LE CRASH-TEST DE L’ACID-HOUSE
Voici 30 ans en couverture de BEST, GBD composait LA playlist idéale d’une génération à l’aube de la naissance de la musique électronique baptisée alors Acid House. Bomb the Bass, S Express, Coldcut mais aussi Baby Ford et Neneh Cherry, sans oublier la nouvelle et longiligne égérie du smiley qu’était alors Yazz. Retour vers le futur de ces beats bigrement doppés au « E » en flashback forcément…halluciné 😀
Trois mois auparavant, dans le BEST 244, j’explorais les nuits agitées du nouveau swinging London électro ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/acid-house-in-london.html ). Entre temps, re-baptisée le nouveau summer of love, la vague acid-house ayant largement déferlé sur l’Hexagone, la jeune Yazz pouvait désormais s’afficher en « une » de votre fringant mag rock. Car cette musique ne nous a pas seulement apportée le fameux smiley ancêtre de nos émoticônes et tous les MDMA’s, elle aura pavé la route de toute la musique électronique jusqu’à nos jours, inspirant largement les artistes électro contemporains qui n’auraient sans doute pas existé sans ce mouvement aussi festif que novateur.
Publié dans le numéro 247 de BEST sous le titre :
ACID TEST : LES DISQUES
88 s’est estompé en flashes acidulés subtilement synthétisés par la machine à rêves excentriques made in England. L’hypnose house, comme ces boomtowns de la ruée vers l’or, nous a tous surpris par la contagion de son speed et la fulgurance de son carton. Preuve que tous les voleurs ne sont pas forcement arnaqueurs, les wanna be sorciers de la House ont su jouer du sampler pour confectionner quelques hits solides et d’autres si périssables qu’ils devraient être vendus, munis d’une date fraicheur à ne pas dépasser. Passera ? Passera pas l’hiver ? Que restera-t-il de nos amours house ? Si le leitmotiv de D Mob « Acieed !!! » ne se traduit pas chez nous par le même amalgame danse/mode vestimentaire/musique/way of life, il disparaitra sans doute, mais les bons docteurs Frankeinstein House n’ont pas encore dit leur dernier mot. À ce jour seul Yazz et Tim Simenon, alias Bomb The Bass ont sorti leur premier Album. On attend, hirondellement avant le printemps, les livraisons 33 tours de S Express, Baby Ford, The Beatmasters, Coldcut et autres kaleidoscopistes house. Hits chocs en retour, pour l’année nouvelle, et relevé topographique de la House dans une extase insoutenable ou maximale, rayer le disque ou la mention inutile. Smile !
1 – FARLEY JACKMASTER FUNK :
“ Love Can’t Turn Around»
(DJ lnt/London — import)
Celui par lequel le scandale devait arriver : Earley, un DJ inspiré de Chicago décalque ( on ne paralait pas encore de « sample » ou de « sampler » à l’époque :NDR) un vieux standard d’lsaac Hayes et injecte le concept house sur un beat hypnotique. Trois ans plus tard, ses disciples se comptent par milliers et Farley reste l’incontestable godfather du genre house, le James Brown du sample. le mother-fucker number One du groovy nouveau. Yop.
2 – BOMB THE BASS :
“Beat This”
(Rhythm King — Mute)
Premier détournement du symbole néo-baba « paix et amour frère » , le gentil Smiley s’offre le trip grand « E» sur le premier simple de Bomb The Bass – littéralement «taxe la Basse ! » – la cellule de prod du jeune DJ métis mix malais Tim Simenon. Radios jingles subtilement rétro 50’s, beat machinalement époustouflant, Mini Tim a la touche qu’il faut pour métamorphoser chaque HP en Smiley. L’album qui suit « lnto The Dragon » souffle le feu d’une acidité mélodique sous la chantilly d’une implacable pop house machine. S’il n’en reste qu’une, ce sera cette Bass là.
3 – D MOB :
“ We Call It Acieed !
(London- Barclay)
D Mob est le Scott McKenzie de la House. Son « We Call It Acieed » est le cri de ralliement des « extasiés » du nouveau swinging London, comme « San Francisco » millésimait l’année 1967. Mais je ne m’imagine pas beuglant “Acieed ! Acieed ! Acieed ! ! » sur une piste de danse tout au long de cette année 89. Et vous ?
4 – THE BEATMASTERS:
“Burn It Up !”
(Rhythm King – Mute)
Si leur « Rok Da House » a été le premier hit house à adrénaliser nos charts,
aussi camemberts que pathétiques, son follow up « Burn It Up » encaisse bien mieux l’érosion. Avec son funk robotique et ses remixs aux sous-titres joyeusement acides tels que « Orange Sunshine mix” ou “Yellow Sunset Mix”, les Beatmasters ont assez d’imagination pour déborder des têtes de DJ droit vers les caisses enregistreuses des rayons disques de nos hypermarchés.
5 – COLDCUT:
“Stop This Crazy Thing”
(Ahead Of Our Time – import)
House-vampires de Yazz pour son – leur- premier tube « Doctorin‘ The House”, Matt et Jonathan Coldcut, les corsaires les plus féroces de la House ont récidive avec Junior Reid, le chanteur de Black Uhuru. “Stop This Crazy Thing”, au sidérant sample de cri de Tarzan chanté sur fond de grillons androïdes est un trip digne du film African Queen si réaliste qu’on sent presque les piqures d’insectes sur la peau.
6 – S EXPRESS:
“Theme From…”
(Rhythm King – Mute)
Néo -Temptatlons, période « Psychedelic Schack » pour un Beat injecté de House, le “Theme From…” survivra à son matraquage intensif comme un Readers Digest. Hélas « Superfly Guy » son successeur-clone risque fort de fleurir les bacs des soldeurs. Mais Mark Moore, le gourou de S Express est un jeune homme aux multiples ressources, l’album à venir nous offrira peut-être un meilleur trip. Wait and see.
7 – YAZZ AND THE PLASTIC POPULATION:
“The Only Way ls Up”
(Phonogram)
Top Model Yasmin, grande sauterelle version Mireille Darc acid, Donna Summer revisitée House, Yazz est l’incontestable figure de proue de la galère disco ecstasy. Couleur, sexe et ressort uniforme, mais qui saurait reprocher les similitudes de “Love To Love You Babe » et de «I Feel Love » à la diva Summer ? Seule star authentique de la House culture, la Grande Duduche n’a pas fini de crever nos plafonds.
8 – BABY FORD :
« Oochy Koochy»
(Rhythm King — import)
Le noceur le plus frénétique de la House en speedmetal aussi séquencé que « no future » sonne comme du Terry Riley téléporté du 16 au 78 tours. Je recommande Baby Ford à tous les Stakhanovistes du « E ».
9 – JAY STRONGMAN ;
“East-West”
(Rhythm King – Mute)
DJ habile et féru de soul culture, Jay Strongman détourne pèle-mêle James B, les Ohio Players et E.W and F pour balancer un maxi colosse de Rhodes en forme de soul brother party saupoudré d’exotisme frenchy. House bunker sans acidité “East-West” déboussole tout aficionado de James comme le répliquant de Bladerunner. ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/le-repliquant-de-bladerunner-est-mort-cette-fois-pour-de-vrai-helas.html
10 – NENEH CHERRY :
« Buffalo Stance »
(Circa – Virgin)
Neneh est à Tim « Bomb The Bass » Simenon ce que Yazz est a Coldcut: un fantasme house funky sensuel et humide. Neneh « Cerise » est un charmant clafoutis, certes plus proche de Janet Jackson que des allumés liquéfiés des clubs acidés, mais son petit brin de hit devrait durablement survivre aux gaz moutardes de nos charts.
11 – INNER CITY :
« Big Fun »
(10 Records – Virgin)
Retour à l’envoyeur ou presque, lnner City incarne la House de Detroit, l’autre côté du miroir de la prospérité Motown des chaînes de montage des usines autos. « Big Fun » pulse la crise et les jobs perdus, mais comme dans la fable, le feeling est au fond du sillon.
12 – ELECTRA :
« Jibaro »
(Ffrrr/ London – lmport)
Père des légendaires balearic beats, cousins germains de la House, ces rythmes importés d’lblza par quelques DJs assoiffés sont la réincarnation de Santa Esmeralda célébrissime combo disco et hélas RIP.
13 – WEE PAPA GIRLS :
«Heat It Up»
(Jive-BMG)
Poupées qui ne savent pas dire non, les filles Wee Papa sont furieusement rap-house. Poupées Barbie black pour «chouettes jeunes cannibales », les fi-filles sont justement produites par les fameux ex-Beat et Fine Young Cannibals David Steele et Andy Cox.
14 – THE HOUSE SOUND OF CHICAGO :
“ Vol III Acid Tracks »
(Ffrrr/London – Barclay)
LA compile de référence, ce « Vol Ill » a révélé au monde ébahi l’existence d’une Acid House pour nouveaux freaks hallucinés, tels que le Prince de Chicago, Jaimie Principle et le déjanté Tyree qui, à l’image de la goutte d’eau du robinet qui fuit, a créé le monstre “Acld Over”.
15 – THE HOUSE SOUND OF LONDON:
“Vol lV The Jackin’ Zone”
(Ffrrr/London — Barclay)
Compile historique pour la House British, crée par le DJ Jazzy M à partir de son show radio pirate sur LWFl, « The Jackin’ Zone » a su faire carrément basculer l’Acid vers sa quatrième dimension version Union… Jack !
16 – BOMB THE ROK
Compilation
(Mute)
Coldcut, Bomb The Bass, S Express et Beatmasters…bref, toute la House à succès réunie sur deux hémisphères de vinyle. Par contre « Bomb The House », le second épisode souffre a 50 % d’anémie pour cause de Baby Ford-tltre raté – et de S Express itou – “Superfly Guy “ étant la version edulcorée Canada Dry de son “Theme from…”
l7 – UNITED HOUSE NATlONS PROJECT
(Circa — Virgin)
Si tous les houseurs du monde voulaient se donner la main… ils feraient une compile de l’internationale Acide. Inde, Zaïre, Japon, Égypte, Brésil et Espagne échantillonnent dans l’exotisme et c’est encore plus fun que la tour de Baaaabel. Mais où est donc passée Ofra Haza?
18 – NO VISION :
“Death Pertalty » 12 inches
(Bondage — New Rose}
Graffiteur voleur comme tous les dévots de la House, No Vision a carrément pris Tim Simenon au mot en taxant à la fois la basse et les jingles gimmick de Bomb The Bass et de Coldcut. No Vision malgré son pseudo british est aussi le premier acidman camembert, vindieu !
19 – JEAN-PAUL GAULTlER:
“How To Do That »
{Phonogram}
Gaultier ose la House de couture avec panache et c’est fun. Les British vont adorer le côté inspecteur Clouseau de son accent, les frenchies craqueront sur le style anglais et tous les autres sur les somptueuses gravures de mode Gaultier clippées par Jean Bat‘ Mondino.
20 – ????????? :
« ?????????»
(??????’?-?????)
Smile, si Gaultier peut le faire, vous aussi. Tout sampler vit aux dépens de celui qu’il sample. Pillez vos discothèques et abreuvez-vous à tous les sillons de ces 19 disques. Echantillonnez ensuite en massacre a la tronçonneuse et enfin créez vos propres house-rengaines a succès, chez vous, à la maison. Il ne reste plus qu’à vous glisser dans le Perfecto fluo d’une idole acide. Smiley soit avec vous.
Publié dans le numéro 247 de BEST daté de février 1989