FRAKTURE “So Blind To See”
C’est sans doute le premier album que son public aura attendu le plus longtemps : 43 ans, en tout, depuis que Frakture a poussé ses premiers cris dans les rues de Rennes. Qui vient à point à qui sait attendre n’aura jamais autant pris son sens, avec ce fracassant et sombre « So Blind To See ». Welcome back, les ex Marquis de Sade et Marc Seberg, Sergeï Papail et Pierre Thomas, portés par un rock forcément intemporel de pure inspiration British…avec Frakture-le-groupe-qui-dure 😜
Ce sont onze compositions radieuses, sous leur noire pochette, mais ces anciens « jeunes gens modernes » ne sont pas à un paradoxe près. Il faut dire que Frakture et moi, c’est une longue, une très longue histoire. En décembre 1980, à mon arrivée à BEST et en suivant la suggestion de Pierre René-Worms, j’avais assisté à la seconde édition des Transmusicales de Rennes. Or, parmi les Marquis de Sade, Etienne Daho Junior et autres les Nus, Orchestre Rouge et les Espions, j’avais assisté à la performance de…Frakture. Et, dans ce BEST N°151, sous sa couverture Téléphone, pas convaincu par leur rock bancal, entre hard-rock et Rolling Stones, j’allumai Frakture, me demandant alors : « comment on dit-on « bof « en breton » ? ». Mais, un mois plus tard, déjà de retour à Rennes pour « couvrir » le rock de la ville qui s’imposait alors en tant que capitale du rock hexagonal, pour le numéro 152 de Mars 81, mon quatrième BEST, avec le Clash en couverture, dans l’appart de Philippe Pascal ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Marquis+de+sade ) je rencontrai un certain Serge, écrivant alors :
« Serge est un bassiste qui sait aussi chanter. Serge est l’ancien bassiste de Frakture, dont la prestation aux Trans était plus que contestable ; or deux factions s’opposaient au sein du groupe : le côté hard et le côté cold. Serge partisan du côté cold a quitté le groupe. Et rejoint Marc Seberg CQFD ! Parallèlement à Marc Seberg, et grâce au re-recording, il entreprend une carrière solo sous l’appellation Sergeï Papail. Il compose et écrit en allemand, car il est fasciné par l’esthétisme clean d’outre-Rhin. « Je veux écrire un scénario pour chaque chanson, c’est la seule manière de dépeindre vraiment un climat » disait-il alors…. C’est bien le même Sergeï qui assure aujourd’hui chant et basse de ce Frakture type MK II. Et « cold » reste toujours aussi beautiful ! Quant à Pierre Thomas, c’est encore une autre connaissance de la même époque. J’avais rencontré l’ex-batteur de MDS, qui œuvrait désormais aux côtés d’Arnold Turboust au sein des Private Jokes, au studio DB où le groupe de Nantes enregistrait alors. Pour cet article « historique », il faut avouer que le jeune GBD ne lésinait pas à la tache : j’avais vu, entendu et parlé en tout à 25 groupes, dont certains vraiment improbables, tels les Roll Mops, Graffity, Adrenaline, Hôtel, Engeance, Goret, Chaos Media, Moody Rapaces Band, P38, Anne Franck, Mecanique Rythmique, Défense d’afficher, Retrait de Permis ou encore Mickey N’ Stein .
Trois décennies plus tard, comme le Phénix renaissant de ses cendres, je succombe à nouveau aux compositions chromatiques de Frakture, boosté par Pascal Karels ( guitariste et ex MDS) ainsi que par Laureline Prodhomme (basse). Biberonnés par Frank Darcel, photographiés et clippés par le talentueux Richard Dumas, produits par Dave M. Allen, qui a signé la réalisation d’albums pour the Cure, Sisters of Mercy, the Psychedelic Furs ou Depeche Mode, la formation de Serge s’inscrit largement dans la légende des groupes de Rennes, à l’instar des formidables Nus ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/les-nus.html et aussi https://gonzomusic.fr/les-nus-enfer-et-paradis.html ), Ubik ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Ubik+ ) ou encore Dominic Sonic ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/lautographe-du-best-252-tous-les-concerts-de-mai-1989.html ). Dés le premier titre « Broken Ways » tout en clair-obscur on est téléporté dans une new wave rugueuse qui rappelle étrangement Marc Seberg, tandis que le sulfureux « Geisha’s Love » à la fois en français et en anglais évoque les guitares vibrantes des Psychedelic Furs. Mais c’est avec « Lost In Heaven » que mon cœur va battre le plus fort : son riff sonne comme u tout autre heaven… celui de Cure, comme dans « Just Like Heaven » et c’est tout simplement… paradisiaque ! Sombre et torturé avec « Flies », country mélancolique passée à la chaux vive pour la chanson-titre “So Blind To See”, retour vers le futur de MDS avec la troublante « Insectes », fulgurante « Caresses d’un abîme » ou tout simplement hit rock en puissance avec « Les ombres de décembre », Frakture-le-groupe-qui-dure 😜 ne manque décidément pas de cordes à son arc pour toucher sa cible.