KENT : « La grande illusion »
C’est demain, à la Cigale à Paris que se déroule le vernissage de la grande exposition de Kent, si judicieusement baptisée « Illustrations sonores », regroupant « pochettes de disques, affiches, illustrations diverses, travail de commande ou crobards dilettantes, des 70’s à nos jours ». Et, en attendant la tournée pour célébrer les 40 ans de carrière de l’ex-leader emblématique de Starshooter ( qui passe le 7 novembre par le café de la danse à Paris), il est grand temps de revisiter cet impeccable 16éme album solo signé Kent, publié en février dernier, au titre qui lui colle à la peau de « La grande illusion ».
Cela commence comme une aventure intimiste avec « Eparpillé ». « Eparpillé/ Dans vos yeux ouverts et fermés/Je change d’allure et d’aspect/ Je suis celui que vous voulez… » chante Kent de ces mots qui lui ressemblent tant. À la fois rock et chanson, punk et variété, le Lyonnais ne nous a-t-il pas toujours habitué à changer tant de fois de visage ? Éparpillé ? Oui et c’est incontestablement une fierté, un éclectisme revendiqué qui lui sied comme un gant, une identité assumée déclinée sur un mode pop élégant, adrénalisé par les joyeux barrissements d’un saxe. De même « Un revenant », où cette voix si familière depuis quatre décennies, raconte admirablement ce Kent qui a su traverser le temps indemne comme un Highlander du rock. Sur la forme, je ne peux m‘empêcher en l’écoutant de songer au Bashung de 81 qui entonnait son « Rebel » sur son merveilleux « Pizza ». Mais, il ne faut jamais négliger le crooner qui sommeille en Kent ; ainsi la mélancolique « L’heure des adieux » est un testament artistique en forme de clin d’œil, une mise en abime du « salut l’artiste » où Kent contemple ses propres funérailles…qu’on lui souhaite les plus lointaines possible.
Du pur Beluga à déguster à la petite cuillère
Ou encore sur chanson-titre de ce bel album, sans doute la plus touchante, car elle évoque tendrement celles de son collègue Dutronc, lorsqu’il croonait « La vie dans ton rétroviseur » ou encore « L’éthylique ». Slow mélodique et tendre, superbement vocalisé, « La grande illusion » est une totale réussite émotionnelle, aussi cinématographique- comment ne pas songer au film de Renoir avec Gabin, Fresnay et Von Stroheim- que nostalgique, une superbe balade qui ne peut laisser quiconque indifférent. Avec l’énergique et rock « Chagrin d’honneur » on retrouve le Kent grandiloquent et lyrique qu’on aime depuis si longtemps, tandis que la délicate « Les oranges bleues », nous téléporte entre celles de Paul Eluard et de Hergé, vers un imaginaire empreint de tendresse et de poésie. Guitare électrique en slow motion pour la chaleureuse « Rester amis », cool balade aux chœurs angéliques sous la voix grave de Kent, avant de succomber à l’OVNI de ce projet : « Si c’était à refaire » où Kent s’essaye avec succès au parlé-chanté entre slam et Gainsbarre avec ses mots electro-choqués. Paradoxalement, en l’écoutant je songe aussi à l’enivrant « Polnareff’s » de 71 avec « Né dans un ice cream » et surtout « Hey You Woman » pour une composition qui déborde d’imagination. Bref, là on est dans le registre « crème de la crème », du pur Beluga à déguster à la petite cuillère de porcelaine. Enfin ce joli projet s’achève sur le rock en apesanteur, « Un cœur en automne », où la voix grave de Kent nous touche, une dernière fois, de sa joyeuse mélancolie, pour nous faire rêver de toutes ses émotions et de ses mots tracés en Technicolor.
RETROUVEZ KENT EN TOURNÉE
07/10/17 – Le Cheval Blanc – Schiltigheim (67) 10/10/17 – Le Brise Glace – Annecy (74) 20/10/17 – L’Antichambre – Mordelles (35) 07/11/17 – Le café de la danse-Paris (75) |
17/11/17 – Le Gueulard Plus – Nilvange (57)
07/12/17 – Salle des Fêtes – Cintegabelle (31) – TBC 08/12/17 – Auditorium Jean Moulin – Le Thor (84) 09/12/17 – Rockstore – Montpellier (34) 11/01/18 – Train-Théâtre – Porte les Valence (26) 12/01/18 – Théâtre de Vienne (38) 15/02/18 – Théâtre des Pénitents – Montbrison (42) 03/04/18 – La Bouche D’air – Nantes (44)
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