JANET JACKSON « Rhythm Nation 1814 »
Voici 30 ans dans BEST, GBD retrouvait après 3 ans de silence, la p’tite Ginette, benjamine surdouée du clan Jackson avec son « Rhythm Nation 1814 ». Toujours cornaquée par la team Flyte Tyme de Jimmy Jam et de Terry Lewis à Minneapolis, Janet Jackson délivrait à nouveau une invincible bordée de hits irrésistiblement funky qui font de ce 4éme album le digne successeur à succès de son prodigieux « Control ».
Janet, la dernière née de la prolifique famille Jackson, était aussi incontestablement la plus douée, sans doute après Michael. Néanmoins, lors de ma première rencontre avec la benjamine de la famille pour la sortie de son second LP « Dream Street » 1984, je n’aurais pas parié un million de dollars sur l’avenir de la petite. Pourtant, s’il n’était pas aisé de grandir à l’ombre de la gloire époustouflante des grands frères, elle constituait aussi la meilleure des écoles. Ainsi, au plus fort de la popularité des Jackson 5, petite Janet suivait pas à pas ses frangins. Papa Joe Jackson, le patriarche violent et autoritaire qui manageait ses enfants à la trique, la pousse peu à peu en avant. Et aux shows pailletés de Las Vegas, seule sur scène, elle a longtemps servi d’apéritif avant le funk pop des Jackson 5. Mais c’est d’abord la comédie qui fait vibrer Janet. Elle vient tout juste de fêter ses 14 printemps lorsqu’elle parvient à décrocher un rôle important de la série pour ados “ Fame ”; Janet enchaînera avec une autre série TV “ Different Stroke ”, mais elle ne résistera pas longtemps à l’appel de la musique. Lorsqu’elle signe son premier contrat d’artiste avec A&M, elle n’a pas 16 printemps. L’absence de maturité s’en ressent, ses deux premiers albums, l’éponyme et mièvre“ Janet Jackson ” et “ Dream Street ” au funk mou et fleur bleue laisseront le public indifférent.
Pour échapper à son tyran de paternel- manager, elle tombe dans les bras du chanteur R and B James De Barge, mais leur mariage est un échec et ne durera que quelques mois. C’est juste après cette rupture que je rencontre pour la première fois Janet, dans l’imposante propriété familiale d’Encino. Elle a tout juste 18 ans, mais la similitude physique et vocale avec Michael est déjà troublante. Dans un décor de salon rococo où s’entassent disques d’ors et autres reliques, la p’tite Janet a toujours son rire enfantin. Scène de la vie quotidienne, Katherine Jackson range ses commissions dans la cuisine à côté. S’il n’y avait pas tous ces trophées, ces cygnes dans l’étang artificiel et toutes ces voitures de sport et autres limousines alignées sur le perron, on se croirait presque dans une famille US middle class type. Heureusement, le dieu du funk veillait sur Janet puisque quelques années plus tard grâce à la magie des Flyte Tyme brothers de Minneapolis, Jimmy Jam et Terry Lewis, sa carrière prend enfin son envol percutant enfin le mur du son avec « Control » ( ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/janet-jermaine-les-jackson-two-de-1986.html ). Trois ans et demi plus tard la p’tite Ginette récidive avec ce « Rhythm Nation 1814 » joyeusement insurgé et boosté des hits « Miss You Much », « Escapade » et le puissante title-track « Rythm Nation » Flashback…
Publié dans le numéro 256 de BEST
La môme Jackson prouve que, contrairement à son Michael de frère, elle au moins, a des bonbons et qu’elle ne craint plus de les exhiber. L’autre peut toujours se raboter le nez ou se peroxyder les tissus en s’entêtant à nous faire croire que « Nous sommes le Monde » et qu’il est rose bonbon comme le cul d’un flamand de MIAMI VICE, tout en continuant à prétendre que son intense vie sexuelle se limite à un ménage à trois entre son singe et son boa. Gasp ! Sur son LP précédent « Control », Janet prônait sa propre libération du microcosme familial – dix-huit ans de management par papa Joe Jackson ça vous marque une fifille- , aujourd’hui toujours épaulée par le duo-choc et minnéapolitain de Flyte Tyme, Jimmy Jam et Terry Lewis, Janet s’arrache à son cocon de petite bourge pour descendre dans la rue et se pencher sur la crise, le crack, les sans-foyer et tous les gamins naufragés du miracle économique. Sous-titré « 1814» ce « Rhythm nation » remonte jusqu’au premier signe de réveil d’une conscience noire, lorsque le Président Andrew Jackson- tiens, tiens- autorise les maitres blancs a libérer leurs esclaves à condition qu’ils s’enrôlent dans l’armée de I’Union. 1814 voit naitre dans I’État de New York les premiers régiments noirs, c’est aussi le symbole de l’éveil d’une Nation. Quant au contenu musical, il contient bien assez d’étincelles pour mettre le feu aux poudres. Funk à la pointe de la techno, « Rhythm Nation » est aussi vertigineux qu’une téléportation jusqu’aux 90’s. Pour réaliser cette super-production en blackitude futuriste, les producteurs Jimmy Jam et Terry Lewis n’ont pas lésiné sur les moyens en reformant carrément leur ancien groupe, le légendaire Time, challenger du Kid dans « Purple Rain », avec Jesse Johnson et son frangin Jellybean. Certes, sans la poussée hard core rap des Public Enemy et autres NWA, jamais Janet n’aurait osé balancer son « Rhythm Nation » comme un pavé dans la mare. «La dope et le crime se répandent dans la rue/ Les gens ne trouvent même plus à manger/ Nos gosses ne peuvent même plus jouer dans la rue/Tel est l’état du monde d’aujourd’hui… » Entrecoupé de news télé et radios, un titre comme « State Of The World » reflète tous les nouveaux combats de Janet. Et si Prince chantait déjà les mêmes thèmes dans son « Sign O The Times » ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/prince-sign-%e2%98%ae%ef%b8%8f-the-times-super-deluxe.html ) voici deux ans, cela prouve bien que Minneapolis n’a rien perdu de son extraordinaire créativité. «Rhythm Nation» et ses zappings n’ont pas fini de nous secouer dans un cross-over scénarisé catastrophes. Janet, ma poulette cette fois tu mérites bien le jack(son) pot.
Publié dans le numéro 256 de BEST daté de novembre 1989