CHIC « Take It Off »
Voici 41 ans dans BEST GBD découvrait enfin le LP de Chic qu’enregistraient Nile Rodgers et Bernard Edwards au mythique Power Station Studio à l’été 1981 lors de leur première rencontre. Intitulé « Take It Off », comme ils l’avaient déjà révélé à l’envoyé du mag de la rue d’Antin, le cinquième épisode des aventures de la formation funky-rock de New York City semblait devoir tenir toutes les promesses de son ardente fusion musicale, perforant au passage le fameux « plafond de verre » qui empêchait jusqu’alors aux blacks de s’aventurer sur le terrain rock. À l’instar d’un Prince, Chic allait contribuer à cette nouvelle liberté sonique… flashback !
Sortie en octobre 1981 dans BEST, ma première interview avec Nile Rodgers ( Voir sur Gonzomusic CHIC… MA PREMIÈRE RENCONTRE AVEC NILE RODGERS… Part One et aussi CHIC… MA PREMIÈRE RENCONTRE AVEC NILE RODGERS Part Two ) évoquait justement ces barrières raciales entre les noirs et les blancs qui restaient encore à abattre. Et c’était justement toute la thématique de ce « Take It Off » : retirer tous les artifices, se mettre à nu pour bien montrer qui on est vraiment et qui on ne veut décidément plus être. Certes Chic ça n’est pas les Black Panthers, mais à sa manière le combo de Nile et Bernard a su faire avancer les choses… en produisant une musique certes légère et insouciante mais qui n’a jamais tourné le dos à son héritage tout en osant la téléporter vers des territoires neufs, c’était bien là toute l’élégance de Chic !
Publié dans le numéro 163 de BEST :
Allons bon, les Chic ont décidé de se désaper ? On retire tout et on recommence. Niles m’avait pourtant bien fait la leçon, l’été dernier, au Power Station, tandis qu’il était en train d’enregistrer ce « Take it Off ». Eh non, Chic ne tombe pas dans le sex show cheap. Bernard Edwards et Nile Rodgers ont simplement ressenti le besoin de jeter, une bonne fois pour toutes, le déguisement bon chic bon genre qu’ils avaient choisi d’adopter pour gagner. « Take it Off », c’est surtout on montre tout, le feeling, la conception de la musique : aujourd’hui, Messieurs Dames, on tient la queue du Mickey, on est des stars, donc on ne va pas continuer toute notre vie à planquer nos vices. D’abord, il y a l’amour du rock… de quoi… de quoi, hé mec les spirituals, le disco et les champs de coton, c’est bon pour les nègres de papa. Nous, on vit à New-York City, t’as entendu parler ? Alors, l’énergie des rues, ça nous connaît : le flip de la cité où la fumée te fait cracher ta haine ou ta joie. Bref, puisqu’il faut tout t’expliquer métaphysiquement, on plonge tous dans le même bain d’influences. La musique, c’est comme les hommes, les styles se métissent. Au bout de la chaîne d’évolution, bonhomme, il y a nous et un rock universaliste, teinté de funk, de rythmes africains, insulaires et, pourquoi pas, martiens. Bernard et Nile avec « Take it Off » désintègrent une bonne fois pour toutes leur complexe du ghetto. Avec des gens comme Prince, ils parviennent enfin à gagner un terrain qui leur était jusque-là interdit. La preuve, sur le morceau, « Take it Off », le dialogue s’engage entre la guitare de Nile, la basse de Bernard et les cuivres des Brecker Brothers. On n’est pas très loin du son des Doobies ou de Chicago. Quant à « So Fine », en dehors des chœurs Alfa et Luci qui chantent plutôt black, j’ai presque l’impression d’écouter du Steely Dan. Si ça continue, à cause de ces empêcheurs d’étiqueter en rond, je vais devoir corriger le système de rangement de ma discothèque ; si AC/DC se met à faire du funk, j’engage un ordinateur pour me reclasser tout ça.
Publié dans le numéro 163 de BEST daté de février 1982