LES AVIONS : NOCTAMBULES SAUVAGES
« La nuit est chaude, elle est sauvaaaaage/ La nuit est belle pour ses otages… » chantaient voici précisément 30 ans Les Avions. Rencontrée par hasard, dans un des studios éphémères de Radio Ivre où il officiait, GBD n’a dès lors jamais cessé de défendre la joyeuse formation pop du sud- ouest parisien…y compris dans les colonnes de BEST où était publiée cette première interview EVER de Les Avions. Flashback en pop majeure pour parfaites nuits sauvages des années 80 !
Première radio, premier papier dans BEST et premier sujet télé dans « Le Mini-Journal de Patrice Drevet sur TF1 », on peut dire que je n’ai pas hésité à biberonner cette joyeuse formation pop parisienne. Dès l’hiver 1986, je n’ai pas lésiné sur le front de la défense de l’aéronautique, chroniquant par la suite les albums tels que « Fanfare » puis « Loin » et contribuant ainsi, même modestement, au décollage de Les Avions. Hélas, au tournant des 90’s, le groupe s’atomise. Le chanteur Jean Pierre Morgand continue sa joyeuse carrière jusqu’à nos jours ( voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/jp-morgand-comme-un-avion-avec-ailes-elle.html ), par contre Jean Nakache, le guitariste, décroche de la musique et assure à plein temps son job d’ingénieur chez Areva tandis que Jérome Lambert se consacre à la réalisation de documentaire. Pourtant, un bel espoir vient de naitre : mon collègue Jean Eric Perrin qui a relancé le mois dernier ses soirées thématiques « Frenchy but Chic » avec le retour des Kas Product nous promet une seconde édition ( sans doute les 17 ou 18 fèvrier 2017) avec justement Les Avions reformés pour l’occasion en tête d’affiche…so wait and see…et, en attendant, retour vers le futur de l’aviation dans le numéro 219 de BEST
Publié dans le numéro 219 de BEST
Eudeline s’en souvient encore, c’était un sanglant cover de « Twist and Shout ». Et moi donc ! En ce début 80, les Avions INCARNAIENT cette voracité farouche de s’exprimer qui poussait les kids à s’emparer des ondes à tout prix. « We Want The Airwaves » chantaient les Ramones, ça n’est pas un hasard si j’ai rencontré Les Avions dans un appartement, studio d’un soir de Radio Ivre-la-pirate. Dans une pièce de deux mètres sur deux, ils étaient entassés, dépités et plantés par un DJ radio indélicat. En dix minutes, ils m’avaient enfumé et convaincu de jeter leur rock à la face du monde dans mon émission « Planète Ivre », comme on assène un direct à la mâchoire. Plus tard, journaliste de Best, j’ai croqué leur mini album Underdog, sombrant ainsi inexorablement dans le rock avionesque sauvage et noctambule, tout comme leur smash hit d’aujourd’hui.
Les Avions brûlent toujours leurs navires
Six années de rock à l’arraché, le sourire étincelant des dents qui se sont escrimées contre tous les parquets du monde, les Zavions ont bien mérité leur légitimité. « Nuit Sauvage » reconnu par la Taupe 50 a gagné les ondes près de deux ans après sa sortie. Marathon men, Jerome Lambert, Jean-Pierre Morgand et Jean Nakache traduisent aussi l’évolution du rock français. Extirpé du ghetto, il lui fallait affronter la variété sur son terrain pour la faire reculer. Rita Mitsouko, Daho, Indo, Bill Baxter, Elli, Taxi Girl, Niagara et les Avions même combat. Pour les raconter, il faut descendre dans la rue. Celle des Avions est le triangle d’or rue de la Croix Nivert/rue de Javel/rue du Commerce.
« Le 15ème arrondissement est un village gaulois dont nous sommes les Assurancetourix », proclament Jérome, JP et Jean. « Nos mères habitent toutes dans la ruede la croix Nivert et on a au moins trente copains dans le coin ; on se rencontre tout le temps dans la rue, c’est notre esprit tribu. »
Avec un mini LP et un maxi en cinq ans, les Zaves doivent avoir une escadrille de chansons sous le coude ? « On a écrit environ cinquante titres, on en a viré les trois quarts, il en reste donc l6. Le studio d’Auteuil où nous avons toujours enregistré a été incendié au cours d’une nuit sauvage . Les Avions brûlent toujours leurs navires. », ironise Jean. Pourtant, ce petit cachotier continue d’assurer son job straight d’ingénieur d’affaires, en s’enfilant des journées de 15 heures. Quant à Jean-Pierre, en plus des pochettes avionesques, il dessine pour la pub et pour d’autres groupes comme Bandolero. « D’ailleurs on a tous participé à « Paris Latino », même si on nous a un peu oubliés dans les crédits », ajoute Jerôme Les Avions revendiquent toute la mythologie du rock, les voitures comme la boisson et les filles. « On a souvent des égéries transitoires et quelques vraies femmes qui nous fascinent comme lnès (de la Fressange), le mannequin vedette de Chanel. »
Et ces égéries reconnaissent-elles les Avions maintenant ?
« C’est en bonne voie, j’ai croisé hier ma concierge dans l’escalier qui m’a fait: « c’était pas vous dans le poste hier ? »
Bon vol les petits gars !
C’est dur à porter un nom comme « Les Avions ? »
« Au départ, c’était barré d’avance, on l’a cherché. Un nom pareil, ca attire forcément les jeux de mots bêtes et méchants. Mais si on a choisi de faire du rock, ca n’est pas pour s’appeler les Fred Nietzsche ou les Jack Lacan. »
Ça ne vous gêne pas de côtoyer Sabine Paturel au Top 50 ?
« On se protège comme on peut. Dès que dans un restau, on se retrouve avec cinq mecs qui se mettent à parler showbiz, on sort pour aller jouer au badminton. C’est plus sain. Lorsque tu le veux vraiment, tu ne te laisses pas polluer par le milieu. Et puis il y a ces groupes que nous respectons comme Rita Mitsouko qui ont conservé intacte leur intégrité en fréquentant le Top 50. Il n’y a aucune ambiguïté. »
Dur de garder une cohésion de groupe au pays du Top 50 !
« On a beaucoup d’amis qui se sont séparés, mais nous ça dure encore. Six ans de vie commune, c’est la preuve qu’il existe entre nous une solide alchimie musicale en plus du 15ème arrondissement et de ce goût pervers du badminton. »
Dérision, enfance prolongée qui s’accroche à eux comme une seconde ombre, c’est vrai Les Avions maîtrisent ce sens du rire si rare et si précieux dans notre paysage musical. Plus haut plus fort, plus de radios, de télés, d’lTV et de rock bigarré de couleurs vives et de funk, Les Avions ont déjà dépassé leur « Nuit Sauvage ». Ils ont composé un morceau pour « Désordre », le film d’Olivier Assayas avec Daho et les Woodentops ; et leur futur hit « Be Pop » sera bientôt en boite pour filer à la cime des charts. Bon vol les petits gars !
Publié dans le numéro 219 de BEST daté d’octobre 1986