MATERIAL BOY

MaterialVoici 41 dans BEST GBD était juste sidéré de rencontrer à Paris l’extra-terrestre gourou de Material, monsieur Bill Laswell qui allait nous révéler tous les secrets de son hallucinant free-funk du Troisième Type. Le lider maximo de Material publiait alors ses premiers vinyles sur le label indé Celluloïd de Castro et Karakos… quelques années plus tard il deviendrait l’un des producers les plus prisés de la scène New Yorkaise, mais en février 82 le natif de Salem, Illinois était encore un novice de l’ITW. Flashback…

JMaterial’avoue : j’avais été sidéré par l’imagination, la folie, la démesure et surtout l’audace de « Memory Serves », le second 33 tours de Material sorti  peu de temps auparavant sur le label Celluloid de Gilbert Castro et de Jean Karakos. Ces deux-là furieusement indépendants avaient un véritable flair pour dénicher  des artistes remarquables, souvent à contre-courants et toujours novateur avaient déjà révélé Tuxedo Moon, James Chance ou même le Soft Cell de « Tainted Love », avant de s’aventurer avec le succés que l’on connait sur les terres vierges de la World Music révélant Toure Kunda ( voir sur Gonzomusic  ) Youssou N’dour, Ismael Lo, Mory Kanté, Cesaria Evora …

Héros new yorkais de la « No Wave », Material fonctionnait plus à la manière des formations jazz que des groupes de rock. D’ailleurs Bill Laswell, sa locomotive n’était-il pas bassiste ? Entouré de Michael Beinhorn aux  chants, synthés et guitares ainsi que de Fred Maher, batterie percus et guitares, Laswell à cette aube des 80’s laisse libre cours à son imagination. Et c’est tout ce qui fait la force du groupe, cette fusion intense où les guitares distorsionnées de Hendrix percutent joyeusement le free jazz de Miles Davis. C’est sans doute cette expérience de liberté totale sonic  avec Material qui permettra ensuite à Laswell de devenir l’un des producteurs les plus inventifs de sa génération œuvrant aux cotés de Sly et Robbie, de Mick Jagger, les Ramones, Motörhead,  Iggy Pop et bien d’autres… mais c’est encore une autre histoire du rock…

Publié dans le numéro 163 de BEST sous le titre :Material

FREE FUNK

En 82. qu’est-ce qui tue encore les groupes? Le DDT de la presse rock? Le laminage des radios ? Le garrot des maisons de disques ? Pas du tout. Pour les groupes, c’est marche ou crève. Lorsqu’ils crèvent, c’est qu’ils se sont trop tapés sur la gueule ou surtout qu’ils n’ont plus rien à raconter. Pour échapper à l’implacable jeu de la routine et déjouer le vicious circle LP/Tour, Laswell, Fred Maher et Michael Beinhorn ont inventé Material, le premier groupe intérimaire. En effet, chaque nouvel enregistrement est une aventure musicale dont les acteurs sont différents. Material ne craint pas d’officialiser la pratique du « guest star », l’invité vedette qui vient faire un tour de sillon, sauf que celui-ci, contrairement aux us habituels, devient aussitôt un Material bon teint. Le groupe fonctionne un peu comme une association 1901 autour de Bill, le bassiste, Fred, le batteur, et Michael, le claviers. Imaginez une rue un peu sordide du décor new-yorkais et ses escaliers de secours qui ont les pieds dans le vide. Le studio autogéré de Material occupe un loft de Brooklyn. Si vous posez une fesse sur la borne d’incendie en bas de l’immeuble, vous verrez que l’endroit ne manque pas d’animation : James Chance, Nona Hendryx, Miles Davis. Eno, Byrne, Raymond Jones ( Chic), Don Cherry, Fred Frith et quelques autres en sortent bras dessus bras dessous.

MaterialMaterial est le bastion avancé d’une scène new-yorkaise que l’on peut qualifier de « free-funk », un mélange suave et intellectuel de jazz, de rock, de funk et de quelques bizarroïdes homo sapiens branchés sur jack, Material est avant tout un repaire de superbes musiciens, maîtres de leur technique et qui sont tous plongés dans le même bain : New-York, la « Grosse Pomme », the City, Babylone… Pour m’expliquer la collaboration Debbie Harry/Chic, Nile Rodgers m’avait raconté que pour les musiciens, New-York est une base commune, un way of lite qui permet les associations les plus audacieuses parce que, de toute façon, les racines sont communes, La preuve : Chic, Funkadelic, Talking Heads, Eno et Material préparent un second volet des récentes aventures de Nona « Bustin’ Out » Hendryx. Bill Laswell était de passage à Paris pour préparer la tournée Material de février, tandis que « Memory Serves », son second album, sentait encore bon le vinyle tiède des usines Vogue de Villetaneuse. Croisé dans un café, Bill est l’image même du musicien sérieux. Il me trace direct les grandes lignes de Material : « On va aussi loin que l’on aime la créativité musicale des musiciens que nous intégrons à Material ; disons que nous traçons des limites au sein desquelles les musiciens sont tout à tait libres. L’invité écrit sa propre partition et touche ainsi sa part de royalties, nous échappons ainsi à l’esprit de session, c’est plus sain »• Lorsqu’il rentrera à Manhattan, Bill ne sait pas qui aura déboulé dans son studio pour un trip Material, mais c’est la facette excitante du groupe. Ce funk melting pot nous réserve un certain nombre de surprises, je n’en ferai certes pas mon plat quotidien car un poil indigeste intello, mais de temps en temps… on s’en régale !

Publié dans le numéro 163 de BEST daté de février1982BEST 163

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