APHRODITE’S CHILD : « 666 »
Mais qu’est-ce qui lui passe par la tête ce GBD de chroniquer le « 666 » des Aphrodite’s Child, un double LP sorti voici très précisément …44 ans ! Facile, Gonzomusic a démarré début décembre 2014 et depuis cette date, nous avons publié …666 articles, news et chroniques, alors pour fêter ce « non-birthday » mais birthday quant même j’ai choisi de vous parler de ce monument de la pop-music qu’est «666», sans doute avec « Harvest », « Ziggy Stardust » et « Exile On Main Street », l’incontestable album de mes 16 ans.
Quand j’ai parlé à mon fils des Aphrodite’s Child, il m’a demandé si c’était les soeurs des Destiny Child….Alors, on connaît tous l’histoire, mais il est bon manifestement de la rappeler. Groupe grec et pop, les Aphrodite’s Child se retrouvent coincés à Paris en 68 à cause des fameux évènements. Contre mauvaise fortune, bon cœur nos Grecs se mettent alors à enregistrer à Paris des singles irrésistibles tels que « Rain and Tears » ou « It’s Five O’Clock ». Slows braguettes ou pièges à filles par excellence, les 45 tours des Aphrodite’s Child font un carton commercial. Mais lorsqu’ils se lancent dans l’incroyable aventure d’adapter « l’Apocalypse selon Saint-Jean » ou « Le livre des révélations » cela devient une toute autre histoire, nos allumés plongent direct de la lumière des émissions de Guy Lux à l’underground…et encore, sans le velours. Lorsqu’ils découvrent ce double 33 tours, les dirigeants de Phonogram restent sans voix et décident qu’il était urgent de ne rien faire. Jesus Christ Superstar en version antéchrist, sur lequel la comédienne Irène Papas éructe, glapit, gémit, hurle de manière on ne peut plus équivoque durant plus de cinq minutes, il faut avouer que « 666 » avait largement de quoi choquer le bourgeois. Disque maudit « 666 » prendra plus d’un an la poussière sur une étagère avant de sortir enfin en juin 1972. Et si l’album échappe largement au poids des ventes et au choc des charts, « 666 » devient pourtant une légende instantanée dans nos cours de récré. Au grès de ses 24 titres apocalyptiques, sous sa pochette rouge écarlate où se détachent uniquement les trois chiffres maléfiques, l’album est né de la folie croisée de ses deux créateurs. Le claviers génial compositeur des Aphrodite’s Child Vangelis O. Papathanassiou qui signe toutes les musiques comme la prod limpide de cette super-production et le réalisateur Costas Ferris qui écrit tout le concept comme les textes de cet « Apocalypse of John » revisité.
Le crépuscule des hippies
Si Demis Roussos, le chanteur des Aphrodite’s Child assure la plupart des voix, l’album comporte également de très nombreux chœurs féminins et de la narration. Mais son appendice puissant domine incontestablement ce disque majeur au texte si ésotérique, sans doute avec « Dark Side of The Moon » l’album le plus planant de sa génération. Psychédélique et ouvertement progressive, « 666 » illumine de son enfer sonique le crépuscule des hippies, dernier avatar puissant avant l’arrivée du glam rock et de ses paillettes. Pourtant, malgré toutes ces années écoulées « 666 » n’a rien perdu de son éclat. Au contraire. Ses guitares incendiaires, ses rock hallucinés, ses slows sensuels et habités, son orient désorienté qui enivre les sens, toute cette folie contribue au génie de ce « 666 » enregistré au Studio Europasonor à Paris. Hélas lorsqu’il sort enfin en 72, Vangélis s’est déjà mis à composer seul son fameux « Fais que mon rêve soit plus long que ma nuit » avant de signer toutes les fameuses BO qu’on lui connaît (Bladerunner, Les chariots de feu etc …). Quant au chanteur bassiste Demis Roussos, il a déjà décroché son numéro un au hit-parade avec l’insipide « We Shall Dance », premier single à succès d’une longue série de tubes de heavy variété. Quant au batteur Lucas Sideras, il avait déjà repris un vol pour Athénes accompagné du guitariste Silver Koulouris. Ainsi, lorsque « 666 » garnit enfin les bacs des disquaires, le groupe qui l’a créé s’est déjà atomisé. Les Aphrodite’s Child n’enregistreront plus jamais rien. Mais nos grecs finissent en beauté, avec un double LP historique qui égale son collègue « Ummagumma » de Pink Floyd, un invincible monument voué à la déesse pop music.