VIVE LE ROCK INSURGÉ DE THE LAST INTERNATIONALE
C’est seulement leur deuxième album, et pourtant c’est comme si nous les avions connus depuis toujours, comme de vieux jeunes amis pour la vie. Porté par son incandescent « Soul On Fire », le rock-blues révolutionnaire du power duo The Last Internationale est sans doute ce qu’il nous arrive de mieux de la cote Est des US of A depuis les White Stripes. Rencontre aussi cruciale que candide avec Delila Paz et Edgey Pires, entre conscience politique et good vibes, un cocktail énergétique vital dans ces jours si…confinés.
Elle, brune, regard perçant, look rock, comme une jeune Chrissie Hynde et voix puissante gorgée de blues, entre Janis (Joplin) et Grace ( Slick). Lui, brun, cheveux longs, cuir noir et guitare affutée au fil du rasoir pour un énorme son entre Jimmy Page et Jack White. Mon tout constitue the Last Internationale, duo insurgé formé depuis 2008, sous l’aile protectrice de leur fameux producer, Tom Morello du colossal Rage Against the Machine. Ils ont à mes yeux les petits-fils spirituels de Blondie, de Television et des Talking Heads. Et il n’est donc pas surprenant que leur « Soul On Fire », portée par son invincible blues-rock, ait su me faire fondre comme neige au soleil. Incontestable album de l’année, il n’a pas fini de rythmer 2020. Par conséquent, fin février, dans un autre monde, bien avant la fucking crise mondiale du Covid-19, j’ai tendu mon micro à Delila Paz et à Edgey Pires, pour la plus cool des ITW, en totale complicité, rythmée de joyeuses et insouciantes crises de fou-rire. Rock on…
« Connaissez-vous bien les paroles de « L’internationale » ?
Edgey Pires : Heu…non, on ne la chante jamais…
Sur le refrain… que trouve-t-on exactement après : « C’est la lutte finale … ?
E : Tu sais toi (à Delila)…qu’est-ce qu’il y a après…aucune idée, je t’ai dit on ne la chante jamais, même si nous l’avons écoutée en russe, portugais, allemand, en espagnol même…
Pour info, c’est une chanson française, sans doute la plus chantée au monde et elle est signée Eugéne Potier et Pierre Degeyter…et après c’est la lutte finale on trouve…groupons nous/ et demain/ l’Internationale/ sera le genre humain… ». Alors, dites-moi pourquoi avoir choisi ce nom ? À cause du côté engagé de votre musique ?
Delila Paz : Oui, d’ailleurs la première chanson que nous avons écrite ensemble était une composition folk intitulée « Workers of the World Unite » et nous avons choisi note nom à peu près au même moment, c’était vraiment la naissance de notre groupe. Et puis, ce nom ne sonne pas vraiment comme un nom de groupe habituel, mais plus comme un mouvement. Nous voulions aussi exprimer ainsi toute l’urgence qui anime ce monde, voilà pourquoi nous somme the last/ la dernière Internationale. Nous voulions en fait être une force plus qu’un groupe.
Également vous avez pris ce nom à cause de son côté universel : c’est le même mot dans tout un tas de langues…comme the Police !
D: C’est vrai.
Comment vous êtes-vous rencontrés tous les deux ? C’était à New York ?
E : Oui, c’était même à une manif. Après on n’a pas cessé de faire des petits concerts, des shows underground, des expos, des benefits, des manifs, des sit-ins, y compris jusqu’à Washington DC. C’est une rencontre qui s’est vraiment faite de manière totalement naturelle. En fait, on habitait très proche l’un de l’autre. On se retrouvait dans un petit café, près de chez nous, qui s’appelle le Witches Broom ( le balais de sorcières). On n’a pas cessé de se voir. Elle avait sa guitare et chantait du Woodie Guthrie et plein d’artistes que je ne faisais alors que découvrir. Comme Son House. Et surtout, je l’ai entendue chanter. En l’écoutant, elle m’a littéralement vrillé le cerveau. Sans parler de l’incroyable aura qui l’entoure. Elle était comme un anachronisme, comme si elle sortait d’un vaisseau spatial ou qu’elle débarquait d’un autre temps. Et sa voix était puissante, c’était la voix d’une chanteuse de soul. C’était dingue, je n’avais jamais rien entendu de tel. Elle chantait comme Joan Baez. Avec le même vibrato. Certes, elle a étudié le chant classique. Mais tout de même. Elle peut vraiment chanter n’importe quoi. J’ai perçu tout ce qu’elle avait en elle, et cela m’a immédiatement électrisé.
Et, de ton côté, qu’as-tu pensé de ce type lorsque tu l’as vu pour la première fois?
D: Tout d’abord, il m’a donné son nom, Edgey. Et, bien évidemment je ne l’ai pas cru. Cela ne ressemblait pas à un vrai nom (rire). Mais nous avions le blues en commun. Et si on abordait beaucoup de sujets politiques, on parlait surtout de musique. On comparait nos disques favoris, en fouillant parmi les vieux albums. Et, à chaque fois, c’est comme si nous avions découvert une pépite d’or. Nous avions lui et moi une connexion si forte avec la musique qu’il paraissait impossible que nous n’en fassions pas ensemble. C’est là nous avons commencé le groupe.
E : Je crois que la principale raison pour laquelle nous avons évolué du folk acoustique vers ce rock blues est qu’en fait nous ne nous reconnaissions dans aucun autre groupe de rock actuel. Il n’y avait qu’un grand espace vide. Où se trouve cette présence. Où se trouve cette force dans le rock capable d’accomplir tout ce que Patti Smith a su faire jadis avec « Horses ». iI n’y avait personne ! C’est ainsi que nous nous sommes dit : cessons de jouer de la musique acoustique et faisons du rock ! Delila chantait déjà le blues et tout un tas de trucs différents ; cela s’est fait tout seul. Mais nous avons eu des doutes : sur notre toute première tournée des USA, il n’y avait personne à nos concerts. On ne jouait que devant une poignée de pochetrons qui ne voulaient entendre que des vieilles reprises. C’était un peu flippant.
Aujourd’hui, vous ne faites plus de covers ?
E : Parfois, cela peut arriver, cela dépend comment elle le sent.
Du Muddy Waters, je présume ?
E : Nous avons fait énormément de reprises de Muddy Waters. Désormais, c’est plus selon son humeur. La dernière fois, elle a choisi un titre d’Audioslave. Elle l’a faite au piano, modifiant les paroles à sa guise.
Comment vous êtes-vous rencontrés avec Tom Morello, car il s’est intéressé très tôt à ce que vous faisiez ?
E : Il a commencé par Twitter en conseillant à ses fans d’écouter notre groupe. J’ai cru que j’allais me chier dessus ! Car Tom a toujours été ma principale source d’influence. Et il l’est toujours aujourd’hui. C’est notre mentor. Et la première fois qu’il m’a téléphoné, j’étais au 7éme ciel. Maintenant, nous sommes super potes.
Et il est particulièrement investi dans le son de the Last Internationale !
E : Dans un peu tout ce que nous faisons, en fait, y compris dans les décisions d’ordre business que nous avons à prendre. Ou concernant les tournées. Ou même concernant notre bien-être psychologique… dans tous les cas, Tom est toujours d’excellent conseil.
Tom partage également vos opinions politiques ?
E : Absolument. Mais on ne parle pas souvent politique. Tom c’est plus le côté pratique. Avec lui les choses se font toujours. Et c’est toujours clair et net : « Il y a ce concert de charité…vous en êtes ou non ? »
D : C’est aussi un sublime guitariste. Et il a ce talent rare de pouvoir créer des moments de bravoure durant les concerts. Il pressent absolument tout, chacun des aspects d’un concert de soutien. Pourtant il fait monter sur scène tant et tant de musiciens différents, mais comme il a ce sens inné de la coordination, tout s’imbrique parfaitement pour créer un ensemble cohérent.
Pour revenir à NY, pourquoi de nos jours y a-t-il aussi peu de groupes de rock intéressants issus de cette ville ?
E : Tu veux la vraie réponse…parce que les groupes de New York ne viennent pas de New York ! Même si je n’ai rien contre eux. Mais surtout il faut se souvenir que le rock était à la base un mouvement essentiellement prolétaire. Or, aujourd’hui le rock est totalement coupé de ses racines. Tous nos potes de New York qui sont dans le Hip-Hop ont de vraies racines, car ils sont tous issus du ghetto. Ils savent ce que c’est de survivre.
Moi j’ai peut-être un élément de réponse : le cout astronomique des logements à NY empêche tous les artistes d’y habiter, les repoussant de plus en plus loin de Manhattan ? Quel musicien fauché peut encore se payer un appart dans le Village aujourd’hui ?
D : Tu as tout à fait raison. Moi je suis née dans le Bronx, dans une cité HLM du nom de Morrisania, à côté du Yankee Stadium. C’est une cité assez dure, peuplée uniquement de gens pauvres. Et mon père qui vivait à Harlem n‘a même plus les moyens d’y rester, car c’est devenu beaucoup trop cher.
E : Je ne veux pas trop simplifier les choses, mais quand on parle des exclus et de ceux qui les excluent, ce sont souvent des blancs qui repoussent un peu plus loin les blacks et les latinos. Mais c’est aussi un problème très complexe. En fait New York fait de la super musique, juste ce n’est plus du rock. Une des plus belles musiques jamais entendues est le blues de Chicago. Pourtant il était issu du delta du Mississippi. Et le blues s’est retrouvé repoussé bien plus loin que tous les citadins de NY. Si on donnait des instruments, des guitares des basses, des sets de batterie à tous ceux qui font du Hip-Hop, crois-moi cela marquerait la plus belle Renaissance du rock !
Comme the Roots !
E : Oui, ils sont géniaux, et à tous points de vue. Jadis des gens comme Hendrix ou Dylan aidaient à financer les Black Panthers. Ils avaient une véritable conscience politique.
Parlons de votre album, qui m’a carrément impressionné. Je ne sais pas si vous connaissez Greta Van Fleet ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/greta-van-fleet-anthem-of-the-peaceful-army.html et aussi https://gonzomusic.fr/les-greta-van-fleet-envoient-du-bois-a-paris.html ), mais avant vous, c’est le seul nouveau groupe de rock qui m’ait enthousiasmé ! Vous avez le blues en commun et cette incontestable influence Led Zep !
E : Puis je répondre de manière alternative ? Le fameux docteur Cornel West a dit que les États-Unis étaient une nation adolescente. Il n’y a pas de prodige du blues, car le blues est issu du néant, quelque chose qu’il a fallu découvrir à partir de rien. Dans l’Histoire tu as des guitaristes blancs, des musiciens blancs. Prenons Michael Bloomfield, un de mes guitaristes favoris, il était issu de la bourgeoisie. Mais il a longtemps vécu tout en bas de l’échelle sociale, dans des taudis pour bien assimiler tout que pouvait être le blues avant d’en jouer. Lorsque j’ai rencontré Delila, elle avait déjà ce blues ancré bien en elle. Mais pour moi, cela a été un long cheminement. Je dois être honnête, cela m’a pris des années à vivre tout en bas, littéralement le nez dans la merde, avant que je ne puisse véritablement comprendre tout le feeling qui animait Muddy Waters. Et j’essaye encore d’y parvenir. Tout comme Jack White, si tu vois ce que je veux dire. Alors quand tu entends des nouveaux groupes inspirés par le blues…Led Zeppelin c’était par ricochet. En ce qui concerne Greta Van Fleet et tous les autres, mon questionnement principal est : quelle est au juste votre expérience de la vie ? Et on ne peut en juger lorsqu’on entend exprimer la même peine, la même douleur, la même souffrance…ou pas ! Par exemple, nous chantons souvent « A Change Is Gonna Come » de Sam Cooke, c’est une chanson qui a un sens tout particulier pour nous. Lorsque tu chantes une telle chanson, tu dois honnêtement la ressentir. Tu dois rester humble, tu dois ne faire qu’un seul avec le peuple, tu dois avoir été à Harlem et où ce truc a pris ses sources, tu dois descendre dans le sud, mais surtout, tu dois vivre avec les plus pauvres, les prolétaires. Et Sam Cooke chantait des trucs graves, alors si tu veux chanter du Sam Cooke, tu as vraiment intérêt à avoir vécu des trucs graves. Je ne veux plus entendre parler de flower power et de « paix à toi, mon frère », j’ai déjà trop donné. Je ne connais pas les Greta Van Fleet et ce n’est pas à moi de les juger, mais pour que cela fonctionne, cela doit rester authentique. Mais si tu as peur de hurler « fuck Trump » ou de critiquer Obama pour avoir lancé des bombes sur des civils innocents, si tu ne t’élèves pas contre les inégalités, pour les sans-abris ou pour combattre l’establishment, tu laisses ta carrière passer avant tout ce que tu devrais défendre, comme l’idéal de Martin Luther King. Voilà ce qui inspire ce groupe avant tout. Sinon, pas la peine de chanter des protest-songs et contente-toi de faire du rock cliché ! Exprime des trucs forts, montre tes tripes…il doit y avoir une relation forte entre un groupe et son public. En ce moment, un de mes artistes favoris est Gary Clark junior. Et s’il dit ou fait quelque chose que je désapprouve, je dois pouvoir lui faire passer le message. Il doit y avoir un dialogue, comme dans les 60’s et les 70’s. C’est ainsi que tu peux faire progresser l’humanité par le vecteur de l’art. Si tu chantes « A Change Is Gonna Come », alors tu dois être capable de me monter de quels changements il s’agit exactement ! Sam Cooke le chante : « je vais downtown et j’essaye d’aller au ciné, mais on ne veut pas de noirs dans un cinéma de blancs. Je ne suis pas autorisé à me trouver dans une partie de la ville, hé bien voilà pourquoi je proteste de toutes mes forces ». Que combattons-nous et que soutenons-nous, voilà les vraies questions qu’il faut savoir se poser.
Une petite question concernant Bernie Sanders…
E : Il va bien…
D :…même s’il n’est pas le sauveur attendu du monde. Mais il semble être le plus proche des préoccupations du peuple, comparé à tous les autres candidats. Et mon impression est que nombre de gens se reconnaissent dans ses idées.
E : Ce qui est dingue c’est que Bernie exprime des idées bien plus révolutionnaires que les 95% de tous les groupes de rock. Alors que sont les groupes de rock qui devraient être des putains d’enfoirés, pas un vieux gars ; ce sont eux qui devraient faire de la surenchère, pas Bernie !
Parlons de l’album, « Our Times « qui ouvre le disque, pardon à l’avance, mais je vais devoir prononcer les deux mots interdits : White Stripes et Led Zeppelin…version « Good Times, Bad Times »
(rires)
D :…oui, ce n’était pas innocent de notre part, et nous en avions conscience.
Ce n’est pas le même rythme, ce n’est ni la même chanson ni le même feeling, mais il y a un côté « déjà vu »…
E : Live, elle a beaucoup évolué.
D : Live, notre son est toujours plus cru que sur les disques. Et cette chanson tout particulièrement suscite pas mal de réactions du public qui frappe des mains et des pieds pour marquer la mesure.
E : Tout y est plus long. Les solos sont plus longs, et elle vocifère tout un tas de trucs en plus, la ligne de basse a aussi évolué.
D : J’adore rajouter du texte dans les chansons en concert, je le fais assez fréquemment. Cela déconcerte toujours les fans, qui me regardent avec stupeur. Mais nul ne s’en est jamais plaint à ce jour. En fait, tout dépend de mon humeur du jour. Et, aussi de l’actualité du jour. Nous avons aussi en nous ce côté journalistes.
« Mind Aint Free » me rappelle vocalement Grace Slick, mais peut-être n’avez-vous jamais écouté l’Airplane ?
D : Non, au contraire j’écoute Jefferson Airplane et j’aime beaucoup Grace Slick. Je pense que lorsque j’essaye de chanter sous l’influence de la soul-music, je sonne plus Grace Slick. Mais mes héros de la soul sont Al Green, Otis Redding, Aretha Franklin. Cependant, je dois avouer que le vibrato, dont j’use beaucoup, est effectivement très Grace Slick. (rire)
Il y a un coté muscle blues, à la Alison Mosshart aussi…
E : On l’a croisé plusieurs fois, Alison Mosshart. On a même été invité à un BBQ chez elle. c’est un tout petit monde.
Un de mes titres favoris de l’album est « Try Me », une superbe balade, si différente des autres chansons. Elle me rappelle un vieux groupe, dont vous n’avez sans doute jamais entendu parler : the Motels ! Avec une incroyable chanteuse du nom de Martha Davis. Très sensuelle. Peut-être la moins politique et la plus personnelle de l’album, non?
D : On voulait vous faire partager le feeling de New York, avec un côté très urbain, presque Hip-Hop, inspiré par le son avec nous avons grandi. On a fait les voix dans ma chambre pour conserver ce côté naturel. On a conservé une partie des demos sur cette chanson.
E : J’aime beaucoup son texte, d’inspiration urbaine à la Gil Scott-Heron.
Vous allez finir par évoluer vers le Hip-Hop blanc et enregistrer avec Eminem?
E : (rire) j’aime trop la bonne vieille soul music modèle « Superfly » et « Shaft » !
Vous devriez former les White Panthers !
E : (rire)
Encore une compo très Led Zep, « Freak Revolution » me rappelle un poil « Whole Lotta Love » et j’adore l’énergie, comme le message politique véhiculé. Mais qu’est-ce qu’une « Freak Revolution » au juste ?
D : « Freak Revolution » sonne effectivement très Led Zep, mais aussi Jimi Hendrix qui parlait souvent de son désir de rester marginal face à la société. C’est un peu le thème central de ce titre.
E : Cette chanson est particulièrement insurgée et critique, face à l’état actuel du rock. On y fustige les riches rock stars, en fait, le rock-star-system dominé par des mâles blancs. On y trouve tout un tas de messages cachés.
Ma seconde favorite est la chanson-titre « Soul On Fire » et ce n’est pas un hasard si vous avez décidé d’intituler ainsi l’album. Cela résume à la fois le son et l’esprit de ce groupe. Musicalement, on est entre Janis et Alabama Shake avec ce côté gospel.
E : Il y a mes textes préférés dans cette chanson. Tu veux la chanter ? ( à Delila)
(Et Delila se met alors à chanter « … some are born to kill, others were born to run… » , dans cette salle de réunion, dans les sous-sols de chez Sony Music, juste pour le plaisir d’un auditoire réduit à mes oreilles et à celles d’Edgey…quand on parle de l’amour de la musique… : NDR)
Incroyable, si je ferme les yeux je t’imagine black et grosse alors que tu es maigre et blanche.
E : On était à Chicago pour participer à cette grande conférence, et il y avait ce joueur d’harmonica adossé dans le coin d’un bâtiment. Et elle s’est mise à chanter, mais il ne pouvait pas la voir. Soudain, un vieux noir nous a rejoints pour nous dire : il y a cet harmoniciste légendaire de Chicago qui demande à ce que la chanteuse qu’il entend, vienne le voir. Mais, lorsque Delila tourne de l’autre côté pour le rejoindre, il regarde par-dessus son épaule à elle, cherchant désespérément, en vain, la grosse black dont il entendait la voix. Et il lui a lancé : mais tu es qui toi ? Et elle lui a répliqué du tac au tac : tu as demandé à me voir, branleur …alors on chante ? Quoi, c’est toi qui chantait, putain, j’y crois pas ? a dit le vieux musicien.
Une dernière question, quelle est l’histoire derrière « 5Th World » ? Qui sonne un peu…Led Zep…rencontrant Ennio Morricone rencontrant Geronimo ?
E : Sur notre premier album, nous avions déjà une chanson dédiée au mouvement des Indiens américains. Et sur cet album, c’est celle-là qui leur est dédiée.
D’où le côté western ?
E : On voulait qu’elle ait un côté apocalyptique. Et ma phrase favorite de cette chanson est « we can never return… », car cela résume bien notre pensée : lorsque l’homme blanc a débarqué, c’est par le pouvoir de la poudre qu’il s’est imposé. Et on oublie trop souvent que ceux que l’on respecte le moins dans notre pays, ce sont les Indiens. Voilà pourquoi c’est notre rôle de les évoquer. Et cette chanson en particulier, évoque la retraite des Indiens et la fin de leur monde. On chante : « tant pis pour New York, que tout soit submergé dans ce monde, car nous ne le méritons pas ». Bon à la fin c’est plus optimiste…
Si vous pouviez changer une chose dans ce monde, qu’est-ce que vous choisiriez ?
E : Tant de choses…je me débarrasserais de l’argent et du capitalisme. Une fois ces deux trucs supprimés, tout ne serait pas réglé, mais je suis assez anti-fric. J’en ai besoin pour survivre, mais seulement tant que subsiste le capitalisme. Il faut construire une société basée sur la compassion, sur l’entraide, sur l’amour et sur le partage.
D : Je suis tout à fait d’accord avec lui. Les ressources sont détournées au profit d’une infime minorité, donc si nous changeons ce système, on apprendra à vivre en tant qu’êtres humains unis, sans frontières…
Tu nous chantes « Imagine » de Lennon, là !
(rires) OK… »