ZDAR STAR FOR EVER

Zdar et Boom BassFucking réveil….la news sur Instagram…le choc : Philippe Zdar est mort accidentellement défenestré par la chute de son balcon à Montmartre, il n’avait que 50 ans. En 97, entre les studios Plus XXX à Paris et le Right Track Studio de New York pour les besoins d’un documentaire j‘avais suivi ma caméra au poing durant de longs mois l’enregistrement des albums « Paradisiaque » et « MC Solaar » avec Claude MC, Zdar et Boom Bass. Cinq ans plus tard, je retrouvais le duo complice pour le second Cassius. Immense tristesse, je reste sonné sans pouvoir vraiment y croire. Putain de balcon !

ZdarJamais rasé, l’œil pétillant, playboy invétéré, toujours entouré de top models, magicien du son avec son alter ego Hubert Blanc-Francard, alias Boom Bass, héros de la french touch, producteur accompli au succès insolent, père aimant, Philippe Zdar Cerboneschi était tous ces personnages à la fois et bien plus. Irrésistiblement drôle, maniant la provoc avec art, il savait surtout repousser les frontières de l’imagination dés qu’il se trouvait dans l’univers du studio. Avec Hubert, c’était une inlassable partie de ping-pong artistique, les deux se renvoyant inlassablement la balle d’une créativité musicale exacerbée. Si je ne m’abuse, c’est Dominique Blanc-Francard, le père d’Hubert et de Mathieu, alias Sinclair, qui le premier a repéré le jeune prodige sonique, l’engageant comme assistant dans son fameux Labomatic sur les Champs-Élysées. Et comme Hubert fréquentait assidument le Labomatic de papa, les deux ne tardent guère à pactiser et forment très vite un véritable solide partenariat artistique qui ne s’est jamais rompu, puisque le 5éme album de leur formation Cassius devait etre publié dans deux jours. Tragique paradoxe. Au milieu des années 90, Boom Bass et Zdar vont faire leurs premières armes avec MC Solaar, concoctant l’irrésistible « Nouveau Western » sur le sample emblématique du « Bonnie and Clyde » de Serge Gainsbourg qui devient le titre phare de son LP « Prose Combat ». Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, Hubert et Zdar vont assurer la prod du prochain double album de Claude MC. Entre temps Philippe Zdar avait quitté Motorbass , sa première formation avec Étienne de Crecy pour se consacrer à Cassius qu’il avait fondé avec Boom Bass. Les deux complices étaient inséparables comme Starsky et Hutch. Et surtout incroyablement complémentaires, comme deux jumeaux dont l’un commence une phrase et l’autre la poursuit. Pour les avoir pratiqués en studio entre Paris et New York plusieurs mois durant sur les albums qui deviendront « Paradisiaque » et « MC Solaar », j’ai pu en attester. À la fois artistes et producteurs, la paire de potes n’était jamais à court d’idées, jouant toujours sur le registre de l’humour, mais abattant un boulot incroyable dés qu’ils se retrouvaient à la console.

Voilà ce que j’écrivais à l’époque en 97, juste avant la publication de « Paradisiaque » :Paradisiaque

Ni afro-roots ni affreux et à des années-lumière de la jungle, pour son troisième album attendu depuis presque trois ans, Claude MC a choisi de surfer sur cette vague groove, aux racines funky et 100% made in France, qui  a su si bien le porter depuis qu’il nous a appris à “bouger de là”. Et s’il évoque les “Gangsters Modernes” sur ce CD “Paradisiaque”, cela n’est  pas pour endosser le costar rayé des parrains du gangsta’ rap. Le cycle Solaar ne se doit-il pas d’avoir toujours au moins une révolution d’avance! Et avec Claude MC elle est en marche hasta la victoria siempre! Fils oh combien spirituel de Gainsbarre et de LL Cool J, de Method Man et de Vian, sentinelle (Nord) avancée un pied au pays de “l’amour courtois” de Ronsard, l’autre dans les barres de béton de “La Haine” de Kassovitz, Solaar est un positif black seul, lonesome cow-boy et tireur d’élite à l’arme fatale du second degré, tel Lucky Luke au pays du good groove. Unique dans sa catégorie, comme un oeuvre d’art bardée de dards, il sait nous piquer au vif de ces vibes qui touchent droit au plexus solaar. Bien au-dessus de la mêlée, Claude MC domine toujours aussi sereinement notre paysage rap francophonique; et il impose à nouveau son hégémonie par ce CD forgé avec Pigalle Boom Bass et Philippe Zdar. Sinclair et l’ultra fidèle Bambi Cruz sont aussi de la partie.

“À chacun son paradis !”,  ce “Paradisiaque” aux vertus afro-disiaques n’a pas fini de se dorer la pilule au rayon laser de nos lecteurs de CD. Et fuck la polémique et tous ses ardents bigots qui ne manqueront pas de contester sa légitimité furieusement majoritaire,  rien ne saurait désormais arrêter cette tempête Solaar. Dans la fraîcheur conditionnée du studio Plus XXX,  entre deux prises, Claude MC médite sur le pouvoir des mots. En nous livrant les clefs de son glossaire , on peut naviguer dans le flow verbal des séquences pulsées d’un Solaar enfin  décodé…

« Vous avez quasiment fait tout l’album à trois?

Avec Boom Bass et  Philippe “Zdar” Cerboneschi c’est toute une aventure. On se retrouve… car on ne s’est jamais quittés. Sur le premier album, Zdar était déjà au mix, et Boom Bass avait fait des morceaux sur le second.  Sur “Paradisiaque” ils ont pris une part plus importante. Philippe ”Zdar” nous a fait de superbes morceaux, comme il en fait aussi parallèlement, sous le nom de Motorbass. C’est bien qu’une équipe avance et continue. Au-delà d’MC Solaar également, parce qu’eux-mêmes, dans leurs projets musicaux comme la Funk Mob, sont extrêmement larges. Au niveau coeur, ce sont des gens formidables. En termes de musique, ils savent ce qu’est LE SON, ils ont une culture. Rien n’est laissé au hasard. De la house au rap, ce sont des experts. C’est ce conglomérat qui est en train de prouver petit à petit que la France n’est pas en retard, mais  au contraire que la France fait bouger le monde. Sans eux, cet album n’aurait pas cette force…

Peux-tu nous tracer la très longue odyssée de “Paradisiaque”, de l’écriture à New York, en passant par Labomatic et Plus XXX…

Hubert,  Zdar et moi sommes d’abord allés nous exiler à Soho, sur Woolster Street, dans un quartier plein d’expos et de librairies qui nous ont bien aéré la tête. On a vécu ensemble: concubinage, ménage a trois pendant un mois. On a beaucoup pensé à l’album. Revenus a Paris, on est allés au studio Labomatic. C’est un endroit extraordinaire qui appartient a la famille Blanc-Francard, une famille totalement vouée à la musique et qui a ce lieu bien à eux. C’est un endroit de rêve parce qu’on peut y prendre son temps. C’est un studio très tranquille, très sain, et puis eux sont des gens très sains, très bons. Il y avait des tas de vibrations… On y a croisé plein de gens : Sinclair ( le frère de Boom Bass), Manu Katchè, Stephan Eicher… Il y avait cette espèce d’échange entre personnes en pleine élaboration d’albums, et  c’était hyper-stimulant. Ensuite, on est allés finaliser nos idées a Plus XXX, un très beau studio parisien, qui aussi un studio familial. C’était très positif. Puis nous sommes repartis à New York pour le mix au Right Tracks studio et pour le mastering. Ça a été une sorte de retour aux sources. On est très fiers d’avoir un album spécifiquement français dans la conception, dans l’esprit, dans la réalisation, mais pour ne pas être autistes, on a fait le mix et notre brainstorming a New York.

C’est a la fois une famille de sang et de pensée…Cassius

Dans l’élaboration de l’album, dans le travail, dans la vie en commun, il y a eu des hauts et des bas, des périodes de doutes, de jubilations, pour trouver l’équilibre. Entre Philippe et Hubert, il y a toujours eu quelqu’un pour relever l’autre. C’est une famille, c’est un album de famille. Il n’y a pas que les paroles : il y a la musique, le mix… Il n’y a pas d’excès dans aucun domaine, il y a toujours eu un échange pour insuffler du dynamisme… »

Cinq ans plus tard, je retrouve Zdar et Hubert dans leur studio de Montmartre lorsqu’ils achèvent l’enregistrement du second album de Cassius intitulé « Au rêve ». Voilà ce que j’écrivais alors…..

« Avec Daft Punk et Air, ils sont sans doute le binôme le plus explosif de la pop house synthétique à la française, Cassius, alias Philippe « Zdar » Cerboneschi et Hubert « Boom Bass » Blanc-Francard, revient assurer notre hégémonie sur les hits et les pistes de danse planétaires avec ce second album à l’explosive réalité intitulé « Au rêve ». Aux pieds de la butte Montmartre, dans le vieux studio de variétés historique dont Philippe Zdar vient tout juste de faire l’acquisition, il y a de l’électricité dans l’air. Pourtant tout est prêt pour le direct radio. Pour célébrer le lancement de leur nouveau CD, les Cassius et leurs copains DJs ont pris l’antenne de FG, une FM parisienne cette première semaine d’octobre, dés 22H.  Tout le matériel est en place et pour le direct live il est H moins 30 minutes. Derrière des remparts de vinyles, Zdar penché sur ses platines teste ses mixes. Boom Bass est debout derrière son sampler. Et les deux semblent communiquer par télépathie. Douze années se sont déjà écoulées depuis leur première rencontre sur la production de MC Solaar. Et si chacun a mené  avec succès son propre projet électronique, la Funk Mob pour Hubert, Motorbass pour Philippe, c’est avec « 1999 » le premier Cassius sorti voici trois ans que la poudre rencontre véritablement les allumettes. L’album nous marquera de ses séquences festives et de ses samples élégants puisés au stock de la funkitude éternelle. Pourtant, trois ans plus tard c’est un Cassius nouvelle génération que l’on voit aujourd’hui émerger. Remisant les échantillons, l’album n’en compte que deux, les Cassius font un franc retour vers le futur des harmonies vocales et des instruments authentiques.

Dans la tension du direct, à quelques minutes de l’antenne, Boom Bass nous livre les clefs de ce nouveau Cassius.

« Vous avez fait tout le contraire de ce que vous faites d’habitude pour enregistrer cet album.

 En studio, on a essayé surtout de se surprendre. Lorsque nous avons commencé à faire les morceaux, très vite nous avons remarqué qu’ils ressemblaient à l’album d’avant. Nous devions impérativement nous remettre en question, pour s’amuser d’une autre façon.

Parce que vous n’avez tout simplement plus la même vie !Cassius Au rêve

Trois ans se sont passés, Philippe a eu une petite fille qui est née vers la fin de l’album, mais quoiqu’il arrive c’était en cours. Ma fille a six ans et j’attends un autre enfant. On a 35 ans , il fallait qu’on fasse un truc différent. Cette musique a évolué aussi, comme la façon de travailler et aussi le matériel.

Il y en a toujours un pour veiller sur l’autre ?

C’est la clef de tout. Moi en ce qui me concerne j’ai essayé longtemps de faire de la musique seul et je ne le ferai plus , c’est emmerdant au total pour moi. Si, j’aime bien commencer un truc à la maison seul la nuit , il vaut mieux être au minimum deux. Il connaît mes défauts, je connais les siens ; on n’a même pas besoin de s’engueuler. Si je n’assure pas ou s’il n’assure pas, on le sait. On se prend un peu le chou parfois cinq secondes, mais cela n’est rien.

Parmi les chanteurs du projet, on retrouve un certain…Zdar !

Ah Philippe, bien sûr c’est une nouvelle expérience. C’était l’éclate au studio, mais après on ne savait plus du tout ; on ne voulait pas le garder, car nous trouvions ce titre beaucoup trop lent. Alors nous l’avons accéléré.

Donc la voix de Zdar a aussi été accélérée sur « See Me Now »  ce qui explique la hauteur de son timbre?

On a accéléré un peu tout, c’est passé dans 50.000 boites électroniques . On a tout bidouillé , on a tout défoncé le son et c’est un de mes morceaux préférés aujourd’hui. C’est sans doute le plus personnel avec « Hi Water » qui ouvre l’album. C’est  un morceau que nous avons fait très vite, le dernier de l’album à avoir été enregistré…

…et c’est pour cela qu’il l’ouvre !

Tout à fait, c’est notre côté paradoxal. On s’est pris dans les bras à la fin de ce titre, on pleurait en le réécoutant, c’était un souvenir génial.

« The Sound Of Violence » est il un tube violent ?

Moi j’adore la partie de basse, le côté épuré de  sa structure et surtout les guitares de M, Mathieu Chedid, le troisième membre caché de Cassius. En fait il a commencé à jouer sur « I’m A Woman » tandis que Philippe achevait de mixer son propre album « Je dis aime » . Du coup ils sont devenus super amis. On s’est rencontré et à notre tour nous sommes devenus potes. Un jour il a fait des guitares sur « I’m A Woman » et c’était une tuerie. Mathieu passait sans cesse au studio pour des solos de guitar-hero. C’est un musicien d’une générosité absolue. Pour moi c’est un des meilleurs que j’ai jamais entendus sur une guitare. Et cela n’est pas que technique. Il a une telle personnalité qui ressort dans son jeu, c’est un feeling, c’est une émotion c’est son émotion.

En fait cet album vous ressemble terriblement ! Vous vous livrez totalement…

 Carrément, nous on a mis tout ce qu’on avait c’est dedans. Cet album s’est fait sur une longue période de deux ans, c’est une tranche de notre vie. Plus qu’un disque, c’est un bout de notre amitié à Zdar et à moi. »Zdar Star

Parallèlement à l’aventure Cassius, Philippe Zdar continue à signer des productions et remixs pour de nombreux artistes. Phoenix, bien sûr, mais aussi M, Cat Power, Franz Ferdinand, Justice, Lou Doillon, OneRepublic ou les Beastie Boys, rare frenchie à avoir une aussi brillante carrière internationale. Huit ans après l’accident terrible de mezzanine qui avait emporté son ami et confrère de label DJ Mehdi, hier en fin d’après-midi le garde-corps du balcon sur lequel il se trouvait dans son appart de Montmartre, près de son studio, a soudain cédé entrainant Zdar dans sa chute mortelle. Cette tragédie endeuille non seulement la french touch et les adeptes de l’électro, mais également tout amoureux de la musique. La mort de Philippe Zdar Cerboneschi est une perte immense pour la culture rock au sens le plus large. Le plus déchirant, c’est que le nouveau et 5éme album de Cassius intitulé « Dreems » devait être publié dans deux jours. Toutes mes pensées vont à ses enfants: sa fille Angelica, sa fille Penelope, son fils James,  son épouse, à sa famille et à ses proches, avec un pincement de cœur tout particulier pour la tribu Blanc-Francard et tout spécialement Hubert. So long ami Zdar, star for ever…..

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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