OINGO BOINGO « Only a Lad »
Voici 41 ans dans BEST, et dans la foulée de son interview de Danny Elfman, lider maximo de Oingo Boingo, GBD décryptait le tout premier LP de la bouillonnante formation de Los Angeles. Si ce jugement était prometteur, il était sans doute quelque peu précoce car si son groupe n’a jamais vraiment décroché de hits, c’est en solo et en compositeur pour le cinéma que Danny Elfman a pu ensuite surfer sur une pluie d’étoiles… pour toiles !
Qu’est-ce qui fait vraiment la différence dans le choix d’un groupe ? Pour quoi succomber à telle formation et ignorer telle autre ? Dès le tout début de ta carrière de journaliste rock, tu te retrouves confronté à des choix. Et il ne sert à rien de tergiverser en tentant de ménager la poire et le fromage. On comprend qu’il faut se déterminer très vite, comme si c’était une question de vie ou de mort. Mais pour prendre une telle décision, il faut se fier à son instinct, son feeling, ses tripes comme certains aiment tant à le proclamer. Cet été 81, c’était ma première « résidence » pour BEST à Los Angeles, avant quelques autres. Et je me suis mis au boulot, comme si j’étais à Paris, écoutant les cassettes des albums à venir ou sélectionnant de nouveaux groupes dont je pouvais pressentir tout le potentiel. C’est ainsi que je me suis intéressé aux Bangles et à Oingo Boingo ( Voir sur Gonzomusic GO GO GO GO AVEC LES GO GO’S ET (OIN)GO (BOIN)GO). Et s’il ne faut pas confondre la profession de critique musical avec celle de devin, il arrive parfois que les deux se confondent et c’était justement le cas avec Oingo Boingo. Car non seulement Danny Elfman deviendrait un immense compositeur consacré par de nombreux Oscars, mais surtout sa perception du monde voici 4 décennies se révélait carrément prophétique, Danny pressentant l’arrivée d’un facho providentiel tel que Trump. J’écrivais en octobre 1981 : « En fait, tout le sujet du LP balance entre les deux concepts minorité/majorité et le péril que représentent les minorités gonflées par un leadership fort. Car « What You See » et « Controler » illustrent bien les risques du fascisme qui planent au-dessus des USA. »… cela fait carrément froid dans le dos. Flashback…
Publié dans le numéro 159 de BEST :
Le drôle de boy-scout, dans son uniforme défraichi, indique la direction du sol de sa serre (d’aigle) droite, tandis que le homard s’agite frénétiquement dans son sac à dos. Sur sa poitrine, on retrouve un badge en forme de chat blanc qui symbolise le premier EP du groupe. Décidément, ce boy-là est à l’image de Oingo Boingo: surprenant et presque dérangeant, un groupe qui nous entraine dans les compositions très contrastées et figuratives de Danny Elfman. Si sa voix est une formule mathématique dont on sait isoler certains éléments: le Byrne, le Bowie, le Ferry ou le Devo 3,14116., ce sont par contre tous les autres que l’on ne parvient pas à identifier qui constituent la trame de l’intrigue. Elle monte et descend comme un roller-coaster fou speedé par toute l’énergie diffusée par sa section de cuivre musclée. En tout, huit personnages romanesques tortures par la société où ils évoluent. Elfman remet tout en question : notre système politique et ses hypocrisies ( » Capitalism »), I’avance en vitesse accélérée vers 1984 version Big Brother (« Perfect System ») ou les tares de notre civilisation (« Nasty Habits »). Cérébral rock ? Pourquoi pas, on reproche trop souvent aux Californiens de ne pas porter de jugement critique sur leur petit univers trop préservé. Avec Oingo Boingo, les fondations commencent à s’ébranler, les sentiments trop sucrés se cristallisent pour laisser place à un rock paysage bien plus objectif. En fait, tout le sujet du LP balance entre les deux concepts minorité/majorité et le péril que représentent les minorités gonflées par le leadership. Car « What You See » et « Controler » illustrent bien les risques du fascisme qui planent au-dessus des USA. Au bout de quelques écoutes, non seulement le son du groupe est de plus en plus identifiable, mais il se révèle surtout grâce à ses trois titres punch : « On the Outside »,« Only a Lad » et « Little Girls ». Dans la nébuleuse des nouveaux groupes US, Oingo Boingo brille d’une étrange et inquiétante lueur, sans doute celle du succès. Ceux qui passent à coté de Oingo Boingo en 1981 sont les mêmes qui avaient déjà raté le décollage de Devo et ils feraient mieux de se payer rapidos des verres de contact.
Publié dans le numéro 159 de BEST daté d’octobre 1981