JEAN-PIERRE MORGAND « L’homme qui passe après le canard »
Gonzomusic vous en parlait en février dernier : Jean-Pierre Morgand, ci-devant fameux chanteur des Avions, avait tout mis dans la balance pour se lancer, participativement parlant, avec le site Kiss Kiss Bank Bank pour produire son prochain album ( voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/et-si-comme-moi-vous-produisiez-le-prochain-album-du-chanteur-des-avions.html). Bingo ! Avec les Euros ainsi recueillis, JP a pu enregistrer et achever de produire les 12 chansons de ce « L’homme qui passe après le canard ». Et franchement, à l’écoute de ce CD on peut parler de joyeux retour sur investissement, tant les quelques billets versés ne l’ont pas été en vain. L’album est à la hauteur, avec ses références rock exemplaires de Springsteen aux Beatles en passant par le Velvet et l’incontournable Serge Gainsbourg.
« Tu écris ta vie avec un stylo planté dans un gant de boxe… » c’est ainsi que démarre « Rose », la chanson qui ouvre l’album et qui évoque furieusement les tendres balades d’un Bruce Springsteen. Guitare mélancolique, référence au « Tambourine Man » qu’est Dylan, Morgand rend ainsi hommage avec beaucoup de délicatesse à ses héros éternels du rock avec un vibrant sens de la formule pour une palpitante entrée en matière. Suit « Maman », une composition pop nostalgique, intimiste et tendre, un peu dans la veine de la fameuse « Tombe la neige » des Avions. « Par terre » plus rock, voire blues même, roule sur le thème du regret : « j’ai foutu ma vie par terre, et j’ai foutu ma vie en l’air, pour quelques principes idiots qui me collent à la peau » semble regretter Morgand. Et puis toujours cet humour un peu sarcastique qui manie l’autodérision avec une belle expertise « mon père était rampant, et moi dans les Avions », chante-t’il dans ce titre aussi fun que grave. Mais c’est justement ce côté sucré salé qui a toujours distingué le rock de JP. Et l’on se dit que c’est si bon de le retrouver aussi préservé. La chanson-titre « L’homme qui passe après le canard », est vraiment la composition charnière de ce projet : celle qui aura incontestablement servi de déclencheur . « Un dernier pli sur sa chemise rose/ Et puis derrière le rideau/ A attendre le starter/ Que le bal des oiseaux finisse/Un intermède rigolo dans le show/ je passe après cinq gros canards jaunes/ Grandeur nature/ ça rassure/ Le public hurle, la tension monte/ et me voilà lancé/ dans une chanson vingt ans d’âge (…) Je suis l’homme qui passe après le canard… ».« Je suis l’homme qui passe après le canard » est une jolie claque rock. Comment ne pas songer au Lou Reed du Velvet underground rencontrant Serge Gainsbourg en l’écoutant ? Pour comprendre la référence au « canard », il faut remonter à la tournée Star 80, à laquelle participe le chanteur des Avions, où il interprète son incontournable et funky « Nuit sauvage »…juste après une performance évoquant la fameuse… « Danse des canards ». Et du coup, on comprend toute la dérision du message. Le parlé-chanté nonchalant de « Je suis l’homme qui passe après le canard » est si efficace que l’on reste scotchés aux mots enchainés de JP. Sans doute l’une des compositions les plus solides de l’album. Tendre rengaine acoustique, « Les grandes filles » est un joli clin d’œil aux années 70, le genre de chansons qui aurait pu servir de générique à un film teen-ager genre « Diabolo Menthe » ou « A nous les petites Anglaises ». Peut-être une mise en abîme de l’artiste, qui se projette ainsi dans sa propre adolescence parisienne. Et toujours cet humour deuxième degré que Morgand exploite à nouveau dans « Fatigué » pratiquant, l’autodérision sur des mélodies joyeuses, aux influences harmonies Beatles, qui nous renvoie à son ambitieuse « Fanfare » d’il y a 30 piges. Avec « LA », toujours au rayon vrai-faux blasé, Morgand y joue les Tintin en Amérique, sur ces flashs californiens aux étranges réminiscences des Eagles. Desperado un jour, desperado toujours. « Pas de ma faute », est un sombre blues acoustique aérien sur le thème de la rupture aux accents Bashunguiens tandis que « Et même si » est un rock rageur, qui a un peu la bosse du Boss. La lancinante « TCDA » puissante et incisive, entêtante et ouvertement revendiquée « une chanson d’amour », est une des perles incontestables de ce bel album. Enfin, « Je suis l’homme qui passe après le canard », s’achève avec la très avionesque « Rouge », avec ses références cinématographiques et sa grandiloquence aux accents de… « Fanfare ». Ze boucle is donc boucled ! Et ce vieux pirate de Morgand n’a décidément pas fini de faire flotter son pavillon pop sur nos plages musicales.
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