ROCKETMAN
À mi-chemin entre « La La Land », pour son coté comédie musicale Hollywood style, et l’émotionnel « Bohemian Rhapsody » réalisé en partie par le même Dexter Fletcher « Rocketman », dominé par les incroyables performances au chant et à l’écran de Taron Egerton, a fait couler quelques larmes nostalgiques a GBD, téléporté dans son adolescence à l’aube des 70’s. Bien moins édulcoré que le biopic consacré à Freddie Mercury, au-delà des paillettes et du strass « Rocketman » éclaire sans concession la part d’ombre d’un Elton John traumatisé par sa famille qui succombe à tous les excès de dope, d’alcool, de sexe…
« Rocketman » le film, « Rocket Man” le fabuleux hit de 1972 sur « Honky Château » – notre studio d’Hérouville où Elton avait enregistré sous la houlette de Gus Dudgeon-, mais aussi Rocket Records, le label perso d’Elton lorsqu’il s’est enfin libéré de Dick James Music…et désormais il faudra aussi compter avec Rocket Pictures, la boite de prod cinéma fondée justement pour les besoins de ce film…décidément notre binoclard favori n’est pas avare de ses « rockets » ( fusées)…et c’est tant mieux. Certes, le film a choisi d’échapper au continuum spatio-temporel stricto sensu pour doper son rythme, et c’est plutôt réussi, sans tomber dans les délires du biopic consacré à James Brown l’infect « Get On Up » de 2014. On est là sur un registre proche du « Bohemian Rhapsody » consacré au chanteur de Queen ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/bohemian-rhapsody.html ), d’ailleurs c’est justement le metteur en scène qui a assuré au pied levé la fin du tournage après que Bryan Singer ait été congédié, Dexter Fletcher qui signe ici la réalisation. Et c’est plutôt réussi. De même, mention spéciale à l’incroyable Taron Egerton, révélé par les « Kingsmen », dont les facultés vocales à imiter Elton sont juste époustouflantes au fil de ses nombreuses performances durant les deux heures et plus de « Rocketman ». Quant au film lui-même…j’avais déjà versé une larme cet hiver sur la pub des grands magasins British John Lewis and Partners « The Boy and the Piano », extraordinaire voyage à travers le temps d’Elton ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/la-pub-elton-john-qui-fait-pleurer-gbd.html ) mais là j’en ai carrément versé plusieurs. Car bien évidemment le film joue et gagne haut la main sur l’aspect Madeleine de Proust » ultra nostalgique, comme une mise en abime de ma propre adolescence, lorsque j’ai succombé à sa pop dorée à l’or fin. D’abord l’éponyme « Elton John » suivi de « Hunky Château » puis de « Don ‘t Shoot me I’m Only the Piano Player » avant de remonter le temps sur « Empty Sky », « Madman Across the Water » et « Tumbleweed Connection ». J’ai acheté tous ses albums suivants : le mythique « Goodbye Yellow Brock Road », même le plus faible « Caribou » puis retour en grâce avec « Captain Fantastic » et le mélancolique « Blue Moves » de 1976. Un sans-faute, chaque album apportant son lot de hits incroyable aujourd’hui 5,6,7 tubes, parfois encore plus.
Hélas et c’est là où le film apporte son éclairage, au crépuscule des 80’s, de ses trop nombreuses addictions plombent son art. Elton ne sait plus du tout où il habite, alors forcément la qualité s’en ressent. Et c’est justement là que démarre le film : Elton dans un de ses diaboliques accoutrements pénètre d’un pas assuré dans un centre de désintoxication : « Mon nom est Elton Hercules John et je suis un drogué à la coke, à l’alcool, à l’herbe, aux médocs …et de plus je suis boulimique », lance-t-il avec une bravade qui ne tiendra guère longtemps. Vaincu par ses démons, Elton s’effondre et remonte le temps. On le découvre enfant, en Reginald Kenneth Dwight, affrontant la criminelle indifférence de son père et les frasques de sa mère castratrice. Pourtant, Reg se révèle incroyablement talentueux dès qu’il se pose derrière un piano. Seule sa grand-mère croit en lui et l’accompagne à l’Académie Royal de Musique où il devient boursier. Le film laisse aussi une très grande place à la musique, Elton/Reginald interprétant son provocant « The Bitch Is Back » version comédie musicale, entre Gene Kelly et « La La Land » dés le tout début. Abandonné par son père, il trouve refuge dans la musique. Fort heureusement la destinée lui apporte ce qui constitue sans doute la rencontre la plus cruciale de son existence avec Bernie Taupin. Bernie devient son alter ego, son frère d’âme qui saura trouver les mots de l’émotion pour faire vibrer la musique d’Elton. On apprend aussi que pour créer son pseudo il s’est contenté de piquer les deux prénoms des potes qui constituaient l’un de ses premiers groupes. Signature chez DJ Music, premier concert au troubadour de Doug Weston à LA, on est pris d’ivresse par ce roller-coaster qui nous entraine à la suite d’Elton. Costumes, décors, images…le film projette à la perfection toute la folie des 70’s. Je retrouve le LA de mon adolescence- premier trip en 74 -, le Tower Records sur Sunset, Carney’s mon hamburger joint favori dans son wagon de chemin de fer, les caisses, les fringues, les palmiers…mais aussi l’émergence d’une communauté gay enfin affirmée dans les rues de West Hollywood.
C’est d’ailleurs cet aspect-là qui distingue le prude « Bohemian Rhapsody » de ce « Rocketman » plus trash, une homosexualité assumée qui a déjà valu au film les ciseaux des censures russes et chinoises en attendant les autres. Sans filtre, Elton nous fait partager sa liaison avec John Reid qui devient son manager…tout en continuant de s’occuper de Queen. Amour et trahison, plongeon dans les paradis artificiels pour tout oublier avant le happy end de la Rédemption, lorsqu’il épouse David Furnish renonçant à tous ses excès ou presque au nom de l’amour…et de la survie. Musicalement, le morceau de bravoure est incontestablement « Your Song » où l’on partage la composition de ce chef-d’œuvre en versant une larme ou plus si affinités. Autre moment-choc avec « Crocodile Rock » qui fait littéralement décoller le public du Troubadour. Sublime « Pinball Wizard », flash de la chanson titre « Rocket Man »…jusqu’au final du clip original minutieusement reconstitué de « I’m Still Standing », il faut à nouveau saluer le très grand show assuré par Taron Egerton en parfait Elton John. J’ignore à cette heure si « Rocketman » recevra tout le succès stratosphérique qu’il mérite, une chose est sure c’est qu’il donne la plus furieuse envie de revisiter tous ces albums mythiques du plus fameux binoclard de la pop music et ça c’est déjà une belle victoire.