PRINCE « Sign ☮️ the Times » Super Deluxe
C’est un géant, voire un monument, presque un continent, tellement plus vaste que son double CD d’origine de SEIZE titres qui était pourtant déjà si puissant. Mais cette vertigineuse réédition de « Sign ☮️ the Times » forte de ses CINQUANTE-HUIT inédits et/ou Mixs alternatifs et/ou remixs ainsi que d’un live de DIX-HUIT titres capturés fin 87, vous comprendrez aisément le tombeau de Toutankhamon, la pierre de Rosette que représente ce 9éme album charnière de Prince dans l’avènement de son royaume de Paisley Park.
Cela n’est pas la première fois que je vous bassine avec Prince et le Paisley Et rassurez-vous, je n’ai pas fini… la preuve ! Flashback intense, dans l’écho d’un enivrant funk princier, version juste aussi hallucinante qu’enfièvrée de « La, La, La, He, He, Hee », qui était déjà la face B d’un des maxis de l’album, si justement sous-titrée « highly explosive », je me souviens de cette ballade au parc psychédélique du Kid. Certes, ce n’était pas un musée comme aujourd’hui, débordant d’articles princiers au sens Elvis in Graceland du terme. Si vaste, si clair, si clean, mais aussi si vide, le Paisley Park n’avait été ouvert que deux semaines auparavant Park ( Voirs sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/minneapolis-et-le-parc-psychedelique-de-prince-episode-1.html et aussi https://gonzomusic.fr/minneapolis-et-le-parc-psychedelique-de-prince-episode-2.html ). Studios A et B, salles de répète et de danse, ateliers divers, soud-stage taille cathédrale, cependant ce qui m’avait le plus marqué, c’est la visite dans les sous-sols du studio où le Kid entreposait un incroyable bric-à-brac de décors de tournées, de flights cases, d’instrument … c’est aussi là que j’avais retrouvé la grosse Honda de « Purple Rain » sur laquelle mon équipe de tournage s’était amusée à me filmer. Et, justement là juste à quelques mètres se trouvait ce qui était déjà le lieu le plus précieux du PP : la fameuse chambre forte, « the Vault » où le génial nain pourpre stockait déjà ses innombrables bandes. Or, c’est justement de cette cave aux trésors que sont issus tous les joyaux qu’on découvre aujourd’hui dans ce coffret 7 CDs+ 1 DVD. Et dans ce coffre-là, on peut parier sans crainte qu’il y en a des centaines d’autres. Elvis et 2PAC seront j’en suis certain battus à plate couture par Prince qui vivait quasiment en permanence dans un studio d’enregistrement et capturait des kilomètres de bandes.
C’est à ce moment certes qu’il faut se poser la légitime question déontologique : s’il avait décidé d’écarter tous ces remixs et autres inédits avons-nous le droit de violer le secret du Purple Pharaon ? Peut-être jugeait-il ces enregistrements indignes d’être partagés ? Peut-être voulait-il les garder pour lui ? Ou peut être les formats dicographiques de l’époque ne permettaient absolument pas de publier un album long de 7 CDs et, dans ce cas, il a du faire des choix cornéliens pour arriver à faire tenir l’essentiel sur un double-CD. La preuve, puisque « Sign ☮️ the Times » devait être baptisé « Crystal Ball » et contenir au moins TROIS CDs. Hélas, Prince n’est plus là pour lever nos doutes, alors sans jouer les profanateurs de sépultures, plonger dans tous ces nouveaux vieux sons se révèle juste grisant. Via une démo bien rock, on découvre ainsi que la délicieuse « I Could Never Take the Place of Your Man » a en fait été composée… en 1979, soit l’année de son second et éponyme LP… et c’est juste vertigineux qu’il l’ait juste remisée durant HUIT années sur une étagère. Impossible de vous parler de chacune de ses pépites sous peine de rédiger une chronique de 32 pages.
Cependant, comment résister lorsque Prince se fond dans la peau du Marvin Gaye de son mythique « Vulnerable » pour vocaliser la sensuellissime « Adonis and Bathsheba » ? Ou encore la puissante « Witness For Prosecution » aux guitares enfiévrées dignes d’un LP de métal ? Prince nous rappelle également son incroyable sens de l’humour avec la version « à l’envers » de « A Place In Heaven »- ici en 2 versions vocalisées, l’une par Prince, l’autre de la révolutionnaire Lisa coleman- qui devient ici la givrée « Nevaeh Ni Ecalp A ». Irrésistiblement funky sur « The Cocoa Boys » ou encore sur « Emotional Pump », franchement sous cette avalanche de super sons, on ne sait guère plus où donner de la tête. Puissant et gospel profane sur « Walkin’ In Glory » ou soul profonde au sens James Brown du terme sur la brulante « I Need A Man », Prince prouve encore si l’on pouvait en douter combien il avait de facettes différentes. La preuve par ce quasi- reggae aussi sarcastique que nonchalant « There’s Something I Like About Being Your Fool” aux faux airs de “Cherry Oh Baby”. Il faut mentionner aussi le blues acoustique « Forever In My Life » qui fait battre nos cœurs juste un peu plus vite, tout comme l’angélique « Crucial » . Enfin, il faut aussi citer cette rencontre inédite, mais plus impro mi-figue mi-raisin avec Miles Davis aux puissants barrissements cuivrés si distincts, le bien nommé « Can I Play With U ». Et je ne parle même pas du live fracassant à Ultrech de ce qui constitue sans doute la meilleure tournée du Kid de Minneapolis pour tous ceux qui se souviennent de ses CINQ concerts de folie donnés à Bercy dans son décor urbain digne des plus grands show des Stones. Vous l’aurez compris ce « Sign ☮️ the Times » version super-deluxe compte incontestablement parmi les 10 meilleurs disques de cette étrange année 2020, un rayon de solaire sonique dans notre brouillard quotidien et cela, jeunes gens, n’a tout simplement pas de prix.