STEVE MILLER SOME PEOPLE CALL HIM MAURICE

Steve-Miller-Band-Voici 41 ans dans BEST GBD avait l’immense privilège de rencontrer enfin celui que certains surnomment le Space Cowboy, que d’autres surnomment le gangster of love ou bien d’autres qui le surnomment Maurice… on parle bien entendu du « Joker », pas celui de Batman à Gotham city mais de Steve Miller, qui venait défendre « Circle Of Love » , le onzième album-studio du légendaire guitariste de Milwaukee , Wisconsin. Flashback…

Steve Miller by Jean Yves Legras

Steve Miller by Jean Yves Legras

Dans le numéro précédent de BEST, soit le 161 j’avais chroniqué le « Circle Of Love » de Steve Miller ( Voir sur Gonzomusic THE STEVE MILLER BAND « Circle of Love »  ) . J’avais découvert ce guitariste intergalactique en 73 avec « The Joker » et j’avais adoré les deux LP suivants, la suite d’une trilogie rock, « Fly Like an Eagle » (76) puis « Book Of Dreams » (77) . Et même si le petit dernier n’était pas aussi fort que ses prédécesseurs, je ne pouvais résister au plaisir de tendre mon micro dans une suite de palace parisien à Steve Miller. Rencontre avec un cowboy de l’espace… désormais basé à Seattle !

Publié dans le numéro 162 de BEST sous le titre :

SPACE COWBOY

Une  chance  que  j’ai pu  trouver une place  ;  dix  minutes  plus  tard  et c’était  l’impasse.  Heureusement,  le computer  a  accepté  d’avaler  ma crédit-carte  et  de  me  programmer sur  la  navette  en  partance  pour New-Seat, le 11. Ça fait toujours un drôle d’effet de décrocher une interview  avec  une  légende  vivante  sur sa  planète  mobile.  Steve  Miller,  car c’est bien du légendaire Space Cow-Boy dont il s’agit,  revient  d’une  longue  odyssée  inter-systèmes  qui  a  duré  plus de  quatre  années  terrestres.  Le trou noir. Depuis « Book of Dreams », c’était  le  black  out,  et  soudain, « Circle of Love », un nouvel album, est lancé sur le marché : Steve Miller refait surface. La  navette  spatiale  s’est  placée  sur le  côté  droit  du  vaisseau  de  Miller, les  sas  ventouses  opèrent  leur jonction  :  il  ne  me  reste  plus  qu’à traverser.  Un  homme  en  combinaison  bleue  à  l’effigie  du  Pégasus m’accueille dès la sortie. On se croirait  dans  les  couloirs  d’un  grand hôtel.

«  Vous  comprenez,  me  dit-il, Steve a transformé la décoration interne de son vaisseau. En souvenir  de  ses  tournées,  il  a  doté  l’endroit de centaines de chambres copies conformes de suites de grands hôtels  existant  sur  Terre.  Ainsi,  lors de  ses  longues  randonnées  galactiques, Steve a l’impression de continuer  à  voyager  sur  Terre.  Il  vous attend  dans  sa  chambre…  heu…  La chambre George V. Ainsi, il a pensé que vous ne seriez pas trop dépaysé ».Steve Miller

Et  il  m’a  planté  devant  une  porte numérotée  550.  Lorsqu’il  paraît dans  l’encadrement,  je  reconnais Steve  Miller  malgré  ses  verres  fumés.  L’intérieur  de  la  chambre  est  incroyablement  reconstitué  :  les meubles,  les  tapisseries,  le  service à  café,  même  le  paysage  parisien par  la  fenêtre.  C’est  assez  troublant.  Dans  un  coin  de  la  pièce,  la blonde  compagne  de  Steve  se  tient silencieusement  à  l’écart.  «Assieds- toi, veux-tu du café ? ».  Sur  la  table  à  côté  de  lui,  Steve Miller  a  posé  un  Walkman  recorder tuner  pour  lui aussi enregistrer  l’interview. Jouons  le  jeu  jusqu’au  bout:  nous sommes  à  Paris,  voyons  ce  qu’il pense  de  notre  bande  FM  et  des radios libres.

 » Tu as eu l’occasion d’écouter des trucs intéressants sur nos radios ?

J’étais assez fasciné par  ce  qui  se  passait,  lorsqu’hier soir j’ai essayé d’enregistrer un pro­gramme de radio. C’est une vieille habitude,  dans  les  endroits  où  je passe, j’enregistre des tas de choses. J’ai rempli deux faces de cassettes, il y avait tant de trucs différents. Ça allait du bon vieux jazz à la musique africaine, en passant par le rock et des choses très étranges. Avant, il n’y avait que trois stations, n’est-ce pas ? Maintenant, c’est la liberté. Au moins ces nouvelles radios colleront exactement aux goûts divers du public.

Lorsque tu ne campes pas dans une  chambre  d’hôtel,  vis-tu  encore aux Etats-Unis ?

En fait, j’ai deux résidences à Seattle , près de la frontière canadienne, c’est le point le plus à l’ouest des U.S.A. J’ai une maison en ville et un ranch à 500 miles. Je me balade de l’une à l’autre.

Tu   n’élèves tout de même   pas   de   chevaux ailés dans ton ranch ?Steve Miller

(Rire)  Nous  ne  parvenons  pas  à faire tenir les ailes J’ai tout essayé, alors le me contente maintenant de chevaux  réguliers  et  de  quelques veaux. Pour  nourrir  tout  ce  petit monde,  nous  faisons  pousser  du foin ; tous les ans on en rentre plus de trois cents tonnes. J’ai 450 acres de  terre  et  mon propre studio.  C’est  ma retraite. Je m’isole là-bas pour bosser, parfois aussi simplement pour réfléchir. Mais la majeure partie du temps je réside en ville à Seattle.

Pourquoi as-tu attendu si long­temps pour sortir ton nouvel album ?

De  75  à  78, j’ai tourné très intensivement sur les routes américaines. Dans la foulée, j’avais sorti deux LP et j’ai continué à tourner. Ensuite,  je  me  suis  arrêté  et  j’ai réalisé que je n’avais qu’une envie : échapper au cirque infernal : un LP/une  tournée.  Je  me  suis  enfermé dans le studio et j’ai composé beaucoup de musique, en tout, une cinquantaine de morceaux. « Circle Of Love  »  n’est  que le premier d’une série de quatre albums qui sortiront étalés sur deux ans Je repars chez moi et je pense bosser sur ces projets  jusqu’au  mois  d’avril.  Ensuite, c’est le début de l’aventure, je pourrai commencer  une tournée mondiale d’un an et demi sans avoir à me soucier d’enregistrer. J’ai envie de prendre  mon  temps  et  venir  trois fois en Europe s’il le faut. Le boulot ne manque pas, j’en suis conscient. Tu sais, je ne suis pas mégalo. A mon premier concert en France, je ne m’attends pas à ce que beaucoup de gens méconnaissent, alors je jouerai dans une petite salle.

Tu   n’as   pas   l’impression   que  les Européens te connaissent ?

Tu sais, je n’ai pas joué en Europe depuis si longtemps. Je ne suis passé une seule fois en France, en 69, pour une émission de télé. Tu imagines, 12 années, je crois qu’il me faudra un certain temps, mais peu importe, car j’ai envie qu’il  se passe quelque chose de fort.

Tu as l’impression que le marché  U.S.  n’est  pas  suffisant,  même pour un Américain ?

Ça  n’est  pas  quantitatif,  je crois avoir un public assez répandu tout autour du monde. Le rock m’a conduit à des tas d’endroits où je n’avais jamais mis les pieds. Le rock a renversé les barrières sociales et culturelles, mais il a aussi renversé la notion de distance pour un artiste. Crois-moi, j’ai déjà joué dans toutes les villes des States au moins dix ou quinze fois. Ça m’excite bien plus de donner des concerts en Europe.Steve Miller

Je me souviens que, voilà quatre ans, à cause de ta chanson « Jet Airliner », tu avais eu des démêlés avec la censure ?

La  censure des radios, oui ; j’ai dû enregistrer  deux  versions  de  la  même chanson à cause du mot « merde». On a tiré un 45 tours spécial radio où le mot « kick » remplaçait « shit ». Les censeurs sont une race d’animaux stupides ; on peut toujours les biaiser, les tourner en dérision en jouant sur le sens des mots. C’est comme avec « Take the Money And Run » sur le 33 tours « Fly Like An Eagle », ils ne trouvaient pas cela moral de chanter l’histoire de deux personnes qui en  assassinent  une  troisième  en toute impunité. En fait, la chanson était tout bonnement inspirée de l’histoire de Bonnie and Clyde.

Es-tu  toujours  autant  influencé par l’espace ?

C’est vrai l’espace me fascine. J’aime le son des éléments. Parfois, je me dis que si tous les dollars engloutis dans les budgets militaires avaient été versés à la recherche  spatiale,  nous  n’aurions  plus besoin de nous déchirer sur Terre. L’exploration de l’espace est la nouvelle frontière que nous attendons depuis si longtemps. Regarde  nos walkman  et  les  micro-chips,  tout cela est directement issu de la recherche spatiale et aujourd’hui nous ne pourrions plus vivre sans eux.

De quelle manière la recherche spatiale a-t-elle directement influencé ta musique?

Il y a quinze ans, le synthé que  j’utilisais  occupait  tout  l’espace de cette pièce où nous nous trouvons ; aujourd’hui, grâce à l’espace, ce synthé a tout juste la taille d’un clavier. Regarde comment la technologie  m’a  permis  de  progresser dans ma musique : j’ai fait mon premier album en 68 avec un quatre pistes, le dernier a été produit sur 48 pistes Le prochain stade, c’est la suppression totale de la bande magnétique pour la remplacer par des mémoires digitales.

Tu  as  tout  enregistré  chez  toi, n’est-ce pas ?Steve Miller

Bien entendu, c’est ainsi que j’ai pu prendre tout mon temps. Par exemple, « Macho City » est un mix de trois sessions différentes. C’est une  vision  un  peu  cynique  sur  la manière dont les informations nous sont transmises par la télé. C’est un beat assez funky mais « Fly like… » l’était tout autant. « Circle ot Love » est une balade amoureuse et nostalgique à la guitare. « Get on Home » est une adaptation d’un vieux standard folk qui m’a fait craquer. En ce moment je suis plutôt branché sur un son très synthétique. Je me suis offert un Prophet 10 programmable par micro cassettes. La qualité  du  son  est  à  tomber  par terre. Je pense aussi au prochain, un  véritable  ordinateur  avec  un écran. Lorsque tu joues, les tonalités musicales s’affichent sur un graphique à l’écran ; ainsi, tu peux mesurer à l’œil nu ce que tu joues.

A  quoi  va  ressembler  ta  prochaine trilogie?

J’en  ai  marre  de  tous  ces albums  soigneusement  découpés en  12  chansons  par  2 faces.  Je  n’ai aucune envie de me laisser limiter. Le titre du prochain LP, c’est « Italian X Ray », à cause des inventeurs de l’atome. »

Ainsi, notre Gangster of Love groupe ses productions. C’est drôle, quatre ans après, d’apprendre que « Fly Like an Eagle » et « Book of Dreams » ont été enregistrés en même temps. Steve  Miller  ressemble  aux  «  segways » qu’il  collectionne  sur ses disques,  ces  sons  spatiaux  que  tous les DJ de radio, moi y compris,  ont récupérés pour en faire des jingles. II en a, paraît- il,  des  kilomètres  de  bandes  Ce cowboy  d’origine  est  conçu  sur  le même  type  qu’un  Armstrong  ou  un Glann, un de ces astronautes qui ne craint jamais de se mesurer à l’espace. L’espace de Miller, c’est  son imagination rock et elle est au moins aussi vaste. La navette est venue me repêcher pour assurer le trajet du retour vers Terre. La cabine spatiale  s’est séparée du vaisseau  et tout comme Miller,  elle  chantait  à la manière de l’engin de « Fly Like… ». Just another way, you know…

Publié dans le numéro 162 de BEST daté de janvier 1982

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