LE NOUVEAU RÊVE DORÉ DE SIMPLE MINDS Épisode 2
Voici 42 ans dans BEST GBD comptait parmi les tout premiers à assister en direct à l’envol des Simple Minds. Premier show parisien, première grande tournée Anglaise qui s’achève au Lyceum de Londres et première grande interview pour la presse rock hexagonale, les Écossais de Jim Kerr portés par leur emblématique 5éme LP s’apprêtaient à faire partager leur « nouveau rêve doré » à toute la planète et le fameux mensuel rock de la rue d’Antin n’avait décidément pas fini de les soutenir. Seconde partie…
En ce temps-là, les labels n’élevaient pas leurs artistes en batteries, comme de nos jours drogués à la facilité des télé crochets et autres saumâtres télé-réalités, s’étonnant hypocritement de vendre dix fois moins de disques qu’il y a vingt ans. En ce temps-là, on laissait les groupes grandir et tant pis s’il fallait au moins quatre albums pour qu’un U2 casse enfin la baraque… ou quatre LP pour qu’un Simple Minds ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=simple+minds ) décolle enfin dans les charts planétaires. Et il faut aussi saluer la clairvoyance de BEST face à son concurrent historique Rock & Folk qui ne prenait surtout aucun risque sur les groupes neufs lorsque BEST pariait inlassablement sur l’innovation, le punk ou la new wave, à l’instar de cet énorme papier consacré à Simple Minds. C’était toute la différence entre un Paringaux blasé et un Lebrun amoureux de la musique ( Voir sur Gonzomusic BEST VS ROCK & FOLK OU LA RUE D’ANTIN VS LA RUE CHAPTAL ). Anyway, dans l’écho de leur valeureux « New Gold Dream » ( Voir sur Gonzomusic SIMPLE MINDS « New Gold Dream 81/82/83/84 » ), après ce tout premier papier consacré à Jim Kerr et sa bande, je suivrai fidèlement chacune de leurs plus glorieuses aventures telles que « Sparkle In the Rain » ou « Once Upon a Time » et même dans le studio perso des Minds à Lockernhead pour l’enregistrement de « Street Fighting Years » ( Voir sur Gonzomusic AVEC SIMPLE MINDS À LOCHEARNHEAD )… Épisode 1 & flashback !
Publié dans le numéro 176 de BEST sous le titre :
UN MIRACLE ÉCOSSAIS
« New Gold Dream 81/82/83/84 » et l’étonnante productivité de Simple Minds : Jim Kerr et ses Ecossais pratiquent la créativité aigüe, une force qui les pousse sans cesse en avant En tous cas, ce nouveau rêve doré est bourré d’émotions. Son dosage subtil entre le rock et une tendance new funk en fait un album d’une étonnante richesse, le genre de disque qui vous donne envie de foncer le micro au poing, Interviewer Jim Kerr ; l’idée galope dans ma tête dès la première écoute de « New Gold Dream ». Simple Minds achève justement sa tournée anglaise par une série de concerts au Lyceum de Londres. Let’s go. Le Lyceum est un vieux théâtre aux dorures fin du siècle dernier, un décor qui se prête parfaitement à la performance des Esprits. Sur les planches, Jim s’exprime de tout son corps, gesticulant comme un lutin. Parfois il se penche en avant comme s’il pouvait plonger dans son public. Charles et les autres musiciens sont plus statiques, leurs ombres évoluent dans la lueur des prolos disposés derrière eux. La majorité des groupes déteste les interviews d’après gig, Jim au contraire s’y prête volontiers. Je le retrouve dans le salon de son hôtel face à une baie vitrée où les grands arbres d’Hyde Park s’agitent sous le vent d’hiver. Jim Kerr est écossais et si j’avais pu l’oublier, sa manière de rock and rouler les « r » m’aurait rrrrrrappelé à la raison.
« Ça fait plus d’un an et demi que nous bossons d’affilée. Les seuls breaks que nous nous sommes accordés ont été pour l’album. Mais je ne vais pas me la-menter sur les pressions ; de toutes façons Simple Minds est un groupe qui a besoin de la scène pour vibrer. La plupart des musiciens que je croise me racontent leur projets vidéo. S’ils consentent à donner des concerts, il faut que ce soit dans une galerie d’art, un milk bar ou un « café », bref c’est toujours une fausse alternative à la scène. Ils ont peur d’assurer leur fonction de grou-pe de rock. Pourtant, Simple Minds est aussi moderne qu’un lendemain, mais il y a toujours ce courant traditionnel qui nous parcourt le corps. Lorsque nous finissons un album ; nous partons en tournée et je sais que ça n’est pas neuf, les groupes le font depuis vingt ans, mais nous n’avons jamais prétendu créer quelque chose de complètement neuf, au moins dans le sens technique du terme. À mon avis, le problème numéro un de ces groupes, c’est qu’ils sont incapables de se produire sur scène, ils sont si mai à l’aise que les trois quarts du temps, ils sont incapables de regarder leur public droit dans les yeux. Ils lèvent le nez en l’air ou s’observent entre eux. Moi j’ai besoin de fixer mon public, voilà pourquoi il n’y a jamais de projos devant nous, le light show est toujours placé derrière la scène. On attache beaucoup d’importance aux différentes combinaisons de couleurs ; de sons et de mots.
L’évolution de Simple Minds est assez fracassante, comment expliques-tu le fossé entre la période Arista et les deux derniers albums Virgin ?
Je ne crois pas qu’il existe de réponse déterminée à notre évolution. Depuis quatre ans nous ne sommes pas seulement des pros en tournée, nous avons vécu dans une réelle cellule de groupe et c’est là que nous avons appris. Chaque année voit s’accroître notre somme d’expériences et de connaissances : si tu sais garder tes yeux et tes oreilles ouvertes, cela mène toujours à l’inspiration. Nous n’avons jamais programmé notre évolution, on travaille au radar : appelle cela intuition ou feeling. Je me souviens, fin 81, beaucoup de gens à la sortie de « Sons and Fascination » m’ont demandé « Mais où avez-vous déniché toutes ces idées ? » J’étais bien incapable de leur répondre. On pensait simplement qu’on changeait de peau, on muait comme les caméléons. C’était la fin d’une époque, nous ne savions pas où nous allions, mais toutes ces idées affluaient comme si nous étions en train d’épurer notre système, de nous regénérer. Avant d’être musiciens, nous sommes des individus et, en tant que tels, nous sommes sensibles à notre environnement : chaque année, ces valeurs évoluent, le temps finit par déformer leur perspective et ce qui t’apparaissait comme primordial ne l’est plus. Je crois surtout que nous sommes en proie à la confusion et nous l’utilisons comme une force motrice.
Pourquoi cette enfilade de dates à la suite de « New Gold Dream » : 81/82’83/84 ?
En quatre ans, nous avons enregistré cinq albums. « New Gold Dream » n’est pas une création isolée, certaines idées utilisées venaient de 81, de 82 et nous les projetons
Pourtant, le feeling de l’album est à l’opposé de la banqueroute économique qui frappe l’Ecosse ?
Nous n’avons jamais chanté le chômage ; même s’il nous entoure, je serais hypocrite de l’utiliser car je n’ai jamais bossé en usine ou aux entrepôts. Je crois surtout qu’il existe des professionnels pour évoquer ces problèmes. En fait chômage est plus profond qu’un malaise économique, c’est la preuve d’une mutation des esprits, car les gens, sans être paresseux ou oisifs, n’ont plus envie d’investir leur force de travail dans n’importe quoi car de plus en plus ils ont ce besoin d’expression qui les tenaille. À Glasgow, on t’élève pour empiler des briques, construire des navires ou assembler des pièces métal. Si tu penses, écris, peins ou crées, on te rit au nez : ces choses-là ne se font pas à Glasgow, il faut aller à Paris ou Londres pour cela.
Comment assumer sa différence sans éducation ou sans parents fortunés ?
Moi je ne sais pourquoi à huit ans, je me suis mis à écrire des mots sans suite, des fragments de phrases. En classe, j’étais nul dans toutes les matières sauf en rédaction. J’écrivais aussi des nouvelles. J’en écris toujours mais les trois quarts du temps, je suis incapable de leur trouver une chute : je laisse toujours une porte ouverte. À quinze ans, j’ai décroché de l’école pour aller dans les bibliothèques : j’avais soif de connaissance, mais d’une manière sélective ; par exemple J’étais passionné par l’Antiquité, Rome, l’Égypte, tout ce qui touche à ces civilisations disparues.
Comme tous les Ecossais, tu ne te sens pas britannique, comment ressens-tu l’Europe ?
Fortement bien sûr. L’Ecosse n’est qu’à un bras de mer de la Scandinavie. De toutes façons, nous ne ressemblons pas aux Anglais, c’est peut-être ce qui fait que nous avons toujours évité de vivre à Londres, une ville froide où les gens pour survivre sont forcés de travestir leurs émotions. Je me sens bien plus chez moi en France ou en Allemagne.
Toutes les compositions sont créditées « Simple Minds », de quelle manière procédez-vous ?
C’est très variable, mais nous apprécions le côté chimie du groupe. La musique est amenée par la guitare basse et chaque instrument finit par s’y intégrer. Quant aux textes, il y a des années, je prenais soin de mes crédits sur tes pochettes de manière égo-juvénile, mais je n’en ressens phis le besoin. C’est plus égal ainsi. Tu sais, nous sommes tous très liés et depuis longtemps lorsque nous écrivons, parfois les mots sont inutiles, on se comprend voilà tout.
Après les réactions favorables déclenchées par « Sons and Fascination », Virgin voulait nous imposer un « grand producteur ››. On en a vu défiler un certain nombre à nos concerts Lillywhite, Visconti et même Todd Rundgren. J’admire tous ces gens, mais nous ne voulions pas d’une star de la console, c’était trop évident. On cherchait plutôt un jeune ingénieur qui ait encore son trop plein de hargne à jeter dans l’aventure. On a rencontré Peter qui bossait à plein temps dans un studio et on lui a donné une chanson de « Sons and.. », Sweat in a Bullet » pour qu’if la remixe, il a viré la moitié des guitares et autres instruments, il a complètement épuré cette chanson pour qu’elle prenne une autre dimension. Avec Peter, nous avons appris ensemble : parfois avec le moins, tu obtiens le plus parce que ça libère l’espace. Je crois qu’avant nous avions trop d’idées exprimées à la fois et elles finissaient par s’annihiler. J’aime toujours nos premiers albums, on a toujours essayé de créer un son puissant ; maintenant nous savons que cette puissance doit être tranquille. Je pensais que ta véritable puissance était derrière un coup de batterie, ou une envolée vocale, mais cela n’est pas de la puissance, c’est juste un truc technique. La puissance c’est juste un feeling et avant ce « New Goid Dream » nous étions éblouis par nos propres sons : aujourd’hui, ils sont plus chargés d’émotion, voilà tout.
As-tu encore beaucoup de hargne dans l’estomac ?
Bien sûr et le jour où nous la perdrons, Simple Minds cessera sur-le-champ d’être un groupe intéressant. On n’a pas le temps de se relaxer. Je suis incapable de prendre un appart et de l’assumer avec une petite amie, je deviendrais dix fois trop heureux, trop confortable et cela se sentirait dans ma musique, il n’y aurait plus de tension.
Tu as besoin de la tristesse pour créer ?
Pas de la tristesse, non. Mais je suis très égoïste. Je crois surtout que Simple Minds est un groupe de schizophrènes, un moment on joue comme si on ne se préoccupait de rien et l’instant suivant nous pouvons être sérieux à mort. C’est peut-être une quête, mais je ne sais jamais exactement ce que nous essayons d’atteindre.
Tu portes à la fois l’Enfer et le Paradis ?
C’est très important car ça te permet de réaliser la beauté et la tragédie qui existe en toutes choses. On s’aperçoit que la beauté cohabite avec la tristesse, on comprend que la joie puisse soudain se transformer en tragédie, c’est comme les masques de la Comedia dei Arts.
À quoi ressemblera le prochain Simple Minds ?
Tout dépendra de ce qu’on ressentira à ce moment-là ou de ce qu’on sera capable d’absorber. J’ai un Journal où je note au jour le jour mes impressions, je l’utilise pour les textes, mais je présume que c’est aussi une sorte de thérapie. Je fais partie de ces gens qui écrivent des lettres aux autres sans jamais les envoyer. C’est inconscient : lorsque je me mets à écrire, je suis décidé, je suis en train de leur parler ; cela s’échappe de moi. Une fois que c’est sorti, je suis satisfait, ça n’est plus dans ma tête. Mais qu’on lise ou pas, ça m’est égal.
C’est de l’auto-psychanalyse ?
En tous cas, ça y ressemble étrangement. Pourtant, jusqu’à un très récent laps de temps, je n’y avais jamais songé. C’est une sorte de septième sens qui s’est développé en moi. »
Jim Kerr ne sait pas à quoi demain va ressembler, c’est la rançon de l’évolution permanente qui entrains Simple Minds. « Promised You a Miracle », « Someone Somewhere In Summertime » et les autres compositions de « New Gold Dream » forment une boucle serrée, Simple Minds est un des rares groupes dont l’expression tende de plus en plus vers l’optimal. N’est-il donc pas alors naturel qu’un tel le rêve soit plaqué-or ? 81 _82…83…84… all along the way.
Voir sur Gonzomusic LE NOUVEAU RÊVE DORÉ DE SIMPLE MINDS Épisode 1
LE NOUVEAU RÊVE DORÉ DE SIMPLE MINDS Épisode 1
Publié dans le numéro 176 de BEST daté de mars 1983