MICHAEL JACKSON LE COURONNEMENT D’UN KING OF POP Épisode 2
Voici 42 ans dans BEST GBD retraçait l’héroïque épopée d’un super-héros de la pop, qui ne ressemblait à aucun autre. À tout juste 24 ans Michael Jackson emportait toute la petite planète bleue sur son fabuleux « Thriller » explosant tous les records musicaux connus jusqu’alors pour couronner celui qui serait dorénavant universellement connu en tant que King of Pop. Enfant star depuis ses six ans, le benjamin des Jacksons avait alors toute l’innocence d’un éternel Peter Pan, loin très loin de sa part d’ombre d’addictions aux drogues dures et de sa sexualité ambiguë. Et méritait alors par conséquent largement sa toute première « couve » de BEST. Épisode 2 : de « Destiny » à « Michael raconte ET aux enfants en passant par « The Wiz », « Off the Wall » », »Thriller » et la fièvre de la Jacksonmania… Flashback !
C’est drôle, la conclusion de mon article de 1983 c’est la sortie d’un coffret audio « Michael Jackson raconte ET aux enfants ». Sauf que quelques jours après l’avoir récupéré chez MCA et donc évoqué dans BEST, le disque est envoyé au pilon, une destruction due à un désaccord contractuel avec Epic le label officiel de Jackson. Par conséquent, les quelques exemplaires qui avaient survécus étaient devenus des collectors ultimes, qui valaient largement leur poids en dollars. C’est paradoxal mais c’était peut-être bien le disque le plus cher de ma collection à l’époque. Sauf que j’avais un chat baptisé Doobie comme les Brothers qui était un véritable voyou. Et devinez quoi ? C’est justement un des seuls albums de ma discothèque sur lequel… il a uriné ! Gasp… même après séchage, le livret est resté gondolé… et adieu veau, vache, cochon et extra-terrestre… sa valeur étant au moins divisée par 3. De même, même si Michael était déjà perçu comme un être bizarre, aucune polémique concernant sa sexualité n’avait bien entendu émergé à l’époque. En 1983 la presse et les médias unanimes saluaient l’avènement du King Of Pop aussi époustouflant au chant qu’à la danse.
Certes, un an plus tard avec la double sortie du disque et du film « Purple Rain » un certain et sulfureux Prince ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Prince ) allait s’imposer en nouveau challenger de Michael Jackson ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Michael+Jackson ) , rejouant un peu le match entre « les gentils Beatles » et « les méchants Rolling Stones »… mais c’est encore une autre histoire du rock… Épisode 2 : de « Destiny » à « Michael raconte ET aux enfants en passant par « The Wiz », « Off the Wall » », « Thriller » et la fièvre de la Jacksonmania… Flashback !
Publié dans le numéro 181 de BEST sous le titre
JACKSON 1
DESTINY
« And now, ladies and gentlemen, the new adventures of the Jackson Five… » Tous les samedis matin pendant cinq ans, Michael se plante devant son téléviseur avec une provision de sucreries à terrasser un diabétique. Imaginez ce petit môme face à sa reproduction en dessins animés, c’est bien plus magique que Popeye ou Captain America. Michael grandit ainsi face à sa propre image animée ; comment voulez-vous qu’il échappe à un monde de fantaisie qu’il peut toucher du doigt comme les murs de sa chambre. Michael comme Peter Pan et ses last boys ne quittera jamais Never Neveriand. Limousines, gardes du corps, précepteurs, Jackson voit passer les années comme ses hits et ses tournées. Comment se faire des copains au milieu des roadies, des tour managers et des agents spéciaux de Berry Gordy ?
« Je détesté admettre cela », raconte Michael; « mais j’ai un réel malaise face aux gens de la rue. Ma vie est une longue scène. Le seul contact que j’ai avec les gens, c’est leurs applaudissements, leurs rappels et leur manière de vous poursuivre dès que le show s’achève. Lâché au milieu d’une fouie, je crève de trouille, alors que sur scène je me sens vraiment en sécurité. Si je le pouvais, je dormirais sur scène. » Michaël est si loin hors du monde, si haut dans la tour de cristal qu’on lui a édifiée qu’il devient très vite totalement agoraphobe. Jusqu’en 75 les Jackson Five restent fidèles à leur label d’origine, même si les hits s’espacent de plus en plus. Après « Dancing Machine », les frangins décident de couper le cordon ombilical avec Motown pour signer sur le label Epic. Pour Jermaine c’est un choix presque cornélien, il déclarera d’ailleurs à mon micro : « S’ils ont quitté Motown, c’est qu’ils ont trouvé un meilleur deal ailleurs. Moi je suis resté chez Motown, car sans eux jamais nous n’aurions été aussi célèbres ; pour moi c’est juste une notion de loyauté. » Ce que Jermaine ne précise pas c’est qu’à la différence de ses frères, lui avait épousé la fille de Berry Gordy. En signant en solo chez Motown il confirme donc la solidité des liens du mariage. Contractuellement, la dénomination Jackson Five appartient à Tamla Motown, et en quittant Gordy, les Jackson Five doivent se muer en Jacksons, Randy, le cadet des garçons, remplaçant Jermaine au sein du groupe.
Pour que les Jacksons prennent totalement leur destinée artistique en main, il faudra justement attendre l’album « Destiny » en 78 où pour la première fois les frangins écrivent, composent, arrangent et produisent seuls leur musique. « Destiny » est tout en body-building, un album de heavy soul musclée et mature qui n’a plus rien de bubble-gum. A dix-neuf ans, Michael signe le tube du LP, « Shake Your Body (Down To the Ground) » et décroche son premier rôle au grand écran dans «The Wiz » un re-make black du Magicien d’Oz où Diana Ross remplace Judy Garland dans le personnage de Dorothée. Follow the yellow brick road : Michael est Hunk, l’épouvantail et il est si attaché à son personnage qu’on raconte qu’il allait se coucher dans son costume de scène. Michael rêve aussi d’éclectisme, et lorsque Quine Jones lui propose de produire un album solo, il bondit comme un fou sur l’aventure. Sa dernière histoire en solitaire date de la période Motown, mais ses trois LP (« Got To Be There », « Ben » et « Music And Me »), lui ont laissé un arrière-goût de sucre d’orge : « C’était juste quelques comptines enfantines, des ballades sans énergie, sans une pointe de « jelly».» Dans son vocabulaire, le mot « Jelly » remplace ostensiblement « funk » que l’usure a vidé de tout sens. « Off the Wall » sera par conséquent et grâce à Quincy Jones son premier 33 tours de « jelly music », une tornade noire qui n tarde guère à entraîner avec elle tous les aficionados des clubs enfumés.
JACKSONMANIA
Dans la Vallée, le soleil ne se lève jamais avant dix heures. It traverse enfin sa gangue de smog pour pilonner les propriétés planquées sous une végétation tropicale. Lorsque la famille Jackson quitte l’Indiana pour la Californie, elle s’installe de l’autre côté des collines d’Hollywood, dans l’espace et la somnolence de San Fernando Valley, à deux pas du Ventura Boulevard chanté par America. Aujourd’hui, les Jacksons se sont éparpillés dans la Vallée ; Maureen, Tito, Jackie, Jermaine et Marion y élèvent leur propre famille. Michael a retrouvé la maison de « moman » et sa soul food en attendant que les ouvriers finissent de remodeler sa villa aux pieds des collines. Le manoir Jackson est situé à Encino, à quelques pas de l’endroit où Edgar Rice Burroughs a créé tous ses Tarzans. Les communautés poussent comme des champignons dans la Vallée, on a baptisé Tarzana la dernière, née à côté d’Encino. Qui sait, la prochaine s’appellera peut-être Jacksonia ?
« Allez, réveille-toi gros paresseux », lance Michael à son plus proche copain. Muscles est un boa constrictor de 2,50 m qui ne le quitte jamais. Michael a transporté son zoo chez « moman ». II y a Muscles, mais aussi Louis son lama et Mister Tibbs, un jeune mouton plus doux qu’une peluche. Quatorze ans de showbiz, cent millions d’albums : Michaël n’a que vingt-quatre ans, mais le cocon familial a su le préserver comme un enfant trop gâté. Il est cependant aussi solitaire que Char/ton Heston dans « Le Survivant », au milieu de ses jouets, de ses gadgets. Dans sa propriété, Michaël s’est conçu un véritable Disneyland privé ; d’abord une salle de ciné en dolby stéréo, puis une salle d’entrainement cours de danse, une salle vidéo et même une arcade complète de jeux électroniques qui sont au space-invader ce que le briquet Bic est au silex. Michaël a même engagé le technicien qui a conçu I’ attraction « Antre des Pirates » pour Disneyland. Notre Peter Pan aura son antre avec des robots animés, des canons qui tonnent et un light show ultra sophistiqué.
« J’en avais marre de me glisser à Disneyland avec un faux nez et une barbe pour passer inaperçu » explique Michael à Rolling Stone. « D’ailleurs lorsque la maison sera totalement finie j’aurais aussi une pièce remplie de mannequins de vitrines. Je veux pouvoir leur parier, tu comprends, je n’ai jamais eu d’amis. En fait j’en ai peut-être un ou deux et c’est tout. Lorsqu’on est une star, comment savoir qui sont tes amis ? Les gens te voient différemment, non comme un être humain, mais comme le type qu’on voit à la télé. Je suis entouré de gens qui prétendent être mes amis ; tous les gens que je croise dans la rue ou à une party, clament qu’ils sont mes meilleurs amis, j’aime encore mieux les mannequins. » Michael se méfie de tout le monde, il évite les interviews et lorsque parfois il en accorde une, il ne peut s’empêcher de tester son interviewer. Ainsi, le confrère de Rolling Stone devra prendre Muscles dans ses bras, histoire de prouver sa confiance en Michael. Confiance : Michael la partage avec une élite triée sur le volet : Diana Ross avec laquelle il n’a jamais perdu le feeling, Fred Astaire, Liza Minelli… toutes ces étoiles gravées comme lui sur le béton d’Hollywood Boulevard. Strictement végétarien, Michael sort rarement de sa retraite, ne conduit pas par trouille des freeways, et ne fouine jamais dans les boutiques : une armée de secrétaires assure en permanence son shopping pour lui. Parfois il s’enferme des heures face à un miroir, pousse la chaîne hi-fi au maximum et se met à danser jusqu’à épuisement. Parfois aussi il se laisse aller à sangloter. Jane Fonda qui lui donne des cours de théâtre raconte cette anecdote : « Un jour Michael et moi étions en voiture. Je lui ai dit : « si seulement je pouvais trouver un film qui te convienne ; je fouillais ma mémoire et soudain j‘ai réalisé qu’il existait un rôle idéal pour Michael : Peter Pan. Instantanément, j’ai vu /es larmes perler autour de ses yeux « Qu’est-ce que tu dis », me demande Michael. Et moi je plonge « Oui le personnage idéal pour toi c’est Peter Pan, tu lui ressembles tant ». Et il s’est mis à sangloter : « Tu sais, tous les murs de ma chambre sont recouverts de dessins de Peter Pan. J’ai lu tout ce que J.M. Barrie a publié. Je m’identifie complètement à Peter Pan, le garçon perdu de Never Neverland ». Si Francis Ford Coppola tourne sa version de Peter Pan, Michael pourrait bien en être le héros. Michael n’a toutefois pas de Wendy célèbre : pourtant, voilà deux mois une inconnue l’a assigné devant un tribunal de LA en reconnaissance de paternité, exactement comme dans sa chanson « Billie Jean ». Comme toutes les stars, il attire les bruits de chiottes, et je laisse à mes confrères de la presse à scandale les odeurs qui les excitent. Moi ce qui me fait vraiment bander chez Michaël Jackson, c’est son extraordinaire aptitude à danser, sa musique qui crée la fusion entre le rock, le funk et la pop. Un jour Jermaine m’a dit « Michael est le meilleur de nous tous, il est bien plus rock que moi. Sa musique est plus fraîche que la mienne parce qu’il est capable de s’émerveiller sur le son d’une guitare électrique ou d’un synthé. Michael n’hésitera jamais à voler au-dessus des précipices. » Sans les Prince, les Chic ou les Michael Jackson, qui sortirait nos frères blacks de leur ghetto musical ? Le prochain album de Pal McCartney contient déjà deux chansons de Michael « Say Say Say » et « The Man ». Après le duo « The Girl Is Mine », Paulo n’a pas su résister à notre jeune rocker.
BALLET
Certes, Michaël Jackson ne simplifie pas la vie des journalistes ; depuis la sortie de « Thriller » il n’a accordé que deux entretiens à la presse Rolling Stone et Interview, le magazine d’Andy Warhol. C’est son problème ; pour créer, Michael doit se protéger. Ca ne l’empêche pas de gagner, au contraire. « Thriller » crève le plafond des 10 millions d’exemplaires vendus, tous les pays, toutes les nationalités, toutes les races, vibrent sur « Billie Jean » ou « Beat It ». Les rockeurs, les funkeurs, les bluffeurs, les punkeurs ont ce petit black dans la peau à travers ses vidéos. D’ailleurs MTV ne se gêne pas pour matraquer ses clips, dont le plus réussi est incontestablement le « Billie Jean » de Steve Barron. Pour en savoir plus, je l’ai appelé à son bureau londonien de « Limelight » (eh oui, comme le film de Chaplin) :
« Nous avons tourné « Billie Jean » dans un studio de LA à partir d’un storyboard basé sur l’idée que tout ce que touche Michael doit s’éclairer c’était mon idée pour traduire son charisme. Michael est une star, un personnage irréel, il fallait que je le dépeigne ainsi. Là où il m’a sidéré, c’est dans sa manière de danser : je n’ai jamais rien vu de semblable chez une rock star. Comme nous ne pouvions pas éclairer chaque dalle du plateau, Michael a du improviser complètement son ballet. De même, une partie des boutiques que tu aperçois dans la rue sont en fait peintes sur une plaque de verre placée face à la caméra. Quant aux couleurs pastel, nous avons utilisé deux procédés pour les obtenir. Le clip était en fait tourné en film 16 mm à travers un filtre super Frost qui gomme les contrastes. Puis, en recopiant sur bande vidéo nous avons « écrasé les noirs » pour augmenter le côté surréaliste. Nous avons tout fait en deux jours et c’est assez frustrant ; si je le pouvais, je remixerais le clip; vu son succès il est assez probable qu’Epic me donne le feu vert. Pendant tout le tournage Michael fut absolument charmant, mais si loin dans ses pensées : comme si sa tête remmenait très loin dans une odyssée spatiale. Le dernier album de Michael ? « ET Story-book LP » n’est jamais sorti en France. Lorsque Michael raconte E.T. aux enfants il ressemble à un hémophile craignant sans cesse qu’on ne l’égratigne. Je parie que si E.T. n’avait jamais rencontré Elliott, il serait allé frapper à la porte de Michaël Jackson. D’ailleurs, pendant l’enregistrement du disque, Steven Spielberg aurait dit à Ouincy Jones « Michael appartient à cette race d’innocents qui ont la chance de conserver un contrôle total sur leur vie. Je jamais vu personne comme Michael, c’est une star infantile complètement émotionnelle. »

« Le sentiment était un curieux mélange de tristesse et de joie en observant E. T. qui s’approchait du vaisseau qui le ramènerait à la maison. Le sas était ouvert. E. T regarda ses amis une dernière fois en montant dans l’engin, son pot de fleurs à la main. Le sas se referma sur lui et le vaisseau s’envola très haut dans l’azur en créant un arc en ciel, l’arc en ciel de ET. Regarde-le, regarde-le, regarde… » (« ET Storybook LP »)
Voir sur Gonzomusic :
MICHAEL JACKSON LE COURONNEMENT DU KING OF POP Épisode 1 : de Gary Indiana à l’avènement des Jackson 5
https://gonzomusic.fr/michael-jackson-le-couronnement-du-king-of-pop-episode-1.html
Publié dans le numéro 181 de BEST daté d’aout 1983
