Rundgren ou Vangelis parce que c’est vraiment du même esprit dont il s’agit. Jean-Philippe a la grande chance d’imprimer une identité à sa musique. Il peut se laisser glisser vers le jazz rock (« End of A Party ») ou la soul blanche (« Another Peaceful Fight »), le grand trait commun, c’est la sincérité. Cet album « Jean-Philippe Rykiel » ne gagnera peut-être pas le sommet des charts : il est la négation de tout critère commercial. JP a choisi la beauté comme paramètre, certains, comme Jarre, lui préfèrent la rentabilité, c’est un choix. Personnellement, je n’échangerai pas mon bol d’air de Rykiel contre deux jarres de Baril. 😂
Publié dans le numéro 164 de BEST daté de mars 1982