ADIEU JOSEPH SHABALALA DES LADYSMITH BLACK MAMBAZO
Joseph Shabalala, le fondateur des légendaires Ladysmith Black Mambazo a rejoint au ciel les plus grands héros de la musique sud-africaine Ray Phiri de Stimela, West Nkosi, Mahlathini , Lucky Dube et Johnny Clegg. Révélé par le fameux « Graceland » de Paul Simon et sa composition « Homeless » Ladysmith Black Mambazo incarnait toute la quintessence du mbaqanga. Immense tristesse, même si son groupe va lui survivre.
Décidément, tous mes héros de la musique sud-africaine sont, un à un, balayés par la maladie puis la mort. Après la déchirante disparition de Johnny Clegg, en juillet dernier ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/rip-johnny-clegg.html et aussi https://gonzomusic.fr/johnny-clegg-le-zoulou-mensch.html ), ainsi que celles de Ray Phiri, Lucky Dube et Mahlathini, le lion de Soweto ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/mort-de-ray-phiri-et-tournee-dadieu-de-clegg-lhecatombe-du-rock-sud-af.html ) c’est au tour de Joseph Shabalala de nous quitter à 78 ans. Je l’avais filmé, avec ses Ladysmith Black Mambazo, pour la télé au tournant des années 90 en France dans la superbe abbaye royale de Fontevraud, une pure merveille vocale et sonique. RIP brother Joseph !
Né en 1941, Shabalala était l’aîné de huit enfants élevés dans une ferme à Tugela, près de la ville de Ladysmith, en Afrique du Sud. S’il avait officiellement fondé son groupe au milieu des années 60, la formation vocale avait en fait démarré dix ans plus tôt, dans les hostels, ces foyers de travailleurs noirs où Johhny Clegg a aussi fait ses premières armes. Littéralement « la hache noire de Ladysmith », leur carrière, malgré le boycott culturel lié à l’apartheid, sera propulsée lorsque Paul Simon, en 86, débarque à Johannesburg pour capturer ce qui deviendra son plus fameux album, « Homeland ». Simon enrôle le fabuleux guitariste Ray Phiri et les Ladysmith Black Mambazo qui contribuent de leur imparable « Homeless » à son album. En retour,, Paul Simon va leur ouvrir le marché international en produisant « Shaka Zulu », leur tout premier LP sur le label Warner. Hélas, en 1991, Headman Shabalala, le frère de Joseph, est assassiné par un agent de sécurité blanc, une tragédie qui marque à jamais le groupe, puisque plusieurs membres fondateurs quittent alors la formation ; par conséquent Joseph recrute alors trois de ses fils dans sa chorale zoulou. Et Ladysmith poursuit ses fabuleuses aventures, se produisant aux quatre coins de la planète. Mais en 2008, Joseph Shabala décide prendre sa retraite et publie ce long communiqué où il explique qu’il passe la main à son fils pour perpétuer l’esprit de la hache noire de Manbazo :
« Au début des années 1960, je rêvais d’un type de groupe vocal que je voulais créer. Pas seulement un rêve, à la manière d’un vœu pieux, mais un rêve réel que j’ai eu pendant mon sommeil. Ce beau rêve a conduit à la création de mon groupe, Ladysmith Black Mambazo. Aujourd’hui, plus de quarante-cinq ans plus tard, ce rêve original a donné naissance à tant d’autres rêves. Nous avons reçu des Grammy Awards, représenté notre patrie, l’Afrique du Sud, lors de nombreux événements prestigieux, notamment en accompagnant Nelson Mandela en Norvège, pour recevoir le prix Nobel de la paix, nous avons voyagé dans le monde entier à de nombreuses reprises et, surtout, nous avons diffusé un message de paix, d’amour et d’harmonie à des millions de personnes. Cela n’a jamais été un rêve qu’un Sud-Africain noir puisse imaginer. Au fil des années, et le 20e siècle étant devenu le 21e, on a commencé à me demander ce qu’il adviendrait de Ladysmith Black Mambazo une fois que je serais à la retraite, si jamais je prenais ma retraite. J’ai passé beaucoup de temps à y réfléchir. Ladysmith Black Mambazo n’a jamais été l’affaire d’une seule personne. Ladysmith Black Mambazo est une mission. Une mission pour diffuser notre message et pour garder notre culture vivante et connue. L’Afrique du Sud est un endroit merveilleux, rempli de gens magnifiques. En faisant des tournées, comme nous l’avons fait, presque sept mois par an pendant plus de vingt ans, nous avons voulu garder l’Afrique du Sud vivante dans le cœur des gens. Ladysmith Black Mambazo est une famille. Au sein du groupe, j’ai eu des frères et des cousins qui chantaient ensemble. Au cours des quinze dernières années, en raison des départs à la retraite et des décès, quatre de mes fils m’ont rejoint. Ils sont l’avenir de Ladysmith Black Mambazo, notre prochaine génération. La mission et le message continueront. Lorsque le moment sera venu pour moi de terminer ma tournée et de rester à la maison, ils poursuivront mon rêve. De plus, mon fils Thamsanqa (Tommy) deviendra le nouveau chef du groupe. Ainsi, le rêve que j’ai fait il y a plus de quarante-cinq ans se poursuivra pendant une bonne partie du 21e siècle. Ladysmith Black Mambazo doit continuer car le message de Paix, d’Amour et d’Harmonie ne doit jamais être réduit au silence. Nous ne serons jamais réduits au silence et nous espérons que nos fans et amis du monde entier continueront à vouloir entendre ce message.
Ngiyabonga ! Merci ! »
Malgré la mort de Joseph Shabalala, cette nuit à l’hôpital de Pretoria, en Afrique du Sud, Ladysmith Black Mambazo va donc survivre à son fondateur. Le manager du groupe Xolani Majozi l’a confirmé ce matin au South Africa Times : « Oui, c’est vrai. M. Shabalala est décédé ce matin. Le groupe est en tournée aux États-Unis, mais ils ont été informés et sont dévastés parce que le groupe est une famille. » Le gouvernement sud-africain a rendu hommage au musicien dans un tweet, « Nous voudrions présenter nos condoléances pour le décès de Joseph Shabalala, fondateur du groupe Ladysmith Black Mambazo, ajoutant en Xhosa, « Ulale ngoxolo Tata ugqatso lwakho ulufezile. » (Repose en paix, père, ta race est complète). » Alors que la nouvelle de sa mort se répandait, les hommages affluaient du monde entier.
« Mon ami, un humble géant, Joseph Shabalala, est décédé ce matin », a publié le chanteur Sipho « Hotstix » Mabuse sur Twitter. « Mes sincères condoléances à sa famille et à ses amis. »
« Je suis profondément attristé », a écrit Herman Mashaba, ancien maire de Johannesburg. « On se souviendra de vous comme d’un géant de la musique sud-africaine et d’un pionnier de l’industrie. »
So long Joseph Shabalala, ton Ladysmith Black Mambazo et son mbaqanga te survivront dans nos cœurs et dans nos têtes.