BRYAN FERRY and AMELIA BARRATT « Loose Talk »

Bryan-Ferry-Amelia-BarrattPour la toute première fois l’ex-chanteur de Roxy Music signe une œuvre à quatre mains pour un dialogue artistique envoûtant mené avec la plasticienne et poétesse Amalia Barratt  qui ne baratine pas vraiment intitulé “Loose Talk”, un disque hybride, entre spoken word intimiste et textures sonores élégantes. Une œuvre minimaliste, troublante et hypnotique dans laquelle plonge Bryan Ferry avec une délectation qui ne saurait laisser un JCM indifférent.

Bryan-Ferry-Amelia-BarrattPar Jean-Christophe MARY

 

 Bryan Ferry ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Bryan+Ferry  ), icône du glam rock britannique et dandy éternel, n’a jamais cessé de chercher de nouvelles voies d’expression. À 78 ans, l’âme de Roxy Music, qui a tant influencé Bowie ou encore sn frère d’armes es années glam’ Eno, surprend encore. Pour ce “Loose Talk”, qui marque son retour à la composition originale depuis “Avonmore” en 2014( Voir sur Gonzomusic BRYAN FERRY de « Avalon » à « Avonmore » ), il s’est associé à Amalia Barratt, artiste plasticienne, performeuse, poétesse et peintre, formée à la Slade School of Fine Art. Ensemble, ils ont composé une œuvre hors normes, où la parole se fait confidentielle, presque murmurée, et où la musique, d’une rare élégance, agit comme une nappe feutrée, subtilement texturée. D’entrée la pochette frappe par sa simplicité : un combiné téléphonique noir, trône au centre d’un cadre épuré. Symbole d’une époque révolue, ce combiné est comme le prolongement visuel de l’album, une esthétique de la discrétion, toute en demi-teintes, faite de mots retenus, de confidences à peine dites.

Bryan-Ferry-Amelia-BarrattL’album s’ouvre sur « Big Things » et ces nappes sonores feutrées, suspendues entre musique de chambre électronique et ambient évanescent. La voix nue et monocorde d’Amalia Barratt, se pose sur une trame de claviers cotonneux, de nappes synthétiques, comme en apesanteur. Ce titre entre le rêve et le réel est une confidence murmurée où chaque mot est chargé de pesanteur discrète mais dense.  « Stand Near Me » est un spoken word où la proximité émotionnelle est au cœur du message. La mélodie douce, la ligne de basse ronde et les accords syncopés enveloppent la voix de Barrat créant une atmosphère intime. Plus étrange, presque dadaïste, « Florist » dessine lui le portrait poétique d’une fleuriste invisible, dans une ville sans nom. La diction saccadée de Barratt évoque la mécanique quotidienne, tandis que les arrangements avec ces bruits d’ambiance, forment un décor presque cinématographique. Bryan Ferry accompagne au piano, dans un style spectral proche d’Erik Satie, pour un rendu aussi poétique que cinématographique. On pense aussi à Laurie Anderson.  Dans la continuité, mais cette fois sur une rythmique faussement groove « Cowboy Hat » combine une basse subtile et des nappes de cordes sur des paroles ludiques. Dans « Demolition » Amalia  Barrat parle comme on penserait à haute voix. Pour soutenir ses mots qui évoquent une déconstruction intérieure Bryan Ferry soutient la tension avec une trame sonore faite de textures sombres, de bruits étouffés et de claviers tremblants.

Bryan-Ferry-Amelia-BarrattPremier single extrait de l’album, “Orchestra” est une pièce maîtresse, un sommet d’élégance trouble où les arrangements orchestraux luxuriants se marient à une narration poétique, illustrant la synergie entre Ferry et Barratt. Là encore Bryan Ferry pose une base harmonique somptueuse, presque cinématographique. En contraste avec le reste de l’album, la musique de « Holiday », adopte un ton presque lounge, avec ces claviers rétro 80’s, ces touches de guitare électrique et ces percussions feutrées qui rappellent les heures les plus stylisées de Avalon. Plus contemplatif « Landscape » est un spoken word qui ressemble à une pause méditative. Le texte, presque un haïku, est posé sur une trame sonore ambient, aérienne ou Brian Ferry distille ses accords de piano. « Pictures On A Wall » a des allures de chanson fantôme. La voix est filtrée, comme si elle venait d’un vieux poste de radio. L’instrumentation, discrète, semble flotter dans une brume nostalgique. Un très beau moment de mélancolie contenue. Porté par une basse ronde et un piano aux accords qui emplissent l’espace « White Noise » semble flotté hors du temps.  Clé de voute de l’album, le texte de Loose Talk symbolise la complexité des communications humaines comparée ici une course folle en voiture. Porté par une rythmique soutenue, des textures sonores electro et claviers en apesanteur, le titre fait penser aux œuvres atmosphériques de Brian Eno. Avec Loose Talk, Bryan Ferry et Amalia Barratt livrent une oeuvre musicale à la croisée de l’album, du livre de poésie sonore et de la performance théâtrale. Rarement Bryan Ferry n’avait semblé aussi libre, aussi délié des formats. Quant à Amalia Barratt, elle pose sa voix comme un instrument majeur de cette œuvre fragile et forte. Un disque à écouter en tendant l’oreille comme si on écoutait un recueil de poèmes, à voix basse, le soir.

 

 

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