Pour fêter le 4:20 Radiohead faisait planer Rio de Janeiro
Hier, date du fameux et néanmoins forcément fumant 4.20, jour béni et international de la culture « cana », dans la banlieue Olympique de Barra de Tijuca, à Rio de Janeiro, au Jeunesse Center, une nouvelle arène façon Bercy, Radiohead clôturait de ses séquences planantes et décalées le Soundhearts Festival 2018. Zak Alister y assistait pour Gonzomusic…
Par Zak ALISTER
De Radiohead, à part le titre monstrueux « I’m A Creep », je ne connaissais pas grand-chose, c’est donc sans à priori, ni attentes que je me retrouve à ce Soundhearts Festival. Après plusieurs premières parties en ouverture, avec le groupe Brésilien Aldo The Band, le DJ Flying Lotus venu de Los Angeles et le groupe annexe de Johnny Greenwood guitariste de Radiohead, son side-project Junun, une alliance du compositeur israélien Shye Ben Tzur et du groupe indien Rajasthan Express, à 21:45, une effervescente tension agite la salle, on attend encore un peu, puis une énorme boule à facettes miroirs, totale « disco années 70s », qui tournicote là-haut tout au-dessus de la scène, dispense la pluie imaginaire de ses centaines de faisceaux diamantés sur le public, c’est joliment planant. Et c’est là que le Jeunesse Center résonne d’une immense ovation tandis que Thom Yorke et son groupe entrent en scène. Un peu échaudé par la piètre performance au niveau son du dernier concert de Phil Collins, il y a quelques semaines au Maracaña, j’appréhende un peu, mais surprise la sono est super réglée, le son clair, est présent et profond. Des caissons de basses ont été placés à même le sol face à la scène, pompant sérieusement un gros son pour les milliers de fans debout qui remplissent tout le parterre. À la manière d’un Pink Floyd, le show de lumières « électronique » est largement à la hauteur du son, aussi crucial que la musique, complétant parfaitement l’ambiance électro-pop-rock du groupe, pour parfaitement nous intégrer par le sens au monde de Radiohead.Derrière le groupe, un vaste écran ovale mélange divers effets spéciaux lumineux purement synthétiques, mosaïques, LEDs, pour un feeling néo-psychédélique très « flash-club-house-DJ ». En fond d’écran, au milieu de tout ça, apparaissent les membres du groupe, en gros plans, sur des mains, des bouts de guitares ou de keyboards, des morceaux de visages et des demi-corps.
Radiohead aurait pu tout autant de baptiser Cloudhead tant ils ont la tête dans les nuages
Avec ses deux batteries, ses deux guitares, sa basse, dont les sons n’ont pratiquement plus rien avoir avec le rock ni la pop, tant ils tissent une enveloppe langoureuse, une trame sonique griffée Radiohead. Une multitude de synthés nous baignent dans leur texture musicale si particulière, si travaillée et terriblement originale. La voix entre ciel et terre de Thom, nous fait décoller par le pouvoir de ses mélodies mélancoliques, si meurtries qu’on a la sensation qu’il est prêt à mourir pour cette musique. De longues notes, des écarts infra-toniques se mélangent aux sons des instruments, donnant le ton, même sur fond de techno-rythmes accélérés, elles dérangent et m’ont laissé troublé, tendu, marginal, exclu parmi ce public d’exclus. Entre chaque morceau, la salle se retrouve illuminée de ces faisceaux blancs étoilés qui lient le concert et maintiennent l’ambiance féerique.Je serais bien incapable de vous décliner les titres ( voir la set-list à la fin de l’article), n’étant pas expert de la discographie de Radiohead, tout ce que je peux vous dire c’est qu’ils nous ont offert 2 heures et demie d’un show impeccable, authentiquement dépaysant qui s’achève seulement après deux 2 rappels successifs, longs de respectivement six puis de quatre chansons. Enfin, Thom apparait une dernière fois pour un ultime morceau, seul avec sa guitare acoustique il interprète « True Love Waits ». Et c’est là que je réalise qu’ils n’ont même pas fait : « Creep ». Même pas besoin. Classieux. J’aurais adoré craquer pour le son de ce groupe, mais la musique que j’aime doit me coller comme la seconde peau d’un vieux jean, et non pas me gratter. Radiohead pratique l’art de la distanciation comme Sun Tzu celui de « L’art de la guerre ». Cependant, je reste persuadé que c’est bien là tout le but sonore de cette formation ,que de vous faire sentir inclus et étranger à la fois, dans cette famille quasi extra-terrestre de marginaux musicaux perchés. Radiohead aurait pu tout autant de baptiser Cloudhead tant ils ont la tête dans les nuages. Cela tombe bien, nous aussi !
By Andrea Ellis