JUICE WRLD « Legend Never Dies »
Une avalanche de compositions puissantes et quelques (rares) tracks de remplissage, pas un seul sample identifiable et une toute petite poignée de featurings dont Halsey et Marshmellow, le 3éme et forcément posthume album de Juice WRLD est un monument édifié à la gloire d’un jeune homme surdoué, mort bien trop tôt au champs d’honneur rapologique. « Legend Never Dies » est son testament solide, un puissant signal d’alerte, doublé d’un carton planétaire, qui nous adjure à (presque) chaque chanson de nous tenir à l’écart de cette addiction killeuse de la dope et des médocs.
On pense à son lointain cousin Notorious B.I. G et à la publication de son lumineux « Life After Death », juste après son assassinat en fèvrier 1987. Certes, Juice WRLD est décédé d’une overdose, pas d’une balle, mais du coup après ce terrible coup de projecteur j’avais craqué sur le fulgurant second CD de la jeune rap-star de Chicago ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/juice-wrld-death-race-for-love.html ). Car, contrairement à sa jeunesse, l’album résonnait d’une incroyable maturité. À l’instar de ce troisième album compilé à partir du trésor sonic laissé derrière lui par Juice. Accompagnant la publication de toutes ces tracks posthumes choisie parmi des centaines d’autres enregistrées par le jeune rapper surdoué mort à seulement 21 ans ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/mort-tragique-de-juice-wrld-a-21-ans.html et aussi https://gonzomusic.fr/juice-wrld-pris-de-convulsions-lors-dun-controle-de-police-a-fait-une-od-dopioides.html ) un message de la famille qui les a compilés nous alerte : « Du fond de notre cœur, nous voulons remercier chacun d’entre vous pour votre adoration et votre amour indéfectible pour Juice » ont publié ses proches en exergue de ce « Legend Never Dies », « Vous représentiez le monde entier pour Juice et en écoutant sa musique, en regardant ses vidéos et en partageant vos histoires sur lui, vous gardez sa mémoire vivante pour toujours. Nous avons l’intention d’honorer les talents de Juice, son esprit et l’amour qu’il ressentait pour ses fans, en partageant cette musique inédite et d’autres projets qu’il était passionnément en train de développer”.
“Anxiety”, sorte d’intro parlée tout commence par un message délivré aux fans: « La musique est juste une belle chose, comme je m’aime tellement, dans la mesure où la façon dont je fais de la musique, la façon dont Dieu m’a fait, la façon dont Dieu m’a câblé pour faire les choses que je fais, et pour changer le monde de la façon dont je peux », c’est juste super émouvant d’entendre cette voix d’outre-tombe. Puis on découvre « Conversations » super et entêtante composition, comme d’habitude chez Juice, les mots sonnent vertigineusement prophétiques…« Prendre tous ces médicaments dans la tronche m’a fait mourir/ Fumer jusqu’à ce que mon esprit grille, les yeux rouges, défoncés et en pleurs/ Pour endormir la douleur avec Oxy et Dior, oui, c’est cher /De l’énergie comme 2Pac Shakur, pas du thé glacé… » Avec « Titanic » l’analogie avec le naufrage est évidente, again Juice nous fait partager à travers son flow hypnotique tout son mal-être. Puis le festival se poursuit avec « Bad Energy », aux vibes émotionnelles, où les mots sont aussi affutés que le fil du rasoir: « Je prends des pilules toute la nuit, dans le studio, pour exprimer mes sentiments/ Je ne peux pas expliquer ce sentiment/ J’ai l’impression de me perdre même si je gagne… »
Mais c’est avec la sidérante « Righteous » que les choses sérieuses avaient commencé. Premier single avant-coureur de l’album, publié le 4 mai dernier, le titre vous vrille le cerveau comme un chignole virtuelle, par sa simplicité, son émotion aussi dépouillée qu’exacerbée. « My anxiety is the size of a planet », et à nouveau Juice WRLD transforme son spleen intégral en perle musicale, sans compter à nouveau l’aspect prophétique de ses paroles. Comment ne pas songer à George Floyd et à son « I can’t breathe » lorsqu’il chante : « Nous nous noyons, alors je vais chanter/ Mes démons se retournent contre moi/ Inhaler, expirer, mais je ne peux pas respirer/ Trop occupé à boire de la codéine à grande vitesse ». « Blood On My Jeans » c’est juste une voix et une guitare acoustique avant que le flow ne coule comme une rivière impétueuse. « I Want It » est une délicate love song, aérienne et tendre, si cool que c’est presque du pop rap art. Autre titre fort avec « Fighting Demons »où sur intro piano ultra simple, Juice y raconte sur un mode angélique détaché son mépris de l’argent et de la réussite uniquement mesurée en dollars : « Deux M(illions) sur mon compte en banque, j’ai du cash, non ?/ Et c’est censé me rendre heureux… »…super puissant . Et ce festival du cool se poursuit avec « Wishing Well » aux mêmes accents prophétiques du « I Can’t Breathe » répété ad lib dés l’intro : « Je ne peux pas respirer je ne peux pas respirer, 999/ Attendre l’expiration /Je jette ma douleur avec mes souhaits dans un puits à souhaits… ». Puissant, chair de poule, palpitant comme un cœur qui pulse la chamade, « Wishing Well » compte incontestablement parmi les morceaux de bravoure de l’album. Angélique sur un mode déchu, l’ironique « Screw Juice » est hanté à la fois par l’amour et la défonce, la jalousie et la résilience, les larmes et le sang. « Up Up And Away » où le lyrisme de Juice jaillit comme une source claire dont, hélas, dont l’eau se trouble trop vite par les multiples dopes et toutes les incertitudes de la vie. Compo délicate et tendre, encore portée par une simple guitare acoustique.
« Stay High » au flow incroyable se révèle aussi élégant qu’une ballerine sur la scène de l’Opéra. Vertigineux feeling, aussi enivrant qu’un joint de « New York City Diesel ». Puissant et aussi désespéré, tel un magnifique SOS, hélas parvenu bien trop tard à destination. Comme si ce titre sur le naufrage intérieur nous rappelait inlassablement, tel le couteau retourné dans la plaie, que Juice s’en est allé pour de bon, hélas. Et que dire de ce percutant « Can’t Die » aux mots d’une triste clairvoyance : « Parfois, j’ai l’impression de ne pas pouvoir mourir, car je n’ai jamais été en vie/ Chaque jour, on a l’impression que quelqu’un d’autre meurt, en espérant que la nouvelle soit un mensonge … » et toujours sur un instru aussi cool que dépouillé, porté à nouveau par une simple guitare sèche. Et là, soudain survient le choc : Juice ne rappe plus, mais il rock carrément, comme seuls the Roots ou Outkast y étaient parvenus, avec l’éblouissant « Man of the Year », sans doute la composition la plus magistrale de cet incroyable projet. Bien entendu, toujours aussi autobiographique, cet « homme de l’année » c’est lui, avec toute la pression de la starification instantanée qui régit désormais ce monde digital. En tout cas, si le terme « tube de l’été » pouvait encore avoir un sens, ce « Man of the Year » le mériterait massivement. Ensuite, c’est le coup de massue avec cette outro tchatchée intitulée « Juice WRLD vous parle en direct du Paradis…et ça fait froid dans le dos… « Je suis sur Instagram en direct du ciel, hein/ J’ai réussi, je suis là-haut, je suis là, je suis là/ Haha, je vous aime tous à mort, hum/ Je ne pourrais pas espérer de meilleurs fans ou de supporters/ C’est sûr, je vous aime tous à mort, 999, pour toujours/ La fête ne finit jamais ». Et là… on se demande : mais pourquoi ce chiffre 999 et que signifie t’il pour Juice et sa communauté de fans ? Réponse : « Le chiffre 999 représente le fait d’encaisser n’importe quel enfer, n’importe quelle mauvaise situation ou n’importe quel combat que vous traversez et de le transformer en quelque chose de positif et de l’utiliser pour vous pousser à aller de l’avant. »
Suivent quatre titres enregistrés en collaboration avec Halsey (« Life A Mess ») ainsi que deux featurings avec Marshmellow, le musclé et finalement entêtant « Come & Go » puis le cool « Hate the Other Side ». Enfin, on découvre « Tell Me U Luv Me », au titre quasi-Princier, capturé avec Trippie Redd sur le thème des filles et de la dope, vastes sujets s’il en est. « Salope, je suis un drogué/ Alors, peux-tu me planquer ma dope ?/Et quand je me sens seul/Peux-tu me tenir compagnie ?… ». À l’instar de son prédécesseur « Death Race For Love », le bien nommé « Legend Never Dies » est un carton planétaire, une sensation qui s’est élevé sur la plus haute marche du podium des charts, multipliant les étoiles des critiques unanimes un peu partout sur Terre. Et tout cela à seulement 21 ans et demi… quelle tristesse… quel vide nous laisse-t-il !