KAS PRODUCT « Tribute »

par GBD · 23 février 2023

KaS Product par Pierre René-Worms

Il a beau nous avoir quittés en février 2019, parti bien trop tôt à 62 piges, Spatsz est toujours aussi vivant dans nos têtes et dans nos cœurs et si l’on pouvait en douter ce merveilleux « Tribute » en est la preuve la plus cinglante. Ses séquences synthétiques de KaS Product sont juste éblouissantes, propulsant les vocaux soul blanche en éruption volcanique de Mona Soyoc au firmament parmi ces étoiles qu’il a finalement rejointes. Sublime objet, riche de photographies iconiques et des témoignages enamourés des fleurons de la rock-critic hexagonale, cette époustouflante collection nous rappelle combien le duo nancéen a su être précurseur et visionnaire, inventant dans les 80’s un son en forme de portrait de Dorian Gray qui ne saura jamais vieillir.

Sur la pochette de ce « Tribute » le visage de Spatsz apparait dans la lumière, tandis que le profil de Mona brille dans la pénombre. Le contraste est saisissant et le message porté par l’image puissant, suggérant que le claviers mythique de Kas Product est devenu immortel. Bien entendu ce n’est qu’une métaphore quoi que … J’avais eu le privilège d’être parmi les premiers rédacteurs rock à s’initier à l’art du KaS Product, rencontrant le duo post-atomique un peu avant la sortie du premier LP. Mona s’en est souvenue, me demandant de composer un petit texte pour ce projet de collection de compositions majeures du groupe. J’avais donc écrit :

« Cet hiver 1982, j’ai reçu une pré-cassette qui ne ressemblait à aucune autre, c’était « Try Out », le premier album d’un incroyable duo. KaS Product n’avait décidément pas fini de nous surprendre… et de nous séduire, porté par la voix fauve de Mona Soyoc et les incroyables machines de Spatz. Ce duo post-atomique, inspiré par Kraftwerk, Snakefinger et l’esprit de la punkitude, ne ressemblait décidément à aucun autre, dans l’Hexagone et au-delà. Avant les Eurythmics de Dave & Annie, avant les Sugarcubes de Björk, la formation visionnaire de Nancy a su si bien nous faire percuter la modernité électronique du 21éme siècle…largement en amont de ce nouveau millénaire, en sidérante révolution sonique. Près de 40 plus tard, si le son de KaS Product n’a pas pris une ride, une larme coule néanmoins en souvenir du cool Spatz qui nous a quittés bien trop tôt, en février 2019, fort heureusement son rock intemporel lui survit à jamais. »

KaS Product par Denis Chapoullié

Aujourd’hui j’ai l’album entre les mains et c’est un bien bel objet, avec son superbe livret illustré de clichés sublimes de Terrasson, René-Worms et bien d’autres photographes de talent pour accompagner les contributions de Francis Dordor, d’Éric Ouzounian ou d’un certain Gérard Bar-David. Mais au-delà de l’aspect esthétique, le plus époustouflant reste la musique, ces 18 titres d’une hallucinante modernité qui demeurent toujours et malgré les décennies une cinglante claque sonique. Dès le premier titre le percutant « Man Of Time » le son Shadows des 60’s percute une sauvage punkitude dans un décor de pure SF où Mona campe une Barbarella rock. Furieusement exotique « Foreign Land » sur ses séquences extrême orientales nous offre une Mona/ Marlene Dietrich d’un cabaret mélancolique. Sombre et climatique, « Tina Town » est incantatoire comme une Blondie vénéneuse qui serait passée par la case (Product ?) « Low » berlinoise de Bowie. Mais c’est avec « Gift Of the Gods » qu’explose la sensualité animale de Mona Soyac sur un simple piano presque jazzy piloté par Spatsz : l’effet est saisissant. On retrouve bien évidemment le puissant hit underground de Mona & Spatsz, l’hallucinant « Never Come Back », porté par son Moog tout simple et sa boite à rythme entêtante à la Devo, pour sublimer une performance vocale blues possédée digne d’une Janis Joplin. Malgré toutes ces années, cette chanson reste toujours un électro-choc libératoire.

KaS Product by Paul Slattery

On tombe aussi sous le charme des séquences 60’s psychédéliques de « Loony Bin » aux confins des Cramps et de Pierre Henry. L’autre hit majeur de KaS Product, le félin sensuel « Pussy X » prouve qu’il n’a décidément rien perdu de son incroyable pouvoir de séduction entre Marilyn Monroe et Patti Smith. Sur un instru tout en clin d’œil à « La Panthère Rose » d’Henry Mancini une langoureuse miss Soyoc campe une « Chatte sur un toit brulant » toute en Technicolor… what a trip ! Vous avez dit « cinématographique »… la suivante et grandiloquente « Above » aurait pu sans peine figurer au générique d’un James Bond. Climatique et entêtante « Taste Eternity » a un petit parfum capiteux de Blondie, mais c’est avec l’incantatoire et dramatique « Doors » que s’achève ce « Tribute » en forme d’hommage au sens littéral de Mona Soyoc à son frère d’armes tombé au champ d’honneur du rock. On se console en se disant que s’il n’y aura plus jamais de KaS Product, Mona poursuit sa route avec son KaS Product Reload ( Voir sur Gonzomusic HOMMAGE A SPATSZ DE KAS PRODUCT ) avec l’immense Pierre Corneau à la basse ( Voir sur Gonzomusic ADIEU MARC SEBERG ) et Thomas Bouetel aux claviers… mais c’est encore une autre histoire du rock 🤓