17 POUR 2017
As usual, comme à chaque fin d’année, Gonzomusic se plie à la tradition et vous offre sa légendaire sélection des albums au top. Car 2017, comme vous le savez sans doute déjà, aura été particulièrement riche dans sa production musicale. De U2 à Asaf Avidan, en passant par Sharon Jones , E.Pok , Chance the Rapper ou Jane Birkin leurs « good vibes », leur imagination et leur énergie ont su illuminer ces 12 derniers mois. Sons oxygènes pour survivre à l’omniprésence de la variètte saumâtre, comme à l’écrasante majorité de nos indigestes musiques urbaines hexagonales, voici 17 albums remarquables pour 017…en attendant tous ceux à venir de 2018. Happy new year, bonne année et que la force du Gonzo soit… bien entendu avec vous…
Inutile de chercher l’insipide Louane, Merde Pokora, les mous du genou d’Arcadian, Calimero Calogero, le superflu Julien Doré et leurs ( hélas bien trop nombreux) copains, tout comme les urbains soupards tels le balourd Maitre Gims, son Black M de pacotille, l’infâme Lartiste, le gerbant Juls et leurs trop multiples alter-egos…vous ne les trouverez pas dans cette liste, oh déchirante soit votre déception. Bon, par contre, coté son, ces 17 artistes et groupes pour incarner 2017 sont d’une toute autre trempe ! Ils déchirent et ils le prouvent…
1 ASAF AVIDAN : « The Study On Falling »
Avec tout le pouvoir de ce 3éme album international- le 6éme, si on inclut ses trois albums made in Israël- le baladin surdoué Asaf Avidan s’impose désormais comme le fils le plus spirituel de Bob Dylan, battant largement Jakob Dylan au jeu de la filiation, avec cette sublime collection de 11 compositions ciselées et orfévrées comme autant de joyaux précieux. Avec une telle puissance émotionnelle et autant d’atouts majeurs, au niveau textes comme à celui des compositions, on ne peut que tomber…amoureux de ce « The Study On Falling »…in love 😉 Comme une gigantesque ombre tutélaire, la figure paternelle de Bob Dylan est, en filigranes, omniprésente dans cet album. Et je serai presque tenté d’écrire doublement. Car, non seulement le folk poète de Jérusalem a enregistré ce « The Study On Falling » au studio Shangri-La de Malibu…où the Band a capturé jadis le LP « Nothern Lights- Southern Cross » en 75, soit juste un an avant le sublime chant du cygne « The Last Waltz », mais aussi il a choisi de faire produire ce 6éme projet par Mark Howard…qui a signé la réalisation du « Time Out Of Mind » d’un certain…Bob Dylan. Avec Asaf Avidan l’amour sera toujours plus fort que la haine. Et c’est sans doute ce qui rend son art aussi vertigineux, car il faut bien convenir que « The Study On Fallin » est tout simplement monumental. Un monument qui saura, j’en fais le pari, défier le temps.
2 SHARON JONES AND THE DAP KINGS « Soul of a Woman »
Et si le vibrant testament de Sharon Jones and the Dap Kings se révélait être son meilleur album ?L’immense soul woman d’Augusta, Georgia nous a quittés le 18 novembre 2016, mais ses musiciens les Dap Kings ont tenu à relever le flambeau pour achever coute que coute cet ultime album où elle a, selon l’expression consacrée « tout donné ». Le résultat, un cocktail volcanique de soul et de blues est très largement à la hauteur de nos attentes. Avec lui, on peut être rassuré, la flamme de son âme est bien immortelle. Le 18 novembre dernier, sur le plateau de Jimmy Fallon, les Dap Kings rendaient hommage à Sharon Jones en interprétant « Sail On » et « Searching For A New Day » sans la chanteuse, juste incarnée par un poster et un tourne-disque, en puissant symbole. Il faut se souvenir que la diva soul a attendu la maturité de ses 40 ans pour oser enregistrer son premier single. Désormais, à l’écoute de ce vibrant « Soul of a Woman » on peut mesurer tout le vide abyssal que nous laisse sa disparition. Je suis si fier de l’avoir interviewé. Miss you Sharon …. Mais je sais que tu nous observes, du haut de ton Panthéon, aux côtés de ceux si doués à qui j’ai eu le privilège de tendre mon micro les Marley, James, Serge, Prince, Nino, Barry, Curtis, Bobby et quelques autres…
3 CHANCE THE RAPPER « Coloring Book »
Originaire de Chicago, comme Common, Lupe Fiasco ou Kanye West qui ont démarré sur les bords du lac Michigan, le jeune prodige Chance the Rapper, de son vrai nom Chancelor Jonathan Bennett, a eu seulement 24 ans le 16 avril prochain. Il n’a sorti à ce jour aucun « album » au sens propre du terme, uniquement trois mix-tapes, dont la dernière intitulée « Coloring Book » est sortie directement en digital sur iTunes, ce qui ne l’empêche absolument pas de rafler le « Best rap album » aux Grammys Awards 2017. Comme la cerise sur le gâteau, notre ami Chance se voit également récompensé par un Grammy dans la catégorie « New artist » devant mon protégé Anderson. Paak . Carrément. Il faut avouer que son « Coloring Book » ( littéralement cahier de coloriage) a su nous en mettre plein la vue depuis sa publication. Et comment aurait-il pu en être autrement vu le nombre de sommités rapologiques qui se sont empressées de collaborer avec le jeune homme. De son concitoyen Kanye West à…Anderson. Paak (justement) en passant par Lil Wayne, Jeremih, Young Thug, Future, Ty Dolla Sign et même carrément Justin Bieber, les forces les plus vives de la musique noire contemporaine se sont penchées, telles les bonnes fées sur le berceau de Cendrillon, sur ce troisième épisode des aventures du chanceux Chance. Car l’inestimable « Coloring Book » est lumineux comme la chorale enfantine, le Chicago Children’s Choir qui lui sert d’ouverture, aux côtés de Kanye West sur « All I’ve Got », chorale que l’on retrouve sur divers titres du projet. La disco fait également partie des influences de Chance the Rapper, à l’instar du jazz vocal des Double Six, période Quincy Jones, et de ce gospel vibrant déjà susnommé. On peut également distinguer l’influence majeure d’un Kanye West, qui a su durablement l’inspirer. Mais, ce qui compte avant tout chez Chance, c’est cette incroyable imagination qui l’autorise à injecter à peu près tout ce qui lui passe par la tête dans sa moulinette rap, tel ce steel-band exotique sur « Angels » ou cette revisitation d’un titre virtuel de Kool and the Gang avec le funky « All Night ». Éclectique et impulsif, Chance n’a pas fini de nous éblouir, comme sur cette composition entre Stevie Wonder et Gangstarr « Finish Line » qui clôt son merveilleux album.
4 IGNATUS présente [e.pok]
Courant 2015 nait ce projet protéiforme baptisé [e.pok], lorsqu’on propose à Jérôme de donner un concert dans l’Abbaye de Noirlac, près de Bourges, il alors l’idée d’adapter un spectacle à ce lieu iconoclaste et d’en faire un show à 360°, qui mêle sensations sonores et sensations visuelles. Durant deux ans, Jérome Ignatus va faire évoluer les sons et les intervenants de cet [e.pok] avant de le capturer sur disque. Ainsi l’atout principal de cette nouvelle aventure, c’est la solidité de ces 9 compositions aériennes où tout ce qui pourrait être superflu a été élagué pour ne préserver que l’essentiel : l’émotion à l’état brut. Prenez la chanson-titre « Epok » qui ouvre l’album, par le jeu de la musicalité de ses mots, elle évoque un Bobby Lapointe en version futuriste, une chanson aussi cool que frénétique- acoustique, qui constitue l’un des atouts incontestables de l’album. Voix piano et séquences aériennes, « Corps et biens », trace une trame de liberté, une montée en puissance à la David Gilmour qui déborde d’oxygène. Avec « Dans la barbe de Dieu » la voix en avant et une guitare légère s’affrontent dans un combat singulier qui évoque la puissance alternative des Talking Heads. Sans doute l’une des compositions les plus émotionnelles d’E.pok , la superbe « Detroit de Bering » nous offre son intimiste utopie amoureuse de désert blanc de glace et de frimas.. Étrange « Florida » ou décalée « Lire le matin », [e.pok] ne fait décidément aucune concession et cela fait tout son charme. Gainsbourgienne en diable, période « L’homme à la tête de chou », avec un zeste de Brian Eno et David Byrne, « Oiseau » fascine et subjugue de ses séquences syncopées. Enfin, pour achever de définitivement nous alpaguer, cet E.Pok peut compter sur l’extraordinaire « Un travail », entêtante en diable, quasi électro et si cruciale dans notre temps de disette économique. « Un travail » c’est puissant comme un « Metropolis » de Fritz Lang pour les oreilles et en version 21éme siècle. Vous l’aurez compris [e.pok] se confond dans son …époque et le contraire eut été un comble.
5 DEPECHE MODE : « Spirit »
Pour son 14éme album, on peut dire que mes amis Depeche Mode, que je pratique accessoirement depuis plus de 35 piges, ont mis les bouchées doubles. Car ce titre en deux syllabes, « Spirit » porte en lui tant de choses. L’esprit, certes il n’en manque pas, mais c’est aussi le génie (dans sa bouteille), ou le côté volatile de l’essence. Mais dans l’esprit- ah ah ah- de Martin, Dave & Fletch c’est surtout ce courage qu’ils cherchent à nous insuffler. Car, à l’image de ce premier et puisant single « Where’s the Revolution », Depeche Mode a fait son propre aggiornamento. New producer. Nouveau son rétro-synthé-cool. Nouveau rééquilibrage artistique conjugué à des textes brulots politisés, comme un retour aux sources anti-capitaliste d’ « Everything Counts », ce « Spirit » n’a pas décidément pas fini de nous hanter. La preuve d’un réalignement des pouvoirs musicaux chez DM est la montée en puissance des compositions de Dave. Boosté par sa collaboration avec Soulsavers, le chanteur s’affirme plus en écriture et, du coup, l’équilibre entre Dave et Oncle Martin s’en retrouve bouleversé. Redistribution des cartes, mais avec toujours Fletch au milieu, en balance de la justice, pour équilibrer la mécanique DM. Encore une preuve que si Depeche prône la révolution, il se l’applique d’abord à lui-même. Et ce mouvement de révolte s’étend bien entendu aux textes et aux thèmes développés dans ces douze nouvelles chansons. L’album s’achève sur la longue « Fail », slow glacé et éthéré comme une tempête de neige au beat subjuguant qui laisse un sentiment trouble, mais apaisant. Et l’on se dit que ce « Spirit », qui ne manque décidément pas d’esprit, devrait forcément se distinguer dans la longue et tumultueuse discographie de Depeche Mode.
6 : « Painting Pictures »
Clic clac Kodak…quel brillantissime alias a pris là le jeune Dieuson Octave. En 2013, lorsqu’il publie sa première tape et choisit son pseudo, Kodak s’est placé « sous la protection du chapitre 11 qui régie les faillites ». La société fondée par Eastman met la clef sous la porte, mais Kodak Black s’en fiche. Le fils d’émigré haïtien, en s’inscrivant sur Instagram, adopte ce pseudo, surtout parce que Kodak rime avec…black, son alias depuis ses dix ans. Trouvaille géniale. Cependant ce futé en a fait une des plus menaçantes chansons du CD « Why They Call You Kodak » où il proclame : je ne suis pas un cameraman, mais je sais tirer sur un blackos. Car le fils d’émigrés haïtien a été élevé à Pompano Beach, laquelle sous ce nom fleuri sent surtout bon le ghetto ! Quelque part, il est aussi polémique que feu 2Pac. D’ailleurs, est-ce un hasard si l’intro de ce « Painting Pictures » commence exactement comme celle de son album « Me Against the World » où, sur une séquence pulsée, des voix mixées de présentateurs télé balancent leurs infos. « Kodak Black va retourner en prison après son arrestation…il plaide non coupable pour les délits dont on l’accuse…il devra mettre sa carrière musicale entre parenthèses… ». Puis, soudain, le flow à la fois puissant et nonchalant du gamin nous emporte irrémédiablement dès ce premier titre, « Day For Day ». On songe immédiatement à la coolitude de voyou des premiers raps de Snoop sur « The Chronic ». « It’s my motherfucking album », achève-t-il…avant de rebondir immédiatement sur « Coolin and Booted ». Vous allez dire que GBD garde toujours un œil dans le rétroviseur, mais la manière de balancer ses rimes de Kodak, son phrasé, me fait aussi penser à mes chers Bones,Thugs n’ Harmony de Cleveland. Ce même staccato de mauvais garçon charmeur, en quelque sorte, que le Floridien développe tout au long de son addictif album.
7 THE SPARKS « Hippopotamus »
Après l’aventure mashed-up FFS (Franz Ferdinand + Sparks) éxotique de l’an passé, les frangins Ron et Russell Mael reviennent, avec cet « Hippopotamus », à la formule de base qui a fait tout le succés des Sparks depuis l’aube des 70’s : du rock, de la mélodie, de la grandiloquence, de l’imagination et surtout ce petit grain de folie qui distingue le groupe légendaire de LA de toutes les autres formations. Et avec ce 23 éme album-studio on peut dire que les Sparks nous ont gâtés…. Dès le premier titre, le baroque « Life With the Macbeths », la voix haute de Russell monte à l’assaut, percutant la stratosphère. Puissant comme un chœur de cathédrale du Moyen-âge, porté par des instruments à vents et à cordes aussi classiques qu’émotionnels ces Macbeths-là nous font traverser le temps. Avec « A Little Bit Like Fun », on renoue avec la légèreté dont les Sparks ont toujours su nous abreuver depuis leur mythique « This Town Ain’t Big Enough ». Ici on retrouve toute la facétie de « Hasta Manana Monsieur », par exemple, plongée dans un jacuzzi vocal d’harmonies imparables pour un des titres-choc du CD. Plus on avance dans l’exploration de ce nouveau Sparks, plus il apparait que Ron et Russell ont abattu un boulot énorme pour nous livrer ce qui constitue sans doute l’album le plus solide du duo depuis longtemps. Ainsi, « The Amazing Mister Repeat » « at your service …again » ( Mr se répète…à nouveau à votre service) au-delà de l’humour, plonge vers le kripto-opéra dont les Sparks savent si bien nous régaler Ce qui transparait dans cet album c’est la puissance imparable de l’humour dont sont capable de faire preuve ce groupe qui décidément ne ressemble à aucun autre au monde. Bref, il faut se rendre à l’évidence, et c’est un spécialiste des Sparks depuis 71 qui vous le garantit : cet « Hippopotamus » justifie totalement son titre, car il est énorme. Avec lui, Ron et Russell nous offrent à coup sûr un des albums les plus marquants de cette année 2017…welcome back my brothers !
8 ED SHEERAN : « Divide »
Chanteur coqueluche Anglais, compositeur de hits à succès pour la Terre entière, Ed Sheeran revient avec « Divide », son 3éme album, qui succède à « Multiply» publié voici déjà 3 ans. J’avoue que jusqu’à présent à mes yeux et donc à mes oreilles, ce Sheeran était essentiellement un roux de secours. Cependant, avec ce « Divide » il est parvenu à me scotcher de son hit funky « Shape of You » et du coup à me donner envie d’écouter le reste de l’album. Et bien, certes c’est commercial et efficace, mais il faut reconnaitre que cela vaut effectivement le détour. Sous ses faux airs de Prince Harry, avec ce « Divide » Ed Sheeran est logiquement devenu: le roux de la fortune. Car, en plus de « Shape of You », son hit locomotive, Ed Sheeran alterne avec art les tubes funky riches en énergie et les histoires de cœurs brisés en forme de balades acoustiques, forcément mélancoliques. Je comprends que notre rouquin avec sa bonne tête à claques en exaspère plus d’un, mais il faut reconnaitre à ce « gendre idéal » British un sacré et solide talent. Il l’avait déjà prouvé avec ses compositions pour les poppeurs One Direction ou Taylor Swift, cette fois avec « Divide » Sheeran veut rassembler sous sa bannière. Et, à l’écoute de ce 3éme CD, on peut dire que l’objectif est largement atteint. Dès le premier titre, « Eraser », le rouquin s’affirme sur un hip-hop blanc énergique, pulsé entre Eminem et the Street. Avec une petite touche funky façon Justin Timberlake de joli faiseur de ritournelles à danser. Cool, énergique, pas du tout l’image que je pouvais avoir du folkeur popeur un peu niais, « Eraser » décolle largement au-dessus de la mêlée. Avec « Dive », un slow mélancolique, un peu 50’s sur les bords, comme un Sam Cooke rétro futuriste, petit Ed se ménage une véritable apparition divine. God lui-même illumine le morceau de sa guitare miraculeuse, car sous le pseudo d’Angelo Mysterioso se cache en effet l’immense Eric Clapton. Puis c’est au tour de « Shape of You », LE titre qui m’a donné envie de m’intéresser à l’album. Super funky, aux confins de Justin Timberlake, Pharell Williams et de Robin Thicke…super efficace. Xylophone de l’espace et voix… à la fois sophistiqué et paradoxalement dépouillé. C’est le Hit incontournable. « Divide » vibre également avec « Perfect », autre slow retro rock and roll intemporel qui pourrait figurer sur la BO d’American Graffiti à la manière « The Great Pretender » des Platters qui date de…1955. On se dit que si décidément Ed Sheeran plaisait autant, c’est qu’il avait su assimiler les recettes des succès de ses (lointains) ainés, pour les reproduire. Avec « Galway Girl », retour au pop rap blanc comme neige et vaguement celtique avec ses fifres et ses violons où Ed exhume ses racines irlandaises Bien pop, c’est taillé pour gagner…et c’est normal, ne dit-on pas que le roux tourne ?
9 JANE BIRKIN « Gainsbourg Symphonique »
Vertigineux. Avec son nouveau « Gainsbourg Symphonique », Jane Birkin parvient à faire traverser de l’autre côté du miroir d’Alice les chansons de Serge. Chansons ? Un « art mineur », comme le fumeur de Gitanes me le répétait si souvent, lorsque je le complimentais dans mon analyse de telle ou telle nouvelle chanson, qui enfin crève le plafond de verre qui relèguerait la « petite musique » loin très loin des hautes sphères exclusives de l’auto proclamée « Grande Musique ». Jane B en fait la vibrante et émotionnelle démonstration avec « Gainsbourg Symphonique » où elle réinvente à nouveau, inspirée par le chevaleresque Philippe Lerichomme, les chansons de Serge cette fois en mode symphonique, portées par la puissance émotionnelle d’un orchestre symphonique. Et cette foule de musiciens, aux côtés de Jane, se révèle tout simplement vertigineuse, comme un océan de cuivres, cuivres vents sous la direction du chef d’orchestre jovial Mikko Franck. Ensuite, les arrangements de Noboyuki Nakajima, l’artisan éclairé du projet « Via Japan » de Birkin, sont époustouflants, alliant imagination à la fantaisie, comme sur cette « La gadoue » aussi décalée qu’insouciante ou cette « Javanaise » émouvante à faire pleurer des rivières. Et, même pour des auditeurs attentifs de Serge comme je peux l’être, qui ont eu le privilège de bosser avec lui et d’analyser son œuvre, j’ai redécouvert ces chansons comme je ne les avais jamais entendues auparavant. Et plus fort que tout, en filigranes je découvrais l’incontestable côté slave de beaucoup de compositions, apportant un éclairage klezmer à l’œuvre de celui qui portait fièrement son étoile de Shérif, sa « yellow star » durant la guerre et au-delà. Jamais je n’avais réalisé à ce point que la musique de Serge portait intrinsèquement, une mélancolie typiquement slave et un caractère inexorablement judaïque, comme si elle sortait tout juste d’un shtetl d’Europe centrale d’au début du XXéme siécle. Ainsi, comme si l’on pouvait encore en douter, les géniales créations de Serge Gainsbourg sont intemporelles et traverseront le temps, au même titre que les plus grands compositeurs classiques. Gainsbourg devenu ainsi immortel, Gainsbarre doit être sacrément jaloux.
10 KENDRICK LAMAR : « DAMN »
« Lamar qu’on voit danser le long des golfes clairs a des reflets changeants (…) Lamar a bercé mon cœur pour la vie. », décidément, cette chanson de Charles Trenet colle admirablement au personnage Kendrick Lamar. Et à mon amour pour sa musique. Deux après son colossal « To Pimp a Butterfly », mon disque favori de l’année passée, un peu plus d’un mois après l’arrivée surprise de son fringuant « Untitled Unmastered » KL balance le colossal « DAMN » et c’est si vertigineux au niveau sensations que c’est comme si la Terre s’ouvrait sous mes pieds. Album évènement. Album sensation. Album de tous les records. Album incontournable qui a su supplanter Ed Sheeran au sommet, « DAMN » fort de ses 14 solides compositions se classe haut la main parmi les incontournables de cette année 2017. Sémantiquement, « DAMN » pique déjà la curiosité. Chaque titre ne porte qu’un seul mot et, à l’instar du nom de l’album, chacun est écrit en lettres capitales. Dès le nostalgique « BLOOD », à l’intro aux voix démultipliées angéliques, avec son texte parlé-chanté, Lamar nous entraine droit dans le précipice de l’émotion. À la fin de la chanson, un montage de dialogues piqués à FOX News condamne la harangue contre les brutalités policières lancées par Kendrick Lamar aux BET Awards KL en fait une œuvre d’art. Premier hit potentiel puissant comme un direct de Mohamed Ali avec « ELEMENT », où l’on retrouve une contribution de Kid Cudi. Lamar y est presque a capella par moments et c’est une performance vraiment bluffante.. Incontestablement, mon titre favori de tout le projet voici « PRIDE », beau comme un « Purple Rain » de Prince, sensuel comme une balade de Lenny Kravitz, LE titre avec lequel il a su sans doute déjà propulser ce « DAMN » au sommet de nos Everest soniques. Encore plus surprenant, une collaboration Kendrick Lamar/ U2 « XXX » marque aussi également un des temps forts de ce 4éme album. Émouvant et lancinant comme une composition de mon héros Curtis Mayfield, « FEAR » réveille en nous la pure nostalgie 70’s des « Superfly » et autres « Shaft », en réminiscence d’une radieuse blaxploitation. À l’écoute des quatorze morceaux choisis de « DAMN », on comprend aisément qu’un tel ouragan zen ait su tout balayer sur son passage. Du coup, on pige beaucoup mieux son titre : « damnation »…doivent penser tous ses concurrents qui se disent « jamais on ne parviendra l’égaler ». Ça va pas être facile, on va dire !
11 NEIL YOUNG AND PROMISE OF THE REAL « The Visitor »
C’est son 39éme album- oh my God, je me souviens encore du tout premier l’éponyme « Neil Young » et le second « Everybody’s Knows This Is Nowhere » que Warner Filipachi en France avait commercialisé sous la forme d’un double LP que j’avais acquis au tournant des 70’s- et également le second avec le groupe Promise of the Real, composé des enfants de Willie Nelson, Lucas et Micah, qu’il a carrément vu grandir depuis leur naissance. Second CD du « Loner » publié cette année, « The Visitor » est également la plus furieuse bordée de canons soniques tirée contre Donald Trump, sa politique de dingue et ses supporters WASP. Dix titres, dont un de 8 minutes et un second de 10 minutes, on ne peut pas dire que Neil Young fasse vraiment des yeux très doux au Top 50. Et, dès la première composition, « Already Great », il balance la sulfateuse : « I’m Canadian by the way/ And I love the USA/ I love this way of life/ The Freedom to act the freedom to say » ( Au fait je suis Canadien/ Et j’aime les USA/ j’aime ce way of life/ La liberté d’agir, la liberté d’expression)…vous l’aurez compris ça va balancer grave ! D’ailleurs un peu plus loin dans ce brulot nerveux, pulsé par la rage des guitares joyeusement bluesées, il scande « No wall/ No hate/ No fascist USA ( Pas de mur/ Pas de haine/ Pas d’Amérique fasciste). Neil est vénère et il l’exprime avec son arme favorite. Et même s’il a déclaré, voici quelques années, qu’il s’était trompé en croyant que le rock aurait le pouvoir de changer le monde, cela ne l’empêche de vouloir essayer encore et encore de frapper de taille et d’estoc de son rock. Capturé à LA entre le studio Shangri-La de Malibu et le légendaire Capitol Studio, aux pieds du non moins légendaire Capitol building en forme de changeurs de 33 tours à Hollywood, porté par les guitares des gamins Nelson « The Visitor » n’a sans doute pas fini de nous…visiter 😉
12 THE HARPOONIST & THE AXE MURDERER « Apocalipstick »
C’est leur 5éme album en 7 années d’exercice impeccable rock et pourtant les méconnus The Harpoonist & the Axe Murderer méritent justement d’être…reconnus, tant leur cocktail intense de blues nerveux et de rock cool mérite d’être dégusté. Duo atypique venu du Grand Nord canadien TH&TAM captive par son incroyable instinct musical qui nous subjugue dés les toutes premières mesures de cet « Apocalipstick ». Dès le premier titre « Get Ready » on se sent emporté par cet inimitable sentiment de « déjà vu ». Bien entendu quelques petits chroniqueurs djeuns vont tracer d’incontournables parallèles avec the Decemberist ou les Blues Traveller, mais le duo originaire de Vancouver est d’une toute autre trempe. Moi je songe carrément à un certain…Eric Clapton période dorée du « 461 Ocean Boulevard »…percutant le blues-punk des Black Keys. Shawn « the harpoonist ( l’harponneur) » Hall et son complice Matthew « the Axe Murderer ( littéralement le tueur à la hache…mais en fait le tueur à la gratte) Roger forment un incroyable binôme porté par la seule puissance d’une Telecaster, de quelques pédales d’effets, d’un simple harmonica…et de leurs voix souvent boostées de chœurs féminins, d’où l’analogie avec le Clapton de 1974. À train d’enfer, cet inclassable et pourtant si classieux projet nous entraine tout au long des 13 compositions dans un subtil équilibre entre pur classicisme et farouche modernité dont les notions semblent paradoxalement incompatibles. C’est bien là que réside toute la magie de ces Canadiens ! Au-delà du jeu de mots à deux balles du titre de l’album on peut considérer que The Harpoonist & the Axe Murderer réussit le tour de force de nous livrer un sans faute.
13 GEYSTER : « With All Due Respect »
Ce SEPTIÈME album du groupe Geyster porte le titre clin d’œil de « With All Due Respect ». Sauf votre respect…un respect que Gaël Benyamin a su très largement gagner, en publiant son étourdissant et si ambitieux triple album « Knight Games » voici deux ans ( lire sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/gael-benyamin-la-confidential.html et https://gonzomusic.fr/geyster-knight-games-i-ii-iii.html ). Cette fois, nouvel exploit, puisque ce playboy du Golden State réapparait au bras de SIX ravissantes chanteuses différentes sur dix titres. Qui dit mieux ? Comme l’Hotel California des Eagles, où l’on peut faire son check out à n’importe quel moment, mais sans jamais pouvoir partir, Gaël a beau avoir déménagé de LA depuis depuis plus de dix ans maintenant, en fait il ne l’a vraiment jamais quittée…tout du moins, soniquement parlant. Geyster sonne toujours autant KNX FM et qui saurait le lui reprocher ? Dés le premier titre, « Easy » ( feat Ethel Lindsay) ( non, rien à voir avec le hit des Commodores) on se retrouve plongé dans la douce chaleur ce jacuzzi cool pulsé, aux faux airs, sur quelques violons, de « Reach Out I’ll Be There » des Four Tops. Voix haute à la Bee Gees, ooooh ooooh à foison, une pointe de Chic, pas d’erreur possible, Gael Benyamin a de nouveau enclenché sa « big time machine back to Hollywood 70/80 ». Nostalgique ? Sans doute. Mais le désir d’émulation est le plus fort chez Geyster car à force d’émuler son California dream, porté par son incontournable piano électrique, il a fini par se forger sa propre personnalité. Ce que prouve toute la maturité de ce « With All Due Respect ». « The Brightest Bright » à la couleur ciel bleu azur de LA, presqu’aveuglant, lorsque le smog se lève enfin. On songe un à peu « You Did Cut Me » de China Crisis…produit par Walter Becker, c’est léger comme un ballon gonflé à l’hélium tout comme « Higher Lands », lequel comme son titre l’indique, échappe lui aussi largement à l’attraction terrestre, emporté par son groove insouciant. C’est aussi un des incontestables atouts de ce nouveau CD. Frisson dans le dos garanti et toujours cette fichue machine à remonter le temps jusqu’aux 80’s. L’album s’achève sur cet aveuglant coucher du soleil dans l’océan Pacifique comme une boucle bouclée, une fin qui suggère un éternel recommencement dès le lendemain matin. C’est toute l’utopie de Geyster et nous sommes fiers de la partager.
14 RAE SREMMURD « SremmLife2 »
Ils ont respectivement 22 et 24 ans, ce sont deux incroyables frangins, dont le hip-hop hit imparable intitulé « Black Beatles » a su balayer l’hiver 2016-2017 de son cool groove ensoleillé originaire d’Atlanta. Avec son nom quasi imprononçable, et son style electro choqué, aussi original qu’une version modern style des Bones, Thugs N’ Harmony, Rae Sremmund, au nom comme un héros norvégien, est sans doute la meilleure surprise au rayon blackitude agitée, section teen-ager, du moment. Dig it ! « Black Beatles in the city, be back immediately to confiscate the moneys (…) I’m a fucking black Beatle, cream seats in the regal/Rocking John Lennon lenses like see’em spread eagle (…) Black Beatles bitch, me and Paul McCartney related… » « Black Beatles » featuring Gucci Mane. Il parait que Paul McCartney en est fou. On le comprend, nous aussi. Ce « Black Beatles » des Rae Sremmund est tout simplement viral. Leur second album « SremmLife2 » est une jolie petite bombe rapologique, digne d’un phénomène tel que Kendrick Lamar ou mon « protégé » Anderson. Paak. Mais en version teen-ager attardé. Et ce qui le propulse en avant, c’est ce phrasé nonchalant du sud des USA, une coolitute chantée-parlée, délicatement électro-choquée, proche du staccato de Bones, Thugs N’ Harmony de Cleveland. Si les deux frangins Kalif « Swae Lee » Brown, 22 ans seulement et Aaquil « Slim Jxmmi » Brown 24 ans, sont nés à Tupelo dans l’État du Mississippi- là où justement est né Elvis Presley….serait-ce un signe ?-, il sont désormais basés à Atlanta, la ville qui a généré les sémillants Outkast, mais aussi les pionniers Arrested Development, Ludacris, le prometteur Young Thug ou encore T.I. . D’abord un trio, sous le pseudo improbable de « Dem Outta St8 Boyz » (Ces mecs sortis de la 8éme rue), les frères parviennent enfin à signer en tant que duo en 2014 sur le label EarDrummers Entertainment. Joyeusement déjantés, nos boys from Tupelo vont alors revendiquer leur nouveau patronyme de scène en prononçant tout simplement en « verlan » le nom de leur label indépendant… ce qui donne Rae Sremmund. CQFD ! Sous la houlette du producteur- au nom predestiné- Mike WILL Made-It, les petits Rae Sremmund se métamorphosent en mini Young Thug en puissance et le prouvent avec les 14 titres solides de leur deuxième CD « SremmLife2 ». Certes, du côté des thèmes de leurs chansons, Swae Lee et Slim Jxmmi nous la jouent plutôt girls, money and cars que théorie de la relativité d’Einstein, mais qui saurait le leur reprocher. Il suffit d’écouter « Start A Party » pour se laisser porter par l’énergie et l’humour potache de ce titre secoué comme devrait l’être une bouteille d’Orangina. Dans le rap résolument sudiste de Rae Sremmund, on retrouve dans ce flow déjanté toute la nonchalance, la chaleur humide de ces anciens États confédérés des USA. Et aussi la fierté d’être black dans un univers essentiellement blanc. Et comme avec Rae Sremmund tout est question de codes, la signification du titre SremmLife de leurs deux albums nous est révélée par Jxmmi : «SremmLife c’est faire ce que tu veux de ta vie. Si tu aimes lire des bouquins, c’est ta SremmLife à toi. Si tu aimes balancer des verres contre un mur et que cela t’éclate parce que cela te donne de l’énergie, alors c’est ta SremmLife. » Et Swae Lee de renchérir : « SremmLife c’est tout simplement être toi-même. Tu ne te compares à personne. Tu es toi-même et unique. ». C’est toute la leçon de Rae Sremmund !
15 MC SOLAAR « Géopoétique »
Dix ans d’absence c’est long, très très long même dans une carrière de plus de 30 ans et forcément on peut légitimement se demander à quoi donc peut bien ressembler le nouvel album d’un MC revenant et pourtant si Solaar de 48 printemps ? Tout commence par « Intronisation », un medley patchwork kaléidoscope de citations de Solaar, comme un résumé des épisodes précédents dans les séries télé. Dans le tracklisting de ce 8éme Solaar, on passe direct aux choses sérieuses avec « Sonotone », premier single coup de poing qui aura servi de teaser à l’album où « automne » rime avec « sonotone ». Drôle d’idée, tout de même de faire un titre dédié à l’âge, aux acouphènes et qui s’achève par un « j’aurai voulu te dire que je m’en vais … » mise en abime subliminale de Serge de son « je suis venu te dire que je m’en vais ». Avec Claude, le festival de jeux de mots est permanent, à chaque écoute on en découvre de nouveaux, c’est tout ce qui fait la force de cet inclassable rapper. La preuve avec « L’attrape-nigaud » où il balance : « je suis un môme qui veut voir le MOMA ». Sur un beat syncopé, les allitérations les plus frappées s’enchainent sur un rythme vaporeux. Parfois aussi le jeu de mots se fait calembour comme cet irrésistible : « je suis tombé dans la trappe nigaud… » ah ah ah ! « J.A.Z .Z » comme son nom l’indique, vibre d’un beat jazz qui rappelle la « Concubine de l’hémoglobine » et qui réveille le souvenir de sa collaboration avec Gangstarr pour Jazzmatazz « Le Bien le Mal ». Avec « Super Gainsbarre ( feat Maureen Angot) » on peut dire que le rapper porte un hommage appuyé et mélodique à « Initiales BB sans oublier l’auto clin d’œil à son propre « Nouveau Western ». Les choristes y ont l’accent anglais, comme « Comic Strip » ou « You’re Under Arrest ». Claude multiplie les références à « l’homme à la tête de chou » à « Lola rastaquouère », « Orang Outan », « Colic Strip » ou Di Doo Dah »… en citations directes de Serge Gainsbourg. La chanson-titre « Géopoétique » attaque par son intro solo saxe jazzé, puis une guitare pour une succession de calembours tels que « veux-tu monter négro ? J’ai descendu la tasse cul sec comme un schnaps du Montenegro »…il a osé…. Mais n’est-il pas MC Solaar ? Il cite » Davis Miles et tous ses miles » , nous écrit des cartes postales de pays exotiques comme le Yémen ou Jamaïque ou Centrafrique. Enfin, « La venue du MC » apporte sa conclusion de super-production à l’instar d’une BO grandiose à la « Ben-Hur » ou « Kingdom of Heaven ». Alors Solaar or not Solaar ? That’s the question. Sans me livrer ni au massacre à la tronçonneuse un peu de mauvaise foi du collègue de Vice…ni tomber dans le laudatif exacerbé de la presse « intelo » qui de Télérama au Monde en passant par les Inrock ne peut tarir de compliments, moi j’opterais disons une position plus médiane. Oui c’est cool de retrouver Claude. Non ce « Géopoétique » n’est pas un « album génial » même s’il est incontestablement un album qualitatif pour célébrer le retour de « l’as de trèfle qui pique ton cœur ». Welcome back mister M’barali !
16 THE MAN FROM MANAGRA : « Half A Century Sun »
Ce disque est sans doute ce qui nous arrive de mieux du Péloponnèse depuis…les Aphrodite’s Child de Demis Roussos, Lukas Sideras et le brillant Vangelis O. Papathanassiou, sous ce pseudo de The Man From Managra se cache un brillant et mystérieux singer songwriter…sous le second alias de Coti K. Il publie son second album, l’intemporel et cool néo-Floydien « Half A Century Sun » qui a su m’alpaguer comme jadis les sirènes avaient su captiver l‘équipage d’Ulysse. On se souvient tous de ce qui nous avait tout d’abord séduits chez les Aphrodite’s Child, les hits de pure pop-music sucrés dont les textes étaient signés Bergman. Mais, ensuite, il y eut les Aphrodite’s Child, Mark II, avec l’hallucinant « 666 » ( Voir dans Gonzomusic https://gonzomusic.fr/aphrodites-child-666.html ) comme un écho à « Echoes », comme une réponse grecque au Pink Floyd à Pompeï. Mais depuis la publication de ce chant du cygne déjanté des enfants d’Aphrodite en 1972, je n’avais rien entendu d’aussi excitant made in Greece que ce The Man from Managra avec Coti K et son planant « Half A Century Sun » où l’on note la présence du Tuxedo Moon, Blaine Reininger, et de quelques invités. L’album aura mis deux années à naitre. Produit par l’artiste lui-même, il démarre sur le particulièrement David Gilmourien « The Sailor ». À l’instar de la quasi-totalité des titres de l’album, il est chanté en anglais. Et harmonique et cool, intemporel, tout comme le second morceau, le planant « Saviours of This World » aux réminiscences des Moody Blues. Manifestement, le voyage à travers le temps se poursuit chez the Man From Managra avec un joyeux retour par la case Pink Floyd, on dirait un peu « Saint Tropez », avec la cool « Sipping On Sorrow ». Sans doute la composition la plus exotique du CD, « Se Ti Rivedro » est chantée…en italien. C’est une balade aérienne portée par une guitare acoustique; elle est 70’s rétro comme une lava lamp qu’on ne peut s’empêcher d’observer encore et encore. Enfin, « Half A Century Sun » s’achève sur un étrangissime et dichotomique instrumental, comme un orchestre qui s’accorde…mais pas vraiment, que ne renierait pas David Gilmour. Et là on se dit que, décidément, la boucle est vraiment bouclée. Seul regret, on ne trouve dans ce disque ni bouzouki ni sirtakis, même pas un cri d’Irène Papas ou de sa petite fille, même si cet étonnant « Soleil d’un demi-siècle » a effectivement été conçu entre l’ile de Tinos, dans les Cyclades et la capitale, Athènes.
17 U2 « Songs of Experience »
14 éme épisode des aventures de U2 « Songs of Experience » se décline en 67 minutes et des poussières en 17 titres. De prime abord, on note que trois des compositions arborent le mot « love » dans leur titre, ce qui est sans doute un signe. Dés le premier titre et ses effets vocoders sequencés, qui ressemblent à s’y méprendre à ceux du « Welcome to Heartbreak » de Kanye West, on peut dire que les iralandais jouent l’effet de surprise. U2 est franchement méconnaissable. Mais chassez le naturel… back to the U2 « mainstream », avec « Lights of home » capturé avec la complicité des sœurs Haim, belle mélodie et émotion savamment distillée boostée par la guitare de the Edge et sans doute futur single. La suivante, « You’re the Best Thing About Me » est une énergique love-song qui assume pleinement ses racines gaéliques, mais il faut attendre le 4éme titre, le premier et puissant single « Get out Your Own Way » ( avec Kendrick Lamar, tout de même !) pour que nos U2 retrouvent leur vitesse de croisière, avec un rock climatique aussi entrainant qu’évanescent. Certes, tout cela ne fait pas dans la légèreté, mais qui saurait reprocher à U2 de faire du U2 ? Retour à l’énergie avec « Red Flag Day », référence au drapeau rouge des plages interdisant la baignade et plus généralement à la prise de risques qu’il faut parfois savoir assumer dans la vie. Petite particularité, on retrouve dans ce morceau la voix familière d’un certain Julian Lennon, fils ainé de John et demi-frère de Sean. Incroyable, mais vrai, « The Showman ( Little More Better)» ressemble à une composition qui roule des mécaniques comme Bruce Springsteen à la « Cadillac Ranch » ou « You Can Look But Not Touch »; mais depuis le temps que le groupe traine ses basques aux US of A, cela n’a rien de surprenant, n’est-ce pas ? U2 reprend du poil de la bête avec « The Blackout » qui rappelle franchement leur « Discotheque » de 97, mais qui saurait empêcher Paul David Hewson de faire du Paul David Hewson ? Avec « There Is a Light », U2 nous refait un peu « One » ou « Miss Sarajevo » des Passengers, en bon vieux slow feel good. Peut être l’une des compositions les plus enthousiasmantes de ce nouvel U2, « Ordinary Love », au-delà de son titre n’a rien d’ordinaire, au contraire. Délicatement électro, et pourtant rock malgré tout, elle constitue l’un des incontestables atouts de ce projet. Enfin, ce 14éme épisode des aventures du groupe de Dublin s’achève sur la contemplative « Book of Your Heart ». Mais …pas tout à fait, car deux titres bonus complètent ce « Songs of Experience », le remix spécial violons de « Lights of home » puis le remix techno-cool de « You’re the Best Thing About Me » où U2 fait le pari de regagner les dance-floors. Et pourquoi pas ? Ce nouveau U2 nous fait largement oublier son catastrophique prédécesseur.